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La synthèse de la vaste enquête scientifico-poétique menée par Julien Blaine depuis plus de 20 ans pour retrouver la trace, l'empreinte, d'une langue originelle et élémentaire qui remonterait aux racines du verbe, hors de toute révélation divine, permettant d'éclairer 58 ans d'activités poétiques.
La poésie de Julien Blaine englobe de nombreux domaines du savoir (archéologie, esthétique, science des religions, physique, ethnologie) pour créer une totalité esthétique captivante et révolutionnaire.
Il a poursuivi, depuis les catalogues d'expositions Du Sorcier de V. au Magicien de M. (galerie Pailhas, 1997) et La Cinquième feuille (Nèpes, 1999), et le corpus des Cahiers de la 5e feuille (huit numéros, de 2001 à 2008), une enquête scientifico-poétique pour retrouver la trace, l'empreinte, d'une langue originelle, d'une langue élémentaire qui remonterait aux racines du verbe, hors de toute révélation divine.
Cette langue, partout présente et toujours dérobée, il en traque les signes jusque sur les murs des grottes les plus anciennes, celles des Aurignaciens. Observant, collectant et comparant, le poète retrouve partout le même signe originel - un ovale fendu, celui de la vulve, de la feuille, du poisson ou de l'oeil : « Je reconnais les 5 ovales fendus, sources de toutes les écritures et de toutes les spiritualités. Et ce, à travers les vieilles langues (écrites et prononcées) explorées [...] / retrouvées / [...] traduites / [...] abandonnées / [...] considérées comme dessins, gravures, peintures, griffes, graphes, paraphes... ».
Cette quête de signes soulève le problème de leur compréhension et de leur possible traduction. Ici le poète en révèle le mystère.
En donnant la parole à ceux qui, comme lui, s'efforcent de comprendre non seulement la langue, mais les conditions même d'existence de la langue, Julien Blaine ne s'est pas absenté de sa poésie, au contraire : il continue de l'écrire, inlassablement, en rassemblant toutes les formes d'écritures, qu'elles soient naturelles, inscrites aux murs des grottes, ou techniques, élaborées sur Internet ; qu'elles soient scientifiques, littéraires ou considérées comme incompréhensibles, voire délirantes. Toutes ces écritures, Julien Blaine les rassemble et les « retraite » dans son propre texte, qui dès lors ne devient pas recueil poétique, mais réservoir des possibles de la langue dans tous ses états.
Si ce chantier incroyable a été ouvert en 1997, la recherche des langues originelles d'avant les monothéismes est présente dès ses premiers gestes poétiques, comme en témoigne sa première performance en 1962 : Rep éléphant 306, où à travers l'interview des éléphants d'un cirque, il tente de retrouver une parole enfouie au fon fond de nos mémoires.
Le livre La cinquième feuille - Aux sources du dit et de l'écrit constitue, enfin, la synthèse clarifiée, analysée et rendue lisible de 22 ans d'enquête et de recherche, permettant d'éclairer 58 ans d'activités poétiques.
Pour « construire» cet ouvrage, Julien Blaine a été accompagné de Gilles Suzanne, qui en signe la préface.
Gilles Suzanne est maître de conférences en esthétique et sciences de l'art à l'Université d'Aix-Marseille, chercheur au sein du Laboratoire d'Études en Sciences de l'Art (EA3274). Ses travaux à propos de la poésie élémentaire de Julien Blaine l'ont conduit à s'associer à l'Institut Mémoires de l'édition contemporaine, pour lequel il constitue le fonds Julien Blaine.
Il co-dirige la revue Incertains regards (Université Aix-marseille). Il a dirigé l'ouvrage La poésie à outrance - À propos de la poésie élémentaire de Julien Blaine aux Presses du réel (2015).
Dès le début des années 1960, Julien Blaine (né en 1942 à Rognac, vit et travaille à Marseille) propose une poésie sémiotique qui, au-delà du mot et de la lettre, se construit à partir de signes de toutes natures. Forcément multiple, il se situe à la fois dans une lignée post-concrète (par son travail de multiplication des champs sémantiques, en faisant se côtoyer dans un même espace des signes - textuels, visuels, objectals - d'horizons différents) et post-fluxus (dans cette attitude d'une poésie comportementale, où est expérimentée à chaque instant la poésie comme partie intégrante du vécu). Mais avant tout, la poésie s'expérimente physiquement : elle est, d'évidence, performative. Ses performances sont nombreuses, qui parfois le mettent physiquement en péril (Chute, en 1983, où il se jette du haut des escaliers de la gare Saint-Charles à Marseille : violence de cette dégringolade incontrôlable, et la réception, brutale, au sol, quelques centaines de marches plus bas... puis Julien Blaine met son doigt sur la bouche et, sous l'oeil d'une caméra complice cachée parmi les badauds médusés, murmure : « chuuuuut ! »). Mise en danger du corps, et mise en danger du poète, qui toujours oscille entre grotesque et tragique, dans une posture des plus fragile, car « le poète aujourd'hui est ridicule ». Performances, livres, affiches, disques, tract, mail-art, objets, films, revues, journaux... sa production est multiple, mêlant éphémère et durable, friable et solide. Pas un outil, un médium qui ne lui échappe. Mais rien qui ne soit achevé, arrêté. Car pour Julien Blaine la poésie est élémentaire, tout ce qu'il produit est fragment, indice d'un travail toujours en cours, document d'un chantier poétique à chaque instant renouvelé. Tous ces « résidus » doivent être lus en soi et en regard de ce qui nous entoure.
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