"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Pour ma part, j'ai eu du mal à aller au bout de ce roman. Le style est compliqué, il faut lire entre les lignes pour comprendre qui, quand, où et comment ... Trop alambiqué.
S’en aller est un roman intimiste, féministe, humaniste qu’il est difficile de ne pas lire d’une traite. La narratrice et protagoniste, Carmen, est une jeune femme puis une femme posée qui refuse les carcans de son époque, qui ne supporte pas les rôles uniques que l’on impose aux femmes : épouser un bon parti, avoir des enfants, les élever ou (comble de malheur…) rester vieille fille. Elle est déterminée et intelligente et malgré le handicap majeur de son sexe, va, pendant toute sa vie, au-delà des limites imposées par une société bien-pensante.
« Elle toise ce tissu d’épiderme, le vêtement qu’elle oppose au monde et qui l’arrange, avec ses cheveux longs, le renflement de ses seins et la finesse de ses mains, du côté féminin de la vague. Elle envisage ce sac d’attributs pour ce qu’il est : sa contribution au mythe et sa condamnation aux derniers wagons de l’existence. Le compartiment pour dames. Plus étroit et moins bien chauffé que les autres. Celui à bord duquel on se marie, on éduque ses enfants. Celui à bord duquel on se soumet à l’époux à condition de dominer la bonne. »
Pour vivre comme elle l’entend, elle doit, comme d’autres avant elle à travers l’histoire, se travestir, renoncer aux apparences. Et elle s’engage sur un chalutier en tant que marin (déguisée en jeune homme) pour tenter d’oublier une double traîtrise, vit avec une femme, son amie de toujours, voyage et vit à Java, est résistante pendant la Seconde Guerre mondiale... Elle se bat toute sa vie pour la libération des femmes et la sienne.
Un texte subtil, poétique et puissant pour ce premier roman qui sera très certainement remarqué.
« Comme avant l’âge adulte. La volonté, peut-être, de ne pas se réduire à ce qu’on lui a infligé. On dément sa condition de victime à grand renfort de giclures d’encre. »
L’art (en particulier la musique, la danse, l’écriture) nous accompagne dans ce beau roman.
Une ode à l’amitié, au courage, à la différence, à la liberté de choisir sa destinée, de s’accomplir. Un souffle d’air frais et un coup de cœur !
Quel parcours ! Nous accostons en quatre grandes escales dans la vie de Carmen, tout du long du XXème siècle. Non, la croisière ne s’amusera pas, c’est un livre qu’on déguste avec parcimonie et respect. Les métaphores et les verbes à l’infinitif -à l’instar du titre- servent de petits cailloux éclairants dans l’océan qu’est cette existence de femme.
1924, La mer : d’abord marin pêcheur - version masculine, oui ! - dans les mers froides atlantiques pour fuir un mariage écrit d’avance, on sort à peine de la guerre 14-18, la jeune Carmen a du ressort et du répondant pour s’inventer une nouvelle vie. La description de ce quotidien iodé et éprouvant rappelle Anita Conti (1899-1997) océanographe d’avant les marées, conteuse de toutes les mers. Quelle liberté d’évoluer dans un corps d’apparence masculine…
1931-1933 L’île : Carmen part avec son amie Hélène à… Java ! Dans les années 30, deux femmes qui voyagent ! Le père de Carmen aura finalement accepté de financer ce long voyage. Le séjour auprès d’un maître de danse royal offre des pages orientales précieuses et parfumées, rythmées par un essentiel compagnonnage féminin qui irrigue formidablement le quotidien.
1943-1945 La guerre : Carmen va très vite choisir son camp, celui d’une résistance calme et tenace, sans esbroufe. Elle en assumera les conséquences au cœur même de l’horreur concentrationnaire
1975 La fin : elle va achever son périple de désobéissance en refusant le tout tracé d’une vie et en manifestant quand il le faut pour la défense des Droits des femmes. En héroïne simple et farouchement libre. Tout simplement inoubliable !
Sophie d’Abreby en a sous la plume et nous voyage dans la vie de cette Carmen en commandante de bord assurée et délicate. L’écriture de la jeune romancière fait mouche et on se surprend à corner discrètement une page puis deux puis dix pour revenir sur telle phrase ou tel paragraphe.
Si les jeunes gens d’aujourd’hui manquent de référence d’héroïnes dans la littérature, S’en aller peut leur être offert pour pallier ce manque ! C’est même chaudement recommandé !
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