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Cocteau a fumé de l'opium de la mort de Raymond Radiguet en janvier 1924 jusqu'à la cure « définitive » ordonnée par Jean Marais en décembre 1940. Seize années de souffrances et d'ivresses, de lunes de miel et de lunes de fiel, de déclarations d'amour et de menaces de divorce. Seize années de labeur fécond, d'Opéra aux Enfants Terribles, d'Orphée au Sang d'un poète. La drogue n'est pas, chez Cocteau, une chose secrète, cachée, honteuse ; elle fait l'objet d'un livre en 1930 - Opium, journal d'une désintoxication - et répand sa fumée par tous les interstices de l'oeuvre.
Un livre sur Cocteau et l'opium ? Les objections ne manqueront pas, et de tous ordres. Les plus idolâtres s'affligeront d'une possible atteinte à la mémoire de l'homme, à celle du grand poète consacré par l'Académie et les manuels scolaires, dont il peut sembler indélicat de rappeler aujourd'hui qu'il fut aussi un grand drogué. D'autres souligneront, avec les mêmes conclusions, que Cocteau s'est suffisamment exprimé pour qu'il ne soit pas nécessaire de rouvrir ce dossier.
Le risque de malentendu est d'autant plus réel que la figure du drogué subit, au cours du XXe siècle, une altération : autrefois tolérés et même reçus dans les meilleures maisons, les drogués ont rejoint les malades et des délinquants. Aussi Cocteau opiomane pourrait-il bien être sommé, par une société qui n'assume pas ses rapports changeants aux drogues, de rester caché quelque temps encore.
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