"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Attention talent ! Un polar choc et implacable sur un sujet occulté par les médias.
Je suis ressorti de la lecture de ce roman noir marqué à vif.
C'est tout d'abord la révélation d'un nouveau talent, comme l'a été il y a peu de temps aussi l'Italien Roberto Costantini avec son magnifique polar "Tu es le mal", bien que sur un sujet totalement différent.
Ici, Sam Hawken dédie son roman aux centaines de femmes disparues, mortes, à Ciudad Juárez, Mexique : « Pour las mujeres muertas de Juárez ».
Alors que ce véritable drame humain est rarement abordé, y compris dans le roman noir, et qu'il est totalement occulté par la guerre des narcotrafiquants au Mexique dans les médias, ce polar à l'ambiance crépusculaire est là pour nous montrer les faits. Et si l'on sent une documentation parfaite de la part de l'auteur, à aucun moment celui-ci ne s'embarrasse pourtant de longs passages didactiques.
Ses personnages finement dessinés, en quête de rédemption, semblent condamnés inéluctablement par une société où ceux qui profitent de cet immonde trafic humain font partie de la haute société et habitent des terres ultra-sécurisées pour milliardaires.
Drogue, trafic humain et exploitation de populations misérables sont les fondements de cette société mexicaine rongée par la corruption généralisée et la soumission à un ultra-libéralisme mondialisé, conséquences notamment de cette proximité étouffante avec les Etats-Unis.
Avec un style sec et sans fioriture, Sam Hawken dégaine un grand polar, très noir, direct et brutal, dans lequel, parfois, des relents d'humanité permettent de ne pas perdre quand même totalement espoir.
Il nous livre aussi, notamment, le magnifique portrait d'un personnage qui semble tout droit sorti de chez David Goodis : le boxeur américain et ex-toxico Kelly Courter, qui a du se réfugier de l'autre côté de la frontière et doit servir de punching-ball vivant dans les combats clandestins où le public qui vient est assoiffé de sang, n' a même pas dépassé la trentaine qu'il ne se croit même plus digne d'avoir un avenir. Heureusement, son pote Esteban, qui va lui confier un peu d'herbe à vendre pour qu'il n'ait plus à se faire défigurer pour survivre, ainsi que Paloma, la soeur d'Esteban et petite amie "non-officielle" de Kelly, vont lui montrer qu'il peut suivre une autre voie, en prenant soin de lui. C'est ce qu'il va faire, en arrêtant les combats, en faisant attention à sa santé, mais c'est à croire qu'il n'y a vraiment pas d'avenir possible, pas de rédemption possible pour des personnages comme Kelly. Sa descente en enfer est glaçante. Et la suite est terrifiante.
Car ici, on est loin des thrillers formatés avec rebondissements artificiels toutes les deux pages ! Au contraire, la progression dramatique du récit prend le lecteur à la gorge et lorsque rebondissements il y a, ils font l'effet d'un coup de massue...
C'est dire s'il y a du Goodis, du Hammett et du Jim Thompson chez Sam Hawken qui est vraiment un auteur à suivre ! D'ailleurs, je vais me ruer sur son second roman, "Guet-apens", paru cet été chez le même éditeur.
Une lecture qui glace le sang, poignante mