"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Retour sur une double installation vidéo évoquant les traversées maritimes et ses multiples formes dans l'histoire.
Dans l'installation vidéo Je suis du bord, Patrick Bernier et Olive Martin proposent au visiteur deux expériences d'immersion. La première est une plongée méditative au sein du mémorial de l'Abolition de l'esclavage à Nantes, lieu de mémoire cher aux artistes, conçu comme la cale d'un navire immobilisé à fleur de Loire. Dans la seconde, le spectateur assiste à la dérive de croisiéristes européens servis par l'équipage international d'un paquebot en Méditerranée.
La vie à bord défile au rythme d'une musique grave, annonciatrice d'on ne sait quelle douce et inéluctable destination. Au fil de ces navigations dans les espaces contigus et perméables de la Maison d'Art Bernard Anthonioz, les artistes nous confrontent à de tenaces antagonismes et aux échos contemporains de l'histoire coloniale.
Le livre retrace la genèse de cette oeuvre à travers un entretien des artistes avec Heidi Ballet. En écho au projet de Bernier & Martin, un texte de Kossi Efoui nous fait découvrir un monument nantais méconnu et oublié, la statue d'Henri le Navigateur, installée par la ville en 1986.
Publié à l'occasion de la double exposition éponyme au CAPC musée d'art contemporain de Bordeaux, du 19 mai au 4 septembre 2016, et au Jeu de Paume, Paris, du 8 septembre au 23 octobre 2016.
Initiée en 2007, la programmation Satellite du Jeu de Paume est dédiée à la création contemporaine. Depuis 2015, le Jeu de Paume et le CAPC musée d'art contemporain de Bordeaux organisent conjointement ce programme d'expositions, assuré dès sa création par des commissaires d'envergure internationale (Fabienne Fulchéri, María Inés Rodríguez, Elena Filipovic, Raimundas Malaauskas, Filipa Oliveira, Mathieu Copeland, Nataa Petrein-Bachelez et Erin Gleeson).
Intitulé « Notre océan, votre horizon », la neuvième édition confiée à Heidi Ballet se propose d'explorer la notion d'identité océanique - un sentiment d'appartenance façonné par une vision du monde tournée vers l'extérieur et axée sur les horizons et au-delà -, en comparaison d'une identité terrestre fondée sur la délimitation d'espaces finis. En réponse à cette proposition, Edgardo Aragón opte pour la cartographie critique, Guan Xiao se penche sur la transformation et le voyage, Patrick Bernier & Olive Martin s'intéressent aux conséquences des traversées maritimes dans l'histoire et Basim Magdy évoque des histoires secrètes de la mer.
Chaque exposition est accompagnée d'une publication imaginée comme une « carte blanche » aux artistes. Conçue dans un dialogue étroit avec un studio graphique renouvelé à l'occasion de chaque édition, cette série d'ouvrages s'offre comme un espace de création autonome au sein de la programmation Satellite.
Patrick Bernier & Olive Martin travaillent ensemble depuis 1999, expérimentant différentes formes - films, performances, photographies, pièces sonores - au gré de projets souvent réalisés en collaboration avec des professionnels d'autres champs, avocats (Sébastien Canevet et Sylvia Preuss-Laussinotte pour X. et Y. c/ Préfet de... ; Plaidoirie pour une jurisprudence, Aubervilliers, 2007), conteurs (Carlos Ouedraougo pour Quelques K de mémoire vive, 2003-2005, et Myriame El Yamani pour Bienvenue chez nous, Album de résidence, Montréal, 2005), vendeur aux enchères (avec Steve Bowerman pour Traceroute Chant, San Francisco-Paris, 2010). Ils créent ainsi des « monstres », des oeuvres où se perçoivent, au travers d'imprécisions, d'hésitations, de surprises, les efforts consentis par les uns et les autres pour bousculer leurs propres langue et forme. Ce questionnement de la relation de l'individu à un territoire qui lui serait propre, terre, pays ou activité professionnelle, est également au centre de leurs deux films, Manmuswak (2005) et La Nouvelle Kahnawake (2010). En 2012, ils créent L'Échiqueté, variante du jeu d'échecs, où peuvent se lire la situation paradoxale du métis dans l'histoire coloniale comme celle, ambiguë, de l'artiste politiquement engagé dans le champ de l'art contemporain.
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