"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Deux enfants au soleil...
Les deux enfants, ce sont Béa et Alfredo.
Le soleil, ils l'ont, chaud et étouffant l'été, si triste et si froid l'hiver...
Le soleil de l'Italie, celle des "années de plomb", avec ses violences, ses attentats, l'Italie des Brigades rouges et des milices d'ultra droite.
Et au coeur de ces tourments, la Forteresse, le quartier de Béa et d'Alfredo, avec ses barres d'immeubles miteux et squattés, où circulent drogues et trafics en tous genres; mais où l'on se connait tous, où l'on s'épaule, où l'on règle ses comptes et se castagne et où la police ne s'aventure pas. Une zone de non-droit où tout va vite, la vie comme la mort !
Béa et Alfredo s'y rencontrent à l'âge de 8 ans, ces "jumeaux" de coeur, "tellement plus" qu'un frère ou qu'une soeur de sang...
Béa et Alfredo qui pendant une bonne dizaine d'années ensuite seront prisonniers de ce mauvais côté de la barrière où ils sont nés et prisonniers de leurs émois. Ils passeront leur temps à se chercher, dans la violence parfois, les souffrances morales souvent; car comme le dit Alfredo " quand on aime les gens, on les fait pleurer"
Ces deux-là, c'est "je t'aime, moi non plus", c'est" fuir le bonheur de peur qu'il ne se sauve "..Et avec quel talent Valentina d'Urbano nous entraîne dans les tourments de ces deux adolescents oscillant sans cesse entre rêves, espoir et désillusions.
Avec réalisme souvent et poésie aussi, elle nous fait partager cette période trouble et déterminante de leur adolescence, à l'explosion et l'inquiétude des corps, au bouillonnement de leurs hormones. Cette période si paradoxale, entre un désir de liberté et la peur de la séparation ou de la perte.
"La même innocence les faisait trembler
devant le merveilleux,
le miraculeux
voyage de l'amour"...Aïe, aïe, Monsieur Ferrat, non, ce n'est pas tout à fait ça!!
Et l'on s'attache si fort à ces deux personnages, à leur famille et même à leurs potes qui se shootent parfois, mais qui nous arrivent si désespérément émouvants en plein coeur...
Il y a du Zola là-dedans, dans le déterminisme social; du Shakespeare dans le désenchantement amoureux.
Et l'on assiste, impuissants, à une marche trop certaine vers le drame.
Car enfin, aimer, ce n'est pas souffrir, et se défaire de la passion peut devenir la seule façon d'être libre, même si de façon douloureusement bancale.
"Et c'était comme si tout recommençait,
La vie, l'espérance et la liberté,
Avec le merveilleux,
Le miraculeux
Voyage de l'amour".
Aïe, aïe, Monsieur Ferrat...non, ce n'est pas vraiment ça !!
A lire...absolument !
24 juin 1987, le livre débute à cette date, une date fatidique car c'est le jour de l'enterrement d'Alfredo, 20 ans. Béatrice est bien évidemment là, car Béa et Alfredo étaient surnommés "les jumeaux" dans le quartier, dans cette forteresse, cette banlieue de poussière, de béton, de pauvreté.
Béatrice issue d'une famille unie et Alfredo vivant avec ses deux frères et un père alcoolique et violent, se rencontre à l'âge de 8/9ans, vivant dans le même immeuble. Ils deviennent inséparables. Avec le temps quelle est la vraie nature de leurs relations : amitié ? amour ? passion dévastatrice ?
Béatrice, la narratrice remonte le temps, et nous raconte son histoire, leur histoire, loin de la réalité du monde, dans ce quartier laissé à l'abandon dans une Italie aux années de Plomb. Les disputes, les moments de bonheur, le quotidien, les galères, la violence, la drogue, tout est là, mais comment oublier ?
Drames familiaux, alcool, drogue, tous les éléments se déchaînent pour détruire les deux jeunes. Valentina D'Urbano peint un roman social, poignant d'un réalisme absolu. Une description incroyable où cette jeune italienne perdue, et sacrifié sur l'autel par un gouvernement qui ne souhaite pas de guerre civile.
Un style net, heurtant, saisissant, aux chapitres court et concis, comme une colère qui jaillit de la plume de cette auteure talentueuse. Avec comme personnage principal, Béatrice, cette femme forte, battante, et qui la rend attachante. Bref, une prose éblouissante !
Valentina D'Urbano montre que le plus important n'est ni la fin, ni même le début mais tout le reste : une histoire certes courte mais heureuse dans son malheur entre amour et amitié.
"Le bruit de tes pas" vous happe par sa force, sa fluidité, par la vibration de la colère qui s'en échappe. C'est beau, c'est solaire, c'est italien, et c'est Valentina D'Urbano !
De mère en fille, on se donne le don, celui de soigner les vivants et de converser avec les morts. Un don plus ou moins accepté, plus ou moins accentué, un don qui dérange les villageois du bord de ce lac aux eaux froides et noires, ou qui les arrange.
Sorcières, jeteuses de sort, tour à tour respectées ou craintes, les quatre femmes de ce roman s'accommodent des ragots et des regards en coin.
Fortuna, la dernière de la lignée, vit avec sa grand-mère Elsa, elle ne ressent rien, ne perçoit pas la présence des morts, mais elle vit pourtant en solitaire, rejetée par les autres enfants jusqu'à l'arrivée de Luce, la fille du croque-mort.
Voila un roman bien étrange, aux allures de conte gothique ou fantastique.
L'auteur déroule une histoire aux frontières du surnaturel et la narration restitue parfaitement l'atmosphère étrange du lieu. Le lac aux abords du village contribue avec ses eaux noires ("acquanera") et gelées, à dessiner une ambiance glauque et cruelle, comme s'il avait sa propre vie...Il est finalement un personnage au même titre que les villageois de ce coin perdu d'Italie.
Des personnages essentiellement féminins, tous attachants, malgré leur étrangeté et la sensation que leur destin est écrit d'avance.
Luce, l'amie de Fortuna, qui abandonne ses études pour devenir thanatopracteur laisse une drôle d'impression : ayant survécu au typhus, elle ressemble à un fantôme, teint pâle, maigreur et cheveux noirs.
On croise donc des fantômes "réels" (les esprits avec qui conversent les protagonistes) et des "faux-fantômes" (les hommes, quasi absents de cette histoire, à l'image du supposé père de Fortuna ou ces habitants cachés derrière leurs volets) dans ce village qui parait peuplé d'ombres...
Si le contexte joue des codes du fantastique et le thème de la mort, le roman exprime d'autres thématiques : l'amour maternel et filial, l'amitié, la marginalisation...dans un style fluide et souvent poétique.
Un roman envoûtant !
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