"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Chez Rochery, on ne s'encombre pas d’idéologie littéraire ou poétique particulière : là, par exemple, exit le roman, mort depuis belle lurette, sauf pour les chroniqueurs de métier et les pros de la communication. Mattel défendrait une forme de littérature (encore à venir ?) qui ne peut ignorer ce qui a déjà été fait, ni s'y installer, et qui envisage notamment les possibilités du « régime fictionnel hypomnésique» de la poésie - "soutien", donc, de la mémoire du sens et de sa recherche, actualisation permanente de celle-ci sous la forme mixte du jeu langagier et de la pensée conceptuellement outillée.
Question personnages : il suffit d’utiliser ceux qui existent déjà, et de les faire merder juste ce qu’il faut pour les rendre à leur justesse non-médiatique : Chuck Cobain (sic) en star locale d’un groupe inaudible, un faux Achille Zavata (sic), frère désoeuvré du Zavatta des cirques, en maître de cérémonie d’une performance de poésie foireuse et hilarante, Iggy Pop en icône pour t-shirt subliminal, Bob l’Eponge mixé à David Foster Wallace, via Fela Kuti (vous me suivez ?), Bonnie & Clyde dans un échange de textos hautement improbables sur le sens de la vie des gangsters, etc. Ne cherchez pas les intrus. Il y en a partout. Ne cherchez pas le confort des phrases. Il n’y en n’a pas.
Le livre, 230 pages, est composé de 50 séquences stylistiques (bouh !) empruntant au conte, au journal fictif, à l'essai et au poème en vers. Sortes d'expérimentations, dont l’analyse ou l'abstraction (re-bouh !) ne fait pas forcément l’économie de l’horreur et de l’absurde. Les tranches de vie, ou mini-fictions, sont appelées des « figurines ». J’ai une théorie sur les figurines : elles pourraient bien nous rappeler, mais c'est juste mon interprétation, en quoi les poètes et les romanciers peuvent ressembler, parfois, à des caricatures du genre qu’ils pratiquent. Et les lecteurs, des caricatures de lecteurs. Aux caricatures tentantes, Rochery oppose les figurines : les pièces d'un jeu cruel où rien n'est écrit d'avance. C'est peut-être simplement ça, un livre "difficile". Et Mattel l'est, dans une forme de sans-gène assez merveilleux.
Une écriture, ni plus ni moins (mais c’est beaucoup), apparaît, donc, qu'on pourrait dire sortie de nulle part, cependant que toute la matière du livre est faite de lectures et de références classiques (Poe, Proust, Dostoïevski), de visionnage de films (blockbusters de préférence), de jeux vidéos (violents de préférence). Langue farouchement vivante, à proportion de ce que la vie racontée l’est mal, ou de travers. Anti-roman ? Presque. En fait, il y a bien tout un roman de trois lignes sur la couverture : "Dans la vie des jouets de la compagnie de John Mattel, il y avait des hommes et des femmes". Ca, c'est fait. Ensuite, on passe peut-être au plus intéressant : la lecture, toujours imprévisible, d'un livre aussi dense que joueur, où le « héros » de l’histoire morte et vivante, c’est le langage. Décapant, drôle et libérateur. Ni vu ni connu.
Il n'y a pas encore de discussion sur cet auteur
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !