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Un jour, dans un café, l'écrivain attablé pense pouvoir faire abstraction de l'environnement pour travailler. C'est sans compter sur un client qui gueule sur tout le monde dont on parle à la télé allumée : David Bowie qui vient de décéder, les islamistes, les politiques... "Tous, qu'ils crèvent tous !". Et le sentiment de honte de n'avoir pas réagi s'empare de l'écrivain qui sort, laissant les clients à leurs haines. Puis, la graine de la réflexion est plantée : "Comment convaincre ?" Comment combattre le racisme, l'homophobie, le sexisme, l'antisémitisme, l'intolérance, le mépris, le fanatisme... ? La lutte semble perdue d'avance, et pourtant, il faut la mener contre l'obscurantisme, les misogynies, l'endoctrinement, les préjugés, la xénophobie... Parfois c'est dur de se rendre compte que soi-même on n'est pas exempt de reproches :
"Je me sens supérieur à celui qui trempe sa moustache dans sa bière à 8 heures du matin et crie qu'il faut tuer les Arabes à l'écran d'un téléviseur. Je méprise la haine.
Je méprise le racisme.
Je méprise l'inculture.
Je méprise l'étroitesse d'esprit.
Je n'aime pas ce sentiment de supériorité que pourtant je ressens." (p.20)
Chaque mot qu'écrit Eric Pessan, je le ressens au plus profond, je crois m'entendre penser. Je ne renie rien de ce qu'il a écrit dans ce texte, je prends tout pour moi. Cette impuissance à convaincre les plus obtus que l'humanité est une. Et la force, la conviction qui m'empêche de baisser les bras devant tous les extrémismes. Seront-ce alors la connaissance et l'extase qui permettront d'ouvrir les esprits les plus fermés : "L'intelligence serait le résultat de la connaissance et de l'extase ? La tolérance serait au bout de la connaissance et de l'extase ? Aimer la littérature, le théâtre, l'art, c'est une affaire de connaissance ou d'extase ?" (p.43)
Et pourquoi et comment s'ouvre-t-on alors que d'autres s'enferment : "Pourquoi êtes-vous devenu écrivain ? j'ai répondu mille fois à cette question, j'ai dit avoir voulu imiter le plaisir ressenti à lire, j'ai dit qu'écrire ne coûtait rien alors que jouer d'un instrument de musique était trop onéreux pour ma famille, j'ai dit le désir de revanche sociale, j'ai dit l'envie d'aller là où personne de ma famille ne se trouvait, j'ai dit le plaisir, j'ai dit la joie de la langue, j'ai dit la solitude..." (p.69) Je prends également à mon compte, mais pour la lecture que j'ai cherché à varier, dans laquelle j'ai cherché la découverte des thèmes, des écritures, des horizons, des messages, habitué avant au plus vendeur, comme pour la musique, j'aime quand on invente, quand on me surprend -à ce propos, p.48, je ne sais pas si c'est voulu, mais Bashung l'a dit mot quasi pour mot dans Samuel Hall : "[tu ferais] mieux de pondre un truc qui marche."
Comment dire mieux que j'ai adoré ce bouquin et qu'il va rester longtemps à portée de main ? C'est court, c'est dense et puissant, ce sont les réflexions d'un homme devant la bêtise humaine. C'est un ouvrage indispensable, à lire et faire lire et offrir.
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