"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Après avoir rencontré Santiago H. Amigorena lors du récent Printemps du Livre de Grenoble, après avoir lu et apprécié Le Ghetto intérieur et Le Premier exil, j’étais impatient de découvrir La Justice des hommes et je n’ai pas été déçu.
Dès le premier chapitre, j’ai été happé par l’histoire d’Alice et d’Aurélien, histoire intimement liée à celle de leurs deux enfants : Loup (4 ans) et Elsa (6 ans). Alice et Aurélien sont de jeunes parents qui vivent aux portes de Paris. Leur couple, comme tous les couples, connaît de merveilleux moments mais aussi d’autres où tension et disputes perturbent leur relation. Si Alice travaille dans un restaurant, Aurélien s’occupe des enfants et tente de réaliser son rêve : devenir écrivain.
Ce soir-là, Alice sort, soi-disant pour un dîner lié à son boulot, mais Aurélien découvre la vérité. Le cerveau en bouillie, il perd tout contrôle, prend les enfants avec lui et tente de récupérer Alice…
Santiago H. Amigorena m’emballe sans délai, me fait vivre au plus près l’affolement de cet homme, perdu après le départ de sa femme. Tout dégénère et voilà Aurélien condamné à trois ans de prison dont deux avec sursis. Il est libéré au bout de neuf mois pendant lesquels il s’est muré dans un silence complet, refusant tout contact avec l’extérieur, ne répondant à aucune demande, ni au courrier d’Alice ni aux lettres de ses amis.
Santiago H. Amigorena commence à poser beaucoup de questions par l’intermédiaire d’Aurélien qui devient un autre homme, blessé, meurtri, un père qui pense sans cesse à ses enfants, même s’il refuse de voir Alice et Elsa au parloir.
Justement, ce qu’il ne sait pas, c’est qu’Elsa, depuis ce soir fatal, refuse obstinément de parler. De son côté, Alice, après la douleur, est très en colère contre lui.
C’est le moment choisi par l’auteur pour nous faire connaître le parcours d’Aurélien avant qu’il sorte de prison, complètement déconnecté, désespérément seul.
Tout au long de La Justice des hommes, Santiago H. Amigorena excelle à faire ressentir l’état psychologique de ses personnages, adultes comme enfants. Il me glisse dans leurs pensées, me fait vivre leurs tourments, leurs hésitations, leurs réactions. C’est une écriture merveilleuse de sensibilité et de justesse.
Dans le chapitre 30, Santiago H. Amigorena explique pourquoi il a écrit La Justice des hommes, une histoire prévue, à l’origine, pour être le scénario d’un film. Pour moi, aucun regret si le projet a avorté car le roman est d’une force incroyable, un force décuplée lorsque entrent en scène les avocats.
Si l’auteur m’a fait vivre des scènes palpitantes qui auraient été très fortes sur grand écran, il pousse très loin la réflexion à propos du rôle de ces gens censés faire appliquer la justice, cette justice dite des hommes mais qui n’a rien d’humain.
Avec son immense qualité d’écriture, Santiago H. Amigorena met en scène de terribles et émouvants moments comme ceux du téléphone ou du balcon. Il mène son récit avec tact, psychologie, tendresse. Il n’élude pas les moments d’échanges tendus, violents, si importants pour permettre à Alice et à Aurélien d’évoluer en faveur de l’intérêt des enfants. Quant aux honoraires des avocats…
Les questions essentielles sont posées. Un couple se déchire et l’avocat de chaque partie tente de pousser à bout l’une ou l’autre des protagonistes sans chercher à savoir où est l’intérêt des enfants.
Santiago H. Amigorena dit tout cela bien mieux et c’est pourquoi il faut lire La Justice des hommes, surtout qu’une énorme surprise nous attend avant que l’auteur s’épanche dans le dernier chapitre, livrant des confidences d’une émouvante sincérité.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/05/santiago-h.amigorena-la-justice-des-hommes.html
Quand, pour toute expression de l’émotion, le corps devient parole.
Encore une histoire de couple qui explose me suis-je dit dans un premier temps et pourtant, écrit par Santiago Amigorena, j’ai espéré que le sujet serait traité de manière singulière. Et c’est ce qui s’est passé.
