"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
21 juin 2022, fête de la musique. Retournons 41 ans en arrière, Mais que s’est-il donc passé le 21 juin 1971 ? Et bien le mythique concert du Grateful Dead, improvisé dans les jardins du château d’Hérouville, propriété de Michel Magne en 1971 qui réunissait les habitants du village, des pompiers (en sus et place de gendarmes ou policiers) avec comme point d’orgue le plongeon dans le plus simple appareil de quelques pompiers et du préfet dans la piscine. Une fête ô combien mémorable pour tous les participants, une incroyable bacchanale. Il faut dire que les Grateful Dead avaient amélioré le breuvage servi ce soir-là en y ajoutant une substance illicite composée de 3 lettres. Quant au reste … cela ne nous regarde pas.
Alors quoi de mieux pour célébrer la fête de la musique que l’album Les amants d’Hérouville, une histoire vraie de Yann Le Quellec et Romain Rondeau paru l’an dernier aux éditions Delcourt ? Quel meilleur ambassadeur que Michel Magne, ce génial touche-à tout, cette figure de la pop-culture à la vie romanesque et tragique ? Quoi de mieux enfin que l’histoire des studios d’Hérouville, ce lieu mythique de l’histoire du rock ?
Rien qu’à la lecture des noms ornant la couverture, les décibels déferlent : Pink Floyd, Hallyday, Grateful Dead (bien sûr) , David Bowie, T Rex, Elton John, Gong, Eddy Mitchell, Iggy Pop, Magma, Eh oui tous et bien d’autres encore sont venus enregistrer un ou plusieurs albums dans ce petit bled paumé à 40 km de Paris devenu dans les années 70 un lieu emblématique de la scène musicale française et internationale, premier studio résidence au matériel d’enregistrement dernier cri et à l’hébergement haut de gamme dans un cadre inspirant.
En prologue de cette histoire vraie, un évènement dramatique : l’incendie en 1969 du fameux château qui en son temps avait abrité les amours de Frédéric Chopin et George Sand et servi de décor à un roman de Balzac, incendie qui entraîna la perte de toutes les compositions de musique de films et de musique d'avant-garde de Michel Magne . Et bien entendu, il n’avait aucune copie. Tout son travail de compositeur était partie en fumée. Mais ça, c’était avant les studios.
Petite anecdote en passant pour illustrer l’artiste d’avant-garde : le 3 décembre 1956, a eu lieu dans une salle parisienne la première d’un spectacle monté en compagnie de 3 jeunes artistes prometteurs dont l’un est bien connu des bédéphiles puisqu’il s’agit d’Alejandro Jodorowsky.
Quant aux films dont il a composé la musique, citons en passant Angélique, Compartiments tueurs, Fantomas, Belle de jour, Un singe en hiver et le cultissime Tontons flingueurs … Et oui, y’en a !
Mais revenons à l’album.
Les amants d’Hérouville, Ce n’est pas une biographie et encore moins une hagiographie. Le côté sombre de l’artiste n’est pas occulté. Devant une vie tellement riche, foisonnante d’anecdotes et de rencontres prestigieuses, les auteurs ont dû faire des choix, définir une ligne directrice, un fil rouge. Ça sera sa grande histoire d’amour avec Marie-Claude, une jeune auto-stoppeuse.
Et c’est là que notre histoire commence, un an après l’incendie.
Juin 1970
Marie-Claude a 16 ans. Elle fait du stop pour rentrer chez elle. Une Porsche blanche s'arrête, un homme en noir en descend, Michel Magne. Invitée au château, elle va rapidement s’y installer en tant que baby-sitter avant de devenir sa femme 2 ans plus tard.
Et oui, comme le titre l’indique, les amants d’Hérouville c’est selon le point de vue que l’on adopte, une histoire d’amour un peu borderline entre un quadra et une ado de 16 ans ou un conte de fée des années 70 dans le décor rêvé du château d’Hérouville.
L’histoire d’amour entre Marie-Claude et Michel reste le sujet essentiel tandis que de courts intermèdes littéraires viennent combler les ellipses et éclairer la vie d’avant. Ainsi les informations concernant l’enfance, l’adolescence, ses amitiés avec Sagan, Gréco and co et les années vouées à la composition ne viennent pas perturber le fil narratif de la BD en elle-même.
Cette histoire d’amour coïncide avec la grande aventure des studios où le gratin de la pop venait chercher outre les conditions idéales d’enregistrement, luxe, calme et volupté. Enfin calme, c’est vite dit. Car les studios, c’étaient des fêtes somptueuses, des agapes à n’en plus finir sous la houlette de Serge Moreau, le chef cuisinier, vieux copain de Michel Magne du temps des vaches maigres, personnage truculent qui déclamait des poèmes tout en servant des plats qui eux n’avaient rien de maigre accompagnés des meilleurs crus.
