"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Mexico, dans les années 70.
Commençons par le personnage principal et récurrent, dont c'est ici la première apparition : Héctor Belascaoran Shayne, d'ascendance à la fois basque et irlandaise, la trentaine, vient de quitter son épouse et son travail, et de se dénicher un petit bureau, partagé avec un plombier, pour s'installer comme détective privé. Obnubilé par un étrangleur de femmes qui sévit dans les rues de Mexico depuis quelques temps, il se lance dans une quête totalement dépourvue d'indices. Si vous cherchez un polar bien carré, bien classique, passez votre chemin : le détective n'a aucun mandat de recherche, aucune piste, il n'existe aucun lien entre les victimes. Voilà donc Héctor qui parcourt les rues au hasard en imaginant ce que l'étrangleur peut faire, à quoi il peut ressembler, où il peut aller. Enfin, ça, c'est au début…
Dire que sans le voyage livresque au Mexique organisé par A girl de Lecture sans frontières, je n'aurais sans doute pas mis les pieds ou les yeux dans un roman de Paco Ignacio Taibo Segundo ! Ça aurait été bien dommage.
Dès les premières pages, mon attention a été mise en éveil grâce au personnage totalement inclassable d'Héctor et grâce au style, plus travaillé que la plupart des polars auxquels je suis habituée, et pourtant je crois ne pas lire n'importe quoi. J'ai copié des citations assez longues pour que vous puissiez vous faire une idée. Mais ce n'est qu'un échantillon d'un style foisonnant, littéraire, recelant des dialogues savoureux, et qui donne un ton, une atmosphère originale, presque étrange, mais pas dépourvue d'humour.
J'ai beaucoup aimé le fait d'entamer chaque chapitre par une citation, souvent destinée à adresser un clin d'oeil au lecteur. Au fur et à mesure du roman, je me suis habituée à l'ambiance très particulière et les personnages ont gagné en épaisseur. Héctor Belascaoran Shayne, au gré des rencontres et des retrouvailles, s'est trouvé de l'aide dans l'obscurité dans laquelle il avançait, la trame du roman s'est complexifiée et a gagné en intensité. J'ai eu le sentiment que l'auteur s'amusait tout en appuyant le texte sur des sujets qui lui tenaient à coeur. Pour mon plus grand plaisir de lecture !
Je ne connaissais pas le détective mexicain Hector Belascoaràn Shayne, rejeton d'un couple irlando-basque. Et j'ai trouvé les références de ce petit roman dans la liste des polars arty de l'été (Beaux-Arts magazine n° 350). Donc oui, li y a bien une histoire d'oeuvre d'art précolombien, volé, disparu ou revendu. Mais c'est surtout un prétexte pour plonger le Mexicain désabusé dans un Madrid bien différent des propos mélancoliques tenus par son père... et insister ainsi sur l'importance des racines, sur la nostalgie du foyer, sur les différences entre l'Espagne (conquérante) et les pays sud-américains (syncrétiques). La structure est donc nette et précise, incisive comme un coup de poignard, avec un style parfois un peu sec. Mais apprendre toutes les marques de cigarettes ou de tequila de chaque côté de l'Atlantique est un véritable plaisir ...
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