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La photographie dite de la « T ondue de Chartres », prise par Robert Capa le 16 août 1944, est sans doute le document le plus représentatif du phénomène de l'épuration sauvage qui a entaché la libération de la France. Victime sacrificielle, ou coupable avérée ?
Au fil d'un long travail de recherche, il a enfin été possible de reconstituer l'itinéraire familial et politique de cette femme. C'est une société provinciale en proie aux déchirements idéologiques, mais aussi aux querelles de voisinage, aux rancoeurs de tous ordres, qui resurgit devant nous.
http://encreenpapier.canalblog.com/archives/2019/02/06/37080474.html
1939-1945, c’est la Seconde Guerre mondiale. Très vite après la défaite française en juin 1940 et l’invasion des allemands, les sympathisants allemands se montrent. Simone Touseau née en 1921, germanophile, fait partie de ceux-là. Travaillant pour les allemands, ayant un compagnon allemand (qui sera le père de son fils), elle est aussi l’amie de la pro-nazi Ella Meyer.
Simone Touseau c’est cette "Tondue de Chartres", fixée pour l’éternité par l’objectif du photographe Capa. A cette tondue germanophile et proche des allemands, on reproche au moment de la libération - outre ses sympathies allemandes - d’avoir dénoncé quatre voisins pour avoir écouté la radio anglaise, dont deux ne reviendront pas... Qu’en est-il vraiment ?
Après une enquête rendue difficile par les variantes d’écriture et de date, les auteurs vont finalement nous donner peut-être la clef, du moins leur clef, de ce mystère. A-t-elle était accusée à tort ou non ?
Simone Touseau :
Après une description d’usage des protagonistes, les auteurs vont commencer par nous expliquer que les accusations de sympathie avec l’ennemi que l’on reproche à Simone Touseau, ne sont pas une erreur. En effet, selon les témoignages d’époque Simone Touseau n’a jamais caché sa germanophilie, par intérêt de tout ce qui « est mis à l’index ».
Selon les auteurs, ce comportement pro-allemand serait exacerbé par son côté prétentieux et son ambition ; elle n’accepterait pas le déclassement social qu’a vécu ses parents au lendemain de la Première Guerre mondiale, et refuserait de prendre pour exemple sa sœur Annette qui sacrifie son salaire afin d’aider ses parents.
Enfin, ce côté rebelle, pourrait peut-être aussi s’expliquer par le fait que sa famille n’est pas issue du schéma traditionnel qui voudrait que le père de famille soit le chef de cette dernière, puisqu’en effet c’est la mère qui commande à la maison.
Si je vous parle de cela, c'est que tout cela à son importance. En effet, ce tempérament orgueilleux et rebelle, donnera très vite à Simone une réputation d’effrontée, qui, on s’en doute, ne sera pas franchement appréciée par le voisinage et jouera contre elle à la libération, comme l’attesteront les reproches dressés contre le père de famille de ne pas avoir été le mâle alpha dans la maisonnée. Toutefois, vu sa collaboration avec l’ennemi allemand – et je ne parle pas de son histoire d’amour –, on peut aussi affirmer que le respect des moeurs ne sont pas les seuls éléments qui dictent les témoignages. Reste maintenant à voir si tous disent la vérité, et si les accusations peuvent être toutes acceptées sans discussion.
Quelle vérité ? :
Comme je le disais dans l’intro, Simone Touseau a travaillé volontairement pour les allemands et avait pour amie Ella Meyer, une suisse pro-allemande qui fuira lors de la libération de Chartres. Il n’en faut donc pas plus pour qu’on lui reproche la dénonciation de quatre voisins, qui sont aussi à peu de chose près les voisins d’Ella Meyer. On a vu également, que les mœurs de la jeune fille et de la famille ont joué énormément dans la suspicion. Mais pour un juge, au lendemain de la libération et dans un pays qui crie vengeance, reste à faire la part des choses ; car peut-on affirmer que les accusations de dénonciation ne sont que des mensonges et se basent sur les préjugés, quand à côté cette famille a eu de bons rapports avec les allemands ?
Difficile à dire. Toutefois, force est d’admettre avec les pièces d'archives que les auteurs ont ressortie, que les accusations de dénonciation ne reposent pas sur grand-chose de tangible. En effet, les charges pleuvent mais les preuves manquent, et finalement on va s’apercevoir qu’à part supputer, rien - excepté la sympathie allemande - ne peut être prouvé avec certitude contre Simone Touseau et sa mère. Les témoignages se basant seulement sur des impressions, des convictions et quelques scènes qui ne laissent pas de traces où transparaît en plus les histoires de voisinage et les opinions sur cette famille. Donc, autant dire que les pièces à charge sont biaisées pour ce dossier. (Et pour combien d’autre aussi ?)
Finalement, devant le manque de preuve concrète, le juge condamnera Simone Touseau pour ses sympathies pro-allemandes mais pas pour la rafle de février 1943. Néanmoins et nonobstant cet état de fait, pour les auteurs tout porte à croire que la dénonciatrice est Ella Meyer. Morte de son bel âge en 2016 et qui a bénéficié d’un non-lieu, car la dame aurait retourné sa veste et sauvé quelques têtes. Mais le hic avec cette théorie très plausible, c'est que les auteurs ne l'ont pas plus creusée que ça.
Règlement de compte :
Enfin un autre atout de ce livre que j’ai beaucoup apprécié, réside dans la description du jour de la libération de Chartres. Je ne parle pas des combats et de ses stratégies, mais de cette fureur qui a pris possession des esprits et qui profitent de cette justice expéditive pour régler leurs comptes ; qu’ils soient amoureux, comme le cas de Yvonne S. arrêtée par son ex-amant, ou plus personnels… Beaucoup de ces enthousiastes de l'épuration sont des résistants de la onzième heure, ils profitent donc de cet évènement pour faire oublier leur léthargie pendant l’occupation, et ça leur enlève forcément quelques neurones...
Bref ! Ce livre montre à voir un peu plus que l’affaire de la « Tondue de Chartres », et en ça c’est aussi excellent.
En résumé, c'est un livre à lire pour cette histoire de la "Tondue de Chartres" (que je n'ai fait que très vite résumer), mais aussi pour avoir une bonne vision de la mentalité de l'époque. Par ailleurs, c'est un excellent livre qui montre les difficultés des jugements après la libération. Un livre à lire donc, et en plus de ça un livre qui se lit comme un roman.
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