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Encore largement méconnu, découvert dans ses archives plusieurs décennies après sa mort, tout un pan de l'oeuvre de Carl Einstein est écrit en français. Le texte que nous publions fait partie de ce corpus étonnant. Il s'agit du texte d'une conférence qu'il donna à la Sorbonne en janvier 1926, où il semble tenter de condenser sa pensée notamment sur les questions d'esthétique. Un texte sur la création artistique, sur l'intuition, sur la force de l'imagination, créatrice de formes.
Les textes qu'il a rédigés en français n'ont pas seulement une saveur particulière parce que leur langue serait eurie ou joliment fautive, ils ont par ce fait même une puissance incroyable : comme des éclairs de génie, toutes leurs fulgurances langagières produisent des étincelles de pensée qui leur font toucher des points que la langue engoncée et normée des savants tient comme inévitablement et à tout jamais à distance. Pour le dire autrement la langue d'Einstein nous paraît, sous ses apparences très arides et abstraites, avoir le pouvoir de la poésie. Dans sa postface Isabelle Kalinowski décrit comment « Einstein utilisait le français pour faire voler en éclats l'opposition entre pensée spéculative et invention littéraire, en forgeant un mélange rigoureusement dosé de rhétorique démonstrative, à l'ample syntaxe rythmée, et de fulgurances sémantiques sciemment choisies.» Le texte que nous publions, La Discontinuité même, pose « une antithèse entre science et art, dont les ressorts sont ensuite inlassablement réexaminés dans les reprises d'une écriture en spirale. » Le texte ne fait référence à aucune oeuvre et peut apparaître au premier abord comme « le développement litanique d'une opposition binaire, d'une aporie entre rationnel et irrationnel, concept et création, quantité et qualité, logique et « illogismes ». » Il éclaire en réalité les phénomènes de l'intuition et les fonctionnements mentaux en montrant comment ils laissent la place au « nouveau », ce que la science ou même le travail de la mémoire s'occupent savamment à occulter voire à tuer systématiquement dans l'oeuf. Dans sa démonstration, il touche, nous semble-t-il, l'essence de l'art : cette brèche dans la mémoire, cette discontinuité fondamentale qui échappe aux chaînes de la causalité.
Le livre propose, en bonus, un autre texte inédit de Carl Einstein, celui-là traduit de l'allemand. Un texte beaucoup plus incarné sur le dessin, qui poursuit sur un autre mode l'analyse du même phénomène mental : une pépite !
Le commentaire d'Isabelle Kalinowski s'insère entre ces deux textes et reconstitue la cohérence de cette pensée si singulière et tellement revigorante.
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Dernière réaction par Jean-Thomas ARA il y a 8 heures
Dernière réaction par Yannis Fardeau il y a 3 jours
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