L’implosion d’un couple, même si c’est pour une raison particulière, est un thème sur lequel il a déjà été écrit du bon comme du très fade (tout et n’importe quoi, aurais-je pu écrire).
Ici nous avons Aurélien le papa, Alice la maman, Elsa et Loup les deux enfants.
Avant même le crash, le couple communiquait déjà cahin caha. C’est dans cette ambiance délétère que Santiago Amigorena fait faire une connerie à Aurélien, bêtise qui l’emmène directement vers la case prison. Jusque-là tout aurait pu juste s’effilocher un peu plus puisqu’il ne sera question que de quelques mois d’incarcération. Mais ce n’est pas ainsi que cela se passera car Aurélien décide de ne accepter la visite des membres de sa famille pendant son séjour en prison. Alice son épouse le vit mal, mais c’est sa fille Elsa qui en sera le plus choquée.
Pire encore, l’auteur enfonce encore un peu plus le clou puisqu’à sa sortie de prison, Aurélien ne rentrera pas au domicile conjugal, louera en banlieue un misérable appartement, reprendra son travail et ne vivra plus auprès des siens.
Santiago Amigorena explore ici une nouvelle fois les relations humaines, mais là où il va sortir sa meilleure carte, c’est dans l’observation de la justice des hommes. Car il y a certes La Justice avec un grand J, celle qui pose un verdict, fait payer la connerie à celui qui a mal agit. Mais il a aussi la sentence implacable de l’entourage et celle-ci ne sera pas tendre. C’est cette superposition qui sera réussie.
Cela m’a rappelé une phrase bien connue : « la justice des hommes, n’a de justice que son nom ».
Les thèmes sont éclairés par un auteur sensible et qui connait les rouages des relations humaines. Ses personnages par contre, ne me sont pas apparus comme particulièrement attachants : juste peut-être le père d’Alice.
Pas mon livre préféré de Santiago Amigorena.
Citations :
De Herrmann Hesse cité dans le livre « Partout les lois non écrites étaient plus fortes que les lois écrites. »
Quand le couple se disloque, les enfants trinquent….
Alice et Aurélien, s’aiment, à leur façon. Ils ont du mal à trouver un équilibre avec Elsa et Loup leurs deux enfants, ils ont du mal à communiquer, du mal à s’aimer. Alice étouffe et cherche à s’évader un peu…
Un jour, Aurélien commet une bêtise qui l’envoie en prison pour quelques mois ; mois durant lesquels Aurélien se replie, s’isole, refusant toute visite d’Alice, refusant de communiquer avec les enfants. Aurélien s’enfonce dans le silence, tendit qu’Elsa le subit de plein fouet ! Même sorti de prison, après avoir purgé sa peine, Aurélien ne juge pas utile de prévenir Alice, et se terre en banlieue dans un minuscule appartement et se remet au travail.
La séparation est inévitable ; et quand les extérieurs interviennent, ce ne sera pas pour apaiser les choses, bien au contraire. La justice des hommes, n’a de justice que son nom. Elle broie, sépare, attise la haine alors que l’amour pas encore éteint ne demande qu’à être ranimer.
Encore une fois, Santiago Amigorena décortique les relations humaines dans ce qu’elles ont de plus intimes, de plus verrouillées. Il plonge dans l’intimité d’un couple qui se répercute puissance dix sur ses enfants.
Si j’ai trouvé les personnages principaux assez bien campés, ces derniers ne m’ont pas particulièrement marquée. En revanche le père d’Alice et l’ami d’Aurélien m’ont semblé bien plus crédibles et émouvant.
Un beau roman, parfaitement maîtrisé, un style riche sans être précieux, une écriture qui fait plaisir, on sent ici la générosité de l'auteur et l'envie de partage.
Amour, haine, folie, destruction, silence ! ... Ce que les mots ne parviennent à exprimer, le corps viendra le dire. Le refus de communiquer n'est pas le refus de l'autre, mais ici est un véritable refuge. Réfléchir à ses actes afin de mieux comprendre un coup de folie, de décoder l'émotion trop forte, de comprendre pourquoi haine et amour vont parfois de pair.
Qui peut juger quand tout explose ?
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