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Josée Lapeyrère (1944 - 2007), à la fois psychanalyste, écrivaine et plasticienne, fan du Tour de France, a suivi cet événement sportif exceptionnel, rencontré ses principaux acteurs pour tenter de comprendre pourquoi tant de personnes vont attendre cette course sur le bord des routes. Dans ce livre original sur le Tour de France : Éloge du coureur - Comment faire le Tour ?, l'auteure effectue une véritable psychanalyse du peloton et des échappées, où l'écriture suit le mouvement même de la course.
Josée Lapeyrère, en remontant à la fondation du Tour de France cycliste, en 1903, n'oublie pas de souligner qu'il s'inscrit dans les suites de l'affaire Dreyfus.
Ce livre frais et passionnant nous offre des définitions exceptionnelles du peloton, de l'échappée, étape par étape, de façon ludique où la caravane publicitaire et les spectateurs ne sont pas oubliés : un parfait petit manuel de la course, point de départ d'une réflexion profonde sur la langue.
La course, n'est-elle pas, après tout, calquée sur la phrase, le discours ? Faire le Tour serait en quelque sorte comme mener une phrase à son terme et aurait le même parcours. L'auteure dit : " Au départ de la course, les différentes équipes et leurs coureurs se trouvent juxtaposés : la tâche de l'épreuve sera de les mettre en ordre, d'en organiser logiquement la syntaxe et le sens." Elle dit aussi : "Chaque équipe se déploie selon sa propre tactique syntaxique prévue et organisée pour percer au mieux les défenses de l'adversaire. le tracé de la phrase est le plus souvent amorcé, à l'exemple latin ou germanique, par les équipiers qui, telles les propositions subordonnées - circonstancielles -, s'immiscent dans les premières échappées matinales où ils représentent leurs équipes.", ou encore : " L'éventail est une forme fixe - comme le sonnet ou la sextine en poésie - d'éclatement et de déploiement du peloton ; c'est une échappée favorisée par une direction du vent ;" ou, en parlant de la route : " Elle donne place au style de chaque concurrent et aux différents genres, lyrique, tragique, comique, ou bien épique."
Elle n'hésite pas non plus à faire, à plusieurs reprises, référence à Sun Tzu, L'Art de la guerre. Ainsi parlant de l'échappée : "Percez à jour les plans de l'ennemi et vous saurez quelle stratégie sera efficace et laquelle ne le sera pas...", ou, à propos de la course elle-même : "... Celui qui sait remporter la victoire en modifiant sa tactique selon la situation de l'ennemi mérite de passer pour divin..."
J'ai aimé la manière efficace et professionnelle avec laquelle Josée Lapeyrère a décortiqué cette immense épreuve qu'est le Tour de France, sa valeur documentaire, mais j'ai avant tout grandement apprécié son écriture ciselée, précise, réaliste mais très poétique, ne compare-t-elle pas un éventail de coureurs à un vol de grues traversant le ciel, sensuelle même, un régal de finesse. Je le conseille vivement à tous les amoureux du cyclisme et de la littérature, deux domaines qu'elle a su intimement lier : le cyclisme comme métaphore de l'écriture !
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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