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Il y a plus de dix ans disparaissait une figure majeure de la scène politique et intellectuelle européenne, Václav Havel. Ecrivain, dissident, il avait été porté au pouvoir avec la Révolution de Velours de 1989. La Tchécoslovaquie, née en 1918 sur les ruines de l’Empire austro-hongrois, riche d’une grande tradition industrielle qui en faisait l’un des pays les plus riches du globe à l’époque, retrouvait ainsi sa place sur l’échiquier européen après plus de 40 années de domination communiste. A cette occasion, le diplomate Yves Barelli eut l’idée en 1990 de regrouper 7 discours de Vaclav Havel, prononcés entre septembre 1989 et mars 1990, et publiés sous le titre L’amour et la vérité doivent triompher de la haine et du mensonge. Un message fort toujours d’actualité.
Il est des moments où l’Histoire s’accélère. A lire les discours de Václav Havel, c’est l’une des premières choses qui interpellent le lecteur. Tour à tour candidat à la présidence, puis président, en visite aux Etats-Unis, ou recevant le président allemand sous le signe de réconciliation, les quatre mois durant lesquels sont prononcés ces discours font indéniablement partie de ces moments d’accélération :
« Mardi, il y aura un mois qu’a été créé le Forum civique. C’était un pas dans l’inconnu. De temps en temps, il faut faire un tel pas. Si l’homme se dirige par sa conscience, son appréciation de la situation, sa réflexion et s’il a le courage et la capacité de prendre vite des décisions, il ne doit pas en avoir peur. »
Le but de cet ouvrage était de rendre plus concret la pensée, les idées de Vaclav Havel pour un public francophone. Et l’on peut dire que le but est largement atteint. On perçoit la volonté de rassembler le peuple et de ne pas organiser de « chasses aux sorcières » contre les communistes, de proposer un horizon au-delà du politique. Surtout, Havel insiste sur l’aspect moral, s’inscrivant dans les pas de Masaryk, premier président de la République Tchécoslovaque :
« Le pire est que nous vivons dans un milieu moral pourri. Nous sommes malades moralement parce que nous sommes habitués à dire blanc et à penser noir. Nous avons appris à ne rien croire, à ne pas prêter l’attention l’un à l’autre, à ne nous occuper que de nous-mêmes. (…) Le régime au pouvoir jusqu’ici – armé de son idéologie fière et intolérante – a rabaissé l’homme au niveau d’une force de production et la nature à celui de moyen de production. (…) nous ne savons toujours pas mettre la morale au-dessus de la politique, de la science et de l’économie. Nous ne pouvons toujours pas comprendre que le seul pilier de nos actes – de nos bonnes moeurs – est la responsabilité. La responsabilité devant quelque chose de plus grand que ma famille, mon pays, mon entreprise, mon succès. La responsabilité devant l’ordre de l’existence où tous nos actes s’inscrivent à jamais et où on les analyse avec justice. »
https://etsionbouquinait.com/2021/12/29/vaclav-havel-lamour-et-la-verite-doivent-triompher-de-la-haine-et-du-mensonge/
Publié en 2006, soit 3 ans après la retraite politique de Havel, « A vrai dire » n’est pas un livre de mémoire et présente une structure particulière : des notes issues du journal personnel, le jeu des questions / réponses avec Karel Hvizd’ala, ou encore des notes officielles se côtoient avec pour fond le maillage historique de ces années : la partition de la Tchécoslovaquie, l’adhésion de la République tchèque à l’OTAN, l’entrée dans l’Union Européenne mais aussi des évènements extérieurs comme l’intervention russe en Tchétchénie.
Le livre fourmille de passages particulièrement intéressants, incluant le paysage politique tchèque – on y lit d’ailleurs des commentaires peu amènes sur son pays, qui sonnent tellement justes dans la République Tchèque de 2016. Si vous n’êtes pas un spécialiste de la Tchéquie, ne craignez rien, le propos est intelligible et dépasse bien sûr le cadre national. Le lecteur se construit une image de l’ancien président par les multiples détails qui nous sont livrées dans les notes. Humble, angoissé par l’écriture de ses discours, mais surtout fidèle à ses idées, lui, le non-professionnel de la politique donne une leçon de vision politique qui est encore très actuelle aujourd’hui.
Plus d'informations sur : https://evabouquine.wordpress.com/2016/10/05/vaclav-havel-a-vrai-dire/
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