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The Hebrew Republic, Jewish Sources and the Transformation of European Political Thought est devenu dès sa publication par Harvard University Press en 2010, et pour de nombreux universitaires à travers le monde, un véritable classique des études sur l'histoire des idées politiques européennes pendant la période cruciale qui court de la Renaissance aux Lumières.
La thèse magistrale défendue par Eric Nelson est une contribution majeure à un nouveau courant historiographique, qui cherche à repenser les origines de la pensée politique moderne, courant qui commence également à percer en France, notamment par une compréhension beaucoup plus fine et plus juste de ce qu'on a appelé la «?sécularisation?» européenne.
Cette entreprise est particulièrement fructueuse dans le cas d'Eric Nelson, car il fait se rencontrer des textes et des traditions de pensée qui ont toujours été étudiés séparément. De cette rencontre, parfois exotique, naît un regard neuf et profondément original sur la constitution de la pensée politique moderne, remettant en question la thèse selon laquelle c'est une sécularisation progressive, régulière et inéluctable qui a conduit à l'avènement de nos sociétés occidentales démocratiques contemporaines.
Le texte ne cherche pas à cacher la dimension révolutionnaire à la fois du corpus qu'il présente et de la thèse qu'il défend, ce qui lui donne parfois l'allure d'un «?essai?», mais le travail de recherche, de lecture et d'analyse accompli en amont par l'auteur est absolument colossal, et il répond à une nécessité à présent reconnue dans les milieux spécialistes de part et d'autre de l'Atlantique?: reconnaître l'existence historique avérée de l'interaction des sources talmudiques et rabbiniques avec les canons de la pensée proto-libérale à l'heure de la première modernité, ce qui mène à une réinterprétation de ces derniers et permet d'inclure des écrits précédemment laissés de côté.
À partir de là, si l'ouvrage d'Eric Nelson ne propose rien de moins qu'un renouvellement historiographique, c'est aussi parce qu'il parvient à mettre en lumière une réinterprétation de l'Israël antique qui se développe en particulier dans l'Angleterre révolutionnaire du XVIIe?siècle et qui est aux antipodes des idées reçues sur le système politique hébraïque, souvent perçu comme une théocratie ou une monarchie monolithiques et caricaturales. Dans ces sources, l'Israël antique est au contraire bel et bien une république, un État de droit antagoniste de la monarchie, voire farouchement opposé à toute forme de royauté qui serait quant à elle renvoyée à une forme d'idolâtrie. Un État où l'exercice du pouvoir, comme la répartition des richesses, doit idéalement se faire le plus largement possible, et où les affaires religieuses sont placées sous le contrôle du magistrat civil (ou autorité étatique) pour instaurer la concorde entre tous les citoyens.
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