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La France de l'an mil est celle des chevaliers et des miracles. Les seigneurs de châteaux, les princes de petites régions ont un peu éclipsé les rois, et il semble par moments que les saints, grands faiseurs de miracles, portent ombrage à Dieu lui-même. Les uns et les autres, violents et vindicatifs, s'opposent, nouent et dénouent des alliances, occupent enfin tout l'espace social.
Leur idéologie, leurs ambitions, sont-elles si divergentes ? Faut-il croire, comme on nous l'a enseigné, qu'à des chevaliers mal dégrossis et prompts à régler leurs querelles par l'épée, l'Église aurait appris peu à peu la civilisation des moeurs, la canalisation des pulsions, la paix et la charité ?À lire les récits du temps, les chroniques et les hagiographies, ces histoires de batailles, de miracles, d'exorcismes et d'anathèmes qui forment tout l'horizon culturel des hommes de l'époque, il semble plutôt que les seigneurs et les saints, avec ou sans la bénédiction divine, aient en fait combattu côte à côte, pour assurer et maintenir la domination d'une certaine caste, la même, la leur, sur la population paysanne. En somme, si le système féodal a pu durer, c'est parce qu'il était chrétien, c'est parce que la religion, dans ses pompes et ses oeuvres, est venue prêter son concours à un ordre politique très peu respectueux des commandements divins.
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