"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Comme un lièvre effarouché » : ce sont les mots qu'un habitant d'un village ukrainien couche sur un papier intercepté par les autorités soviétiques à la fin des années 1940. En Ukraine occidentale et en Lituanie, comme partout dans les territoires est-européens devenus soviétiques en 1939-1940, puis à partir de 1944-1945, la peur d'être condamné à l'exil rôde depuis leur annexion et ne s'estompera qu'à la mort de Staline. Le bilan sera lourd.
Mêlant histoire par le haut et par le bas, Alain Blum et Emilia Koustova explorent les mécanismes répressifs des déportations de masse et les trajectoires des victimes. Leur vécu oriente l'enquête, leur parole, longtemps ignorée, en est le coeur. Des centaines de lettres découvertes dans les archives et d'entretiens menés auprès des derniers témoins racontent la violence de l'arrachement, les épreuves imposées par la survie dans les confins glacés de la mer des Laptev, la taïga sibérienne et les steppes d'Asie centrale, puis un long, parfois impossible, retour vers les terres d'origine. Ces voix entretiennent une mémoire qui, encore aujourd'hui, imprègne les sociétés post-soviétiques, et éclaire peut-être notre présent.
En Ukraine occidentale et en Lituanie, comme partout dans les territoires est-européens devenus soviétiques au cours de la Seconde Guerre mondiale, la peur d’être condamné à l’exil rôde depuis leur annexion et ne s’estompera qu’à la mort de Staline.
Ce livre est un recueil de centaines de lettres découvertes dans les archives et d’entretiens menés auprès des derniers témoins qui racontent la violence de l’arrachement, les épreuves imposées par la survie dans la taïga sibérienne et les steppes d’Asie centrale, puis un long, parfois impossible, retour vers les terres d’origine. Ces voix entretiennent une mémoire qui, encore aujourd’hui, imprègne les sociétés postsoviétiques, et éclaire peut-être notre présent.
De nos jours, la guerre déclenchée par la Russie de Poutine contre l’Ukraine a fait ressurgir les vieux démons de l’action répressive soviétique.
Ce livre s’ouvre sur la collectivisation des terres qui entraine la liquidation des paysans aisés les « koulaks » en tant que classe, et envoie, durant les grandes purges de 1937, des millions de soviétiques dans les camps de travail du Goulag. Staline ordonne également le déplacement massif de populations ainsi que la déportation intégrale d’une quinzaine de minorités nationales.
Les déportations sont également punitives ou préventives notamment pour les citoyens soviétiques d’origine allemande considérés comme des alliés naturels de « l’envahisseur » ainsi que pour les peuples de Crimée et du Caucase pour leur collaboration présumée .
Les autorités staliniennes utilisent la déportation comme outil pour soumettre les populations en imposant un nouvel ordre et en réprimant toute autorité concurrente.
Nombreux dans les pays annexés sont ceux qui s’insurgent contre la soviétisation. De 1944 à 1952, la déportation des familles d’insurgés tués ou arrêtés devient alors l’outil essentiel de lutte contre l’insurrection mais c’est aussi un moyen de rétorsion et d’intimidation , ainsi qu’ un moyen de soumission des populations non soviétisées.
De nombreux témoignages permettent d’analyser l’impact des déportations sur les communautés locales en premier lieu rurales et mettent en lumière l’atmosphère de terreur et d’incertitude, de tensions et de clivages qu’alimentent les menaces qui pèsent sur les familles durant des années.
Viennent ensuite des témoignages qui relatent les arrestations des paysans, futurs déportés et de leurs familles. Ils étaient censés emporter avec eux les biens nécessaires à leur survie tant durant le trajet qu’à l’arrivée.
A l’arrivée la « cargaison » était « déchargée », se tenait alors un véritable marché aux esclaves. Les chefs de kolkhozes et les responsables d’exploitations forestières ou minières venaient recruter leur nouvelle main d’œuvre.
Aux épouvantables conditions de vie dans les contrées de l’Arctique s’ajoutait le manque de compassion des responsables des villages. La famine était fréquente, la mortalité importante.
En 1956, la condamnation lors du XXème congrès du Parti communiste de la déportation massive de différents peuples et de celle des koulaks menées à l’initiative de Staline, laissait à penser que la situation des déportés allait rapidement changer mais il n’en fut rien. Les autorités s’inquiètent autant des conséquences d’un départ massif de cette main d’œuvre sur l’économie des lieux de déportation que de celles d’un retour massif de populations qu’il faudrait réinsérer sur les lieux d’où elles avaient été arrachées.
Suit un chapitre consacré aux requêtes des déportés adressées aux plus hauts fonctionnaires du parti pour démontrer que leur exil est injustifié voire incompréhensible au vu de leur trajectoire de vie en tout point conforme aux modèles soviétiques.
Enfin, le dernier chapitre , là encore, au travers de nombreux témoignages, on constate la difficulté de quitter l’exil, que ce soit légalement , à cause des tracasseries de l’administration, qui peuvent durer des dizaines d’années, ou clandestinement , le NKVD ne renonçant jamais à pourchasser les fuyards. Quand les déportés réussissent à faire valoir leurs droits, souvent ils ne retrouvent rien de leur vie d’avant et doivent à nouveau entamer d’interminables requêtes pour récupérer leur maison ou leur terre. A cela s’ajoute l’hostilité dont ces anciens déportés furent l’objet à leur retour.
Ce passé obscur de la Russie permet d’appréhender davantage les enjeux actuels du conflit en cours.. En effet, la Russie ayant omis de mener un examen critique de son passé de puissance impériale à l’origine de politiques d’extrême violence, renoue aujourd’hui avec des politiques expansionnistes et des répressions à l’intérieur du pays.
Ce livre, qui ne se lit pas en une heure dans le train, est une véritable référence pour tous ceux qui s’intéressent aux grandes pages de l’histoire, aussi peu glorieuses soient elles.
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