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"Soyons réalistes, réalisons l'impossible." Ernesto Che Guevara (1928-1967) est une icône. Son portrait par Alberto Korda est une des photographies les plus célèbres du monde. Mais que cache cette image trop lisse ? C'est tout le propos du livre d'Alain Foix. Ainsi suit-on le jeune étudiant en médecine dans son voyage en Amérique latine, le voit-on rejoindre le Mouvement du 26-Juillet, renverser Fulgencio Batista aux côtés de Fidel Castro et devenir procureur d'un tristement célèbre tribunal révolutionnaire. Initiateur des camps de "travail et de rééducation", il a occupé plusieurs postes importants dans le gouvernement cubain. Après avoir subitement disparu de la vie politique nationale et avoir combattu au Congo-Léopoldville, celui qui affirmait que "le véritable révolutionnaire est guidé par des sentiments d'amour" est exécuté sommairement par l'armée bolivienne.
Il est toujours malaisé d’évoquer la vie de l’une des nombreuses célébrités du XXe siècle. Che Guevara, de son nom complet Ernesto Guevara de la Serna, en est une. Ses portraits figurent parmi les plus célèbres du monde et ce personnage a largement contribué à populariser la légende des guérilleros sud-américains. Dans le cours de sa vie, brève mais riche et remplie d’événements nombreux, des composantes semblent avoir joué un rôle décisif et influencé le cours de sa vie :
Son voyage en Amérique latine effectué avec son ami Alberto Granados en 1952. Ils découvrent sur une vieille motocyclette usagée la misère de ce continent, ses injustices, les terribles problèmes de santé auxquels le Che, médecin de formation est très sensible. C’est une révélation, la mise en évidence de l’existence d’une injustice concrète, donnée dont Ernesto avait pris connaissance, mais d’une manière théorique. C’est un voyage initiatique, mais aussi une réponse à ce qui va occuper sa vie entière : l’établissement d’une justice sociale, d’une espèce d'impératif catégorique révolutionnaire, qui va l'inciter à l'exemplarité, mais aussi parfois à la dureté et à l'exercice d’une impitoyable répression, notamment lorsqu’il doit fusiller, en plein maquis, des traîtres ou des révolutionnaires trop tièdes, ou les faire fusiller par ses compagnons d’armes pour que tout le monde ait les mains sales…
Pourtant, le deuxième motif de cet engagement, c’est la culture, l’éveil intellectuel qui en est à l’origine. Le Che a beaucoup lu : les classiques grecs, la poésie latino-américaine, les philosophes : Marx, Engels, Adorno, Raymond Aron .Il admire naturellement José Marti, idole de la nation cubaine dans sa célébration des luttes de l'île pour son indépendance.
Mais ce n’est pas une culture sans rapport avec le réel qu'il veut faire triompher, c’est une culture ayant gardé sa fonction critique et émancipatrice. En cela, il s'écarte des dogmes du réalisme socialiste duquel il s’éloigne. Il constate en effet durant ses premières opérations de guérilla dans la Sierre Maestra que l’éducation sera primordiale pour élever la conscience révolutionnaire des paysans.
Une rencontre est décisive dans la vie du Che, celle du poète et journaliste haïtien René Depestre qui lui fait toucher du doigt le problème du racisme, omniprésent à Cuba en raison du passé esclavagiste de l’île. Ainsi, conclut-il à la nécessité de combattre « les discriminations subjectives », en sus des « discriminations objectives pour être un révolutionnaire lucide
Les femmes ont joué dans la vie de cet homme un grand rôle : Aleida, sa seconde épouse, qui lui donne une énergie et un réconfort immenses .Elle soigne efficacement ses crises d'asthme avec des feuilles de maté que le Che appelle sa Yerba Buena (bonne herbe,). Hilda Gadea, qu’il avait épousée en 1955, pour régulariser une « union dans les faits ».
La prise de connaissance avec Fidel Castro est bien sûr décisive, qu’il caractérise ainsi : « un révolutionnaire cubain, un garçon jeune, intelligent, très sûr de lui et d’une audace extraordinaire ; je crois que nous avons mutuellement sympathisé. »
Pourtant, le rêve de l’internationalisme révolutionnaire sera brisé : par l’alignement de Cuba sur le camp soviétique, par l’instauration d’une dictature implacable. Les actions du Che en Argentine se solderont par un échec retentissant et par son exécution finale le 9 octobre 1967.Pourtant, Che Guevara était resté lucide, critique à propos même de l’idéologie marxiste dont il avait adopté les présupposés.
La biographie d’Alain Foix, très documentée et riche en citations, restitue très bien les facettes multiples de ce personnage, épris de justice, des femmes, d’absolu, désireux d’agir sur l’état du monde. On peut même y relever une contradiction : entre la volonté d’agir vite, avec célérité, et le constat que l’émancipation par l’éducation, la diffusion du savoir, est un long processus. Cet homme, au-delà de son statut d’icône, était complexe, en proie à des interrogations, au doute. Il nous attache en raison même de ces attitudes, justement humaines, et nous incite au respect, même pour ceux qui ne partageraient pas la radicalité de ses opinions et actions.
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