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On retrouve cette année, à l’occasion de la rentrée littéraire, quelques titres traduits du roumain, dont ce roman constitué par un récit en deux temps de l’autrice Simona Sora, et paru aux Éditions des Femmes-Antoinette Fouque. Des 466 titres mis en avant cette année, celui-là se démarque en bien des points. À commencer par le fait, qu’il s’agit de deux récits, imprimés tête-bêche, ce qui implique deux couvertures inversées : deux premières de couvertures, en revanche aucune quatrième de couverture, les rabats serviront à présenter résumé et biographie de l’auteure. De titre, il n’y en a qu’un, Complaisance, de sous-titres, il y en a deux en revanche : chaque récit possède le sien, Ascension en orthopédie puis Hôte à vie. Au centre de l’un et de l’autre récits, une seule héroïne, Maïa. Deux pays, la Roumanie puis la Suisse.
Simona Sora publie ici son deuxième roman traduit en français après Hôtel Universal (Belfond, 2016), elle est reconnue en Roumanie non seulement en tant qu’autrice, mais également pour ses critiques littéraires respectées et appréciées. J’ai eu la chance de l’entendre parler à Morges en Suisse à l’occasion du Livre sur les quais en ce début septembre, en compagnie de la traductrice du roman, Florica Courriol. Dans le premier récit, nous retrouvons Maïa qui occupe la fonction d’instrumentiste, elle est celle qui prépare les instruments au chirurgien en salle d’opération, dans un hôpital roumain, dans le second, elle travaille dans une clinique suisse. L’une et l’autre histoire sont à la fois le calque l’une de l’autre, en ce qui concerne les grands traits de la narration, pourtant elles vont dans des directions opposées. Forcément, l’une se déroule dans le grand pays des Balkans qu’est la Roumanie, sous la dictature et le totalitarisme de Ceausescu, l’autre dans ce petit pays à la fois au centre de l’Europe et en dehors de l’union européenne, cette démocratie bénéficiant l’un des meilleurs niveaux de vie de la zone européenne. Et un pays multilingue, comme la Roumanie, où vivent ensemble communautés allemandes, hongroises, et roumaines naturellement. Le premier récit présente Maïa, minutieusement interrogée par deux procureurs car elle est celle qui a retrouvé un fœtus, conséquence d’un avortement clandestin. Dans l’autre, elle est interrogée parce qu’elle a eu le malheur de faire un massage cardiaque à un patient – ou plutôt à un client, on ne sait plus trop – en détresse cardiaque. Il faut se rappeler qu’en Roumanie, l’avortement a fait l’objet d’un décret rien que pour l’interdire, la dictature nataliste de Ceausescu faisait partie intégrante de ce gouvernement totalitaire intervenant dans l’intimité la plus profonde des femmes, et des couples.
La narration semble très anarchique, passé, présent mélangés, une narration fragmentée entre récit au présent, sous la focalisation de Maïa principalement – d’autres personnages parfois -, de sa douche post coïtale et de la découverte, et de multiples digressions, sauts en arrière dans des épisodes passés plus ou moins lointains, enchainements intempestifs sur la base de mots, d’images, de souvenirs – c’est quelquefois rude de suivre le cours chaotique de la pensée de Maïa : comme si l’autrice voulait dessiner l’absence de sens, du moins dans cette vie-là au sein de cet hôpital roumain, où l’on devrait réparer les gens, mais où l’on avorte illégalement et où l’on y retrouve des fœtus dans les douches. Au contraire, le second récit se déroule à la façon d’un interrogatoire, longue question suivie d’une réponse scrupuleusement étayée.
Complaisance. C’est à mi-chemin du premier récit que l’on commence à cerner de quoi veut nous entretenir Simona Sora. L’idée de faire des concessions à soi-même et ses idées pour ne pas finir excommunier, sur le bûcher, exclu de la société. Complaire à soi-même, aux autres : c’est dans le second récit que l’idée fait véritablement l’objet d’un débat, celui de deux conceptions différentes, celui d’un homme qui n’a pas vraiment besoin de se battre pour se faire accepter, accepter surtout ce qu’il est et ses idées, et de l’autre une jeune femme, qui passe son temps à essayer de se faire une place quelque part, où l’autoritarisme de son pays d’origine est remplacé par le carcan rigide de la liste des règles que son pays d’adoption attend d’elle. Complaisance ou compromis, ce mot se lit avec l’idée d’une perte, d’un sacrifice d’une de soi-même, matérialisée par l’idée et la présence du fœtus.
L’introduction de Florica Courriol qui a traduit Simona Sora est vraiment la bienvenue dans la mesure où elle défriche quelques passages qui font appel au folklore roumain, ses mythes et légendes, parmi eux la légende du maître bâtisseur Manole que j’ai découverte ici, représentant le mythe de la création et qui a donné lieu à beaucoup d’extrapolations et interprétations notamment dramatiques. Cette légende, dans laquelle la femme aimée est sacrifiée à la construction d’un monument, me parait symbolique dans ce contexte ci....
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