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En septembre 2001, la Suisse a signé, avec 162 autres pays, la Déclaration de Durban élaborée au terme de la troisième Conférence mondiale contre le racisme, reconnaissant que « l'esclavage et la traite des esclaves constituent un crime contre l'humanité ». Tout en s'associant à cette occasion à la communauté internationale, la Suisse a voulu marquer sa différence en soulignant, par la voix de son représentant, qu'elle n'avait « rien à voir avec l'esclavage (ou) la traite négrière ».
Au vu de ce que révèle ce livre, ce point de vue n'est guère défendable. Il y est établi qu'aux XVIIIe et XIXe siècles des marchands, des maisons de commerce et des financiers suisses ont été impliqués dans la traite des Noirs soit en fournissant des produits contre lesquels étaient échangés des captifs noirs sur les côtes africaines, soit en participant à au moins une centaine d'expéditions négrières lancées avec des navires baptisés La Ville de Basle, Les 13 Cantons, La Ville de Lausanne, Le Pays de Vaud ou L'Helvétie. Au total, les Suisses auraient directement ou indirectement contribué à la déportation de quelque 175'000 Noirs vers les Amériques.
Ce livre révèle par ailleurs que des Helvètes n'étaient pas seulement des négriers, mais également des esclavagistes, et qu'ils ont de surcroît contribué à maintenir le système américain de plantation esclavagiste. D'un côté, ils ont exploité des Noirs sur des plantations dont ils étaient les propriétaires dans les Caraïbes et sur le continent américain. De l'autre, des soldats confédérés ont participé à la répression de révoltes d'esclaves.
En Suisse, comme dans le reste de l'Europe, de telles pratiques n'ont pas manqué d'être dénoncées par des associations antiesclavagistes, apparues dans plusieurs cantons au cours des XVIIIe et XIXe siècles. Ce livre caractérise pour la première fois le mouvement abolitionniste suisse en scrutant les motivations, les valeurs et les arrières pensées de ses membres.
L'implication dans l'esclavage des Noirs a été en Suisse principalement l'affaire de firmes privées et de particuliers. En deux siècles, le Conseil fédéral n'est intervenu sur ce registre qu'à deux reprises. En 1864, il dût se prononcer sur la situation de planteurs esclavagistes suisses au Brésil. Tout en déplorant que des « familles suisses (...) y soient devenues des planteurs possédant des esclaves », le Conseil fédéral s'est abstenu de demander la libération de leur main-d'oeuvre servile. Cela serait priver ces familles « d'une partie de leur fortune légitimement acquise ». « C'est là, conclut le Conseil fédéral, ce qui répugne à nos idées de moralité et de justice ». C'était privilégier la logique économique sur toute autre considération.
Cent cinquante ans plus tard, dans une déclaration datée de juin 2003, le Conseil fédéral se prononcera sur la participation suisse à la traite négrière. Avec le même pragmatisme. Il « regrette (...) que différents citoyens suisses (aient) étaient impliqués de près ou de loin (dans le) commerce transatlantique des esclaves ». Le gouvernement fédéral se dit « disposé à soutenir le réexamen (...) du passé ». Il y voit cependant une limite qui exclut toute demande de réparations: « Les générations actuelles ne sauraient être tenues pour responsables des erreurs commises par leurs aïeux ».
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