Mais voilà si Michel Magne était un artiste visionnaire, c’était en revanche un piètre gestionnaire.
Et peu à peu, avec les déconvenues, son coté Hyde va l’emporter sur son côté Jeckyll. La noirceur et la mélancolie vont l’envahir. Cela se soldera par la perte des studios, puis du château, la séparation et enfin son suicide en 1984.
La grande réussite de cet album, outre son propos, c’est la forme que les auteurs lui ont donné. Impossible d’enfermer une vie aussi rock and roll dans des cases. Pour ce chassé croisé entre le récit sous l’angle intime, affectif du couple Marie-Claude Michel et une bio sous forme d’article encyclopédique les auteurs ont choisi d’entremêler bande dessinée, intermèdes littéraires illustrés, archives de Marie Claude, photos, articles de journaux dans des planches pop pop pop, superbes compositions graphiques colorées pleines de peps.
C’est truculent, passionnant, émouvant.
Petit bonus en fin d’album on va trouver des postfaces de Costa-Gavras, Eddy Mitchell, Sempé et Bill Wyman (excusez du peu!), une galerie de photos, des reproductions d’œuvres d’art signées Michel Magne, une discographie complète et une chronologie du château d’Hérouville. Juste avant cette documentation, un épilogue sous forme de roman photo nous ramène aux côtés de Marie-Claude au château. 40 ans ont passé. Tout est à l’abandon. Seul demeure le piano trônant comme une mémoire des jours fastes.
J'ai beaucoup aimé cette lecture.
J'avais vaguement entendu parler de ce château d'Hérouville pour l'enregistrement d'albums mythiques de Bowie, d'Elton John ou du grand Jacquot...
J'apprends que c'était un lieu bien plus important dans l'histoire du rock et de la Pop culture.
Tout commence par un concert incroyable des Grateful Dead, puis il y eut des enregistrements des Bee-Gees, Canned Heat, T.Rex, Iggy Pop, Nougaro, Yves Simon, Chet Baker, Magma, Fleetwood Mac, Charlélie Couture, Marvin Gaye...
Près de 250 albums se sont enregistrés là-bas, dont de nombreux classiques !
Et tout ça est lié à un homme Michel Magne, compositeur lui aussi, beaucoup de musiques de films dans les années 60-70, dont certaines retenues aux Oscars !! Génie précurseur et decadence apparemment. C'est sa vie qui est contée dans ce livre.
Et pourtant ce nom ne me dit rien. Je crois que c'était une de ses peines, la reconnaissance. Il a pourtant gravité avec les plus grands de l'époque (liste interminable...), mais son art ne s'accommodait pas de demie-mesure et sa gestion financière - sans compter - l'a mené tristement à la ruine, à la rupture avec les siens, puis au suicide.
Merci aux auteurs (Romain Ronzeau et Yann Le Quellec) de m'avoir instruit sur cette VIE.
Acteur de bien des manières de la culture pop des années 60, 70 Michel Magne a tout connu. La célébrité grâce à ses musiques de films mais aussi la déchéance (à cause en partie) de ce qui l'avait placé fut un temps en haut de l'échelle sociale à savoir... les studios d'Hérouville. Grâce à un album enrichi d'un certain nombre d'images et de documents d'époque, nous suivons la tumultueuse vie de Magne et de son château comme si nous y étions. Tel un musée de poche nous retrouvons des photos d'époque où l'on y découvre non sans une once de nostalgie de grandes personnes de la musique telles que Johnny Hallyday ou encore les Pink Floyd.Le travail de recherche conséquent de l'auteur nous offre une histoire complète bourrée d'anecdotes toutes plus croustillantes les unes que les autres mais surtout plus vrai que nature !
En bref ce roman graphique aux allures de biographie est une véritable mine d'or et offre une lecture plaisante et instructive sur ce grand homme qu'était Michel Magne. Une lecture qui plaira aux fans du personnage comme aux lecteurs friands de cette culture Pop qui a l'époque était complètement décomplexée !
Un roman graphique dense et très bien conçu, alternant les pages de BD, des parties narratives présentant les différentes périodes de la vie de Michel Magne de 1930 à sa mort, et aussi de nombreuses photos se mêlant parfois aux dessins. Plus de 200 pages qui nous emportent comme dans un tourbillon à la découverte de ce compositeur de musique qui a marqué son temps, avec comme point culminant son château d'Hérouville, devenu un haut lieu mondial de l'enregistrement de chansons, ayant accueilli les plus grands artistes français et internationaux du monde.
Une belle découverte pour une belle rétrospective musicale des années 1950 à 1980 avec tous ses excès et toutes ses folies. J'ai simplement été un peu gêné par le décalage chronologique entre les parties BD et narratives qui ne coïncident pas.
Au final c'est un roman graphique intéressant qui va combler les amateurs de musique mais aussi de cinéma car Magne a été un compositeur prolifique de musique de films.
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