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L'exploit d'Oskar Schindler est connu, celui de Felix Kersten l'est beaucoup moins. Pourtant, un mémorandum du Congrès juif mondial établissait dès 1947 que cet homme avait sauvé en Allemagne « 100 000 personnes de diverses nationalités, dont environ 60 000 juifs ». Dans son roman Les Mains du miracle, Joseph Kessel retraçait déjà l'action du thérapeute d'Himmler, sans que le lecteur puisse toujours distinguer la part de Kessel de celle de Kersten. Pour reconstituer cette dernière au travers des archives, des mémoires, des journaux, des notes et des dépositions des principaux protagonistes, il fallait un historien spécialiste de la Seconde Guerre mondiale qui soit également polyglotte. Le résultat est un récit de terreur, de lâcheté, de générosité, de fanatisme et d'héroïsme qui tiendra jusqu'au bout le lecteur en haleine.
Le déroulé du parcours de Félix Kersten est assez dense et parfois un peu ennuyeux à parcourir. Il est incroyable de mesurer le parcours qui l’a amené de la guerre de libération des pays balte contre l’armée rouge en 1919 à devenir le médecin de l’un des principaux dignitaires nazis. Et plus encore, il est difficile de prendre conscience du pouvoir de conviction qu’a pu exercer le thérapeute sur son patient maléfique. L’imaginer négocier, faire valider des listes et encore des listes de personnes à épargner ou libérer est très difficile à concevoir. Si ce n’était l’énorme travail de recherche de l’auteur, que ce soit sur les différentes versions des écrits de Kersten que sur les archives, mémoires et journaux des différents protagonistes, on aurait vraiment du mal à y croire. À travers Félix Kersten, c’est également un portrait de l’intérieur de Himmler qui nous est proposé. Un homme soucieux de l’image qu’il va laisser dans l’histoire, entre fidélité excessive à son chef, indécision, conditionnement de ses actes à l’astrologie et défense d’un prétendu esprit germain. Tous ces traits que son thérapeute va utiliser pour mieux le convaincre de céder à ses demandes. La dernière partie du livre, après la capitulation allemande, est passionnante. On y retrouve un homme sacrifié en dépit de ses actes sur l’autel des ambitions personnelles et des considérations de politique internationale, avant de finalement d’être difficilement réhabilité.
Un livre saisissant qui donne à connaître à tous un grand homme.
La liste de Kersten fait partie de la sélection Documents & essais du Prix des Lecteurs du Livre de Poche 2022.
Il y a quelque temps, je lisais La Filière de Philippe Sands, autre témoignage et essai sur une époque trouble de l'histoire mondiale.
Si dans le premier livre, on suivait les traces d'un dignitaire nazi ayant échappé à la justice des hommes, cette fois avec le livre de François Kersaudy nous entrons dans une autre dimension en suivant Kersten, "Juste parmi les démons du reich allemand".
J'avoue une préférence pour ce deuxième ouvrage qui a révélé cette histoire dont je n'avais jamais entendue parler.
Felix Kersten est un personnage "à la Schindler" que l'on connaît sans doute mieux, notamment parce qu'il a été mis en lumière dans le film de Steven Spielberg La Liste de Schindler.
Comme Schindler, Kersten a lui aussi sauvé la vie de milliers de personnes pendant la seconde guerre mondiale…
Mais il l'a fait disons d'une façon assez rocambolesque.
En effet, il avait une position particulière en tant que thérapeute d'Himmler.
Celui-ci souffrait de maux de ventre invalidants (sa conscience ?…) et Schindler arrivait à soulager ses maux naturellement (notamment par l'apposition de ses mains, des massages réguliers) alors que même les médicaments (même la morphine) n'avait que peu d'effet.
Felix Kersten a par ce biais pu avoir une influence sur le celui que l'on qualifie parfois de « meurtrier du siècle ».
C'est tout de même hallucinant que cet homme ait pu avoir un tel pouvoir et soutirer en échange de ses soins, des listes de personnes à sauver dans les camps ou ailleurs (100 000 personnes). Allant même jusqu'à arracher au chef suprême des SS que les camps ne soient pas dynamités avant l'arrivée des alliés.
En même temps, l'auteur nous dresse à travers le regard de Kersten le portrait d'un homme - Himmler - complètement assujetti à son maître (Hitler), un homme peureux, faible physiquement et mentalement, avide de flatteries…
Pour ce faire l'historien François Kersaudy, spécialiste de cette époque, s'est beaucoup appuyé sur le roman Les mains du miracle de Joseph Kessel qui traitait déjà du thérapeute et de son action (je ne l'ai pas lu) mais il a démêlé quelques noeuds au passage (approximations, fausses données que l'auteur évoque notamment dans ses notes).
C'est un admirable travail de recherche, un portrait fascinant de ce Juste et d'une époque.
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