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Le 14 septembre 1982, sur les ondes de France Inter, Pierre Desproges prononce un réquisitoire contre Daniel Cohn-Bendit, figure de la contestation politique en France depuis 1968. Barricades, nostalgie et problématiques générationnelles sont habilement mêlées et servies par une rhétorique affûtée.
Quelques jours plus tard, le 28 septembre, même lieu, même heure, Desproges s'en prend à Jean-Marie Le Pen. Dans sa langue si personnelle, il lance pour toujours un débat de fond : peut-on rire de tout ?
En 1982, à quelques jours d'intervalle, l'équipe du Tribunal des flagrants délires, sur France Inter, reçoit Daniel Cohn-Bendit (le 14 septembre) et Jean-Marie Le Pen (le 28 septembre). Pierre Desproges est le procureur de l'émission, celui qui accuse, et pour ces deux invités, le moins qu'on puisse dire c'est qu'il n'y va pas avec le dos de la cuillère (ce qui est sans doute une expression que ne comprendront que les plus âgés de mes lecteurs), raison pour laquelle, ces deux réquisitoires restent parmi les plus célèbres. Imaginez, de nos jours, un humoriste disant cela, dès le début de son sketch :
"Je n'ai rien contre les rouquins. Encore que je préfère les rouquins bretons qui puent la moule aux rouquins juifs allemands qui puent la bière. D'ailleurs, comme disait à peu près Himmler : "Qu'on puisse être à la fois juif et allemand, ça me dépasse." C'est vrai, faut savoir choisir son camp." Outre se fâcher avec les Bretons et les rouquins, il serait taxé d'antisémite, de collabo, surtout sur les réseaux sociaux où l'anonymat rend les insultes plus aisées... de tout ce qu'on veut, sauf d'humoriste. Desproges, en bon anar de droite -ou de gauche, ça dépend de qui il a en face de lui-, se plaît donc à méchamment brocarder les gauchistes (si si, à l'époque Daniel Cohn-Bendit en était) et encore plus les extrémistes de droite et à l'époque -comme maintenant et comme toujours, droit dans ses bottes à bouts pointus- JM Le Pen en était itou. Voici d'ailleurs comment il débute le réquisitoire à icelui consacré :
"Françaises, Français,
Belges, Belges,
Extrémistes, extrémistes,
Mon président français de souche [Claude Villers],
Mon émigré préféré [Luis Rego],
Mesdames et messieurs les jurés,
Mademoiselle Le Pen, mademoiselle Le Pen,
Mademoiselle Le Pen, madame Le Pen [qu'on imagine toutes dans le public],
Public chéri, mon amour."
C'est court, mais déjà on sent que le texte sera fort et drôle. Il l'est incontestablement, c'est dans celui-ci qu'il fera sa démonstration aujourd'hui reconnue par tous : "On peut rire de tout mais pas avec tout le monde."
Bonne idée que de sortir en très court volume, pas cher, ces réquisitoires de Pierre Desproges, qui me font toujours autant rire. Et quelle langue, quelle écriture lorsqu'il part dans ses envolées lyriques ou lorsqu'il assène quelque propos tranchant ! (désolé, m'sieur Desproges, j'ai usé du point d'exclamation que vous dénonciez en ces termes : "ponctuation facile dont le dessin bital et monocouille ne peut qu'heurter la pudeur") Oui, c'est dur, oui c'est parfois méchant, non ça ne passerait sans doute plus maintenant. Quel dommage qu'on ait perdu tant de liberté dans l'expression. Lisons et écoutons Pierre Desproges, tout Desproges, ça requinque notre humour et ça nous permet de ne pas trop désespérer des humoristes de maintenant...
PS : les deux textes sont suivis de citations de l'humoriste-auteur, du genre :
"Il y a plus d'humanité dans l’œil d'un chien quand il remue la queue que dans la queue de Le Pen quand il remue son œil."
"Réfléchissons : qu'est-ce qui différencie un Noir d'un Blanc à part la couleur de la peau et l'intelligence qui n'est pas la même chez Denise Fabre et Léopold Sédar Senghor ?"
"Dire que les Juifs ont de l'humour c'est aussi raciste que de dire que les Arabes sont des fainéants."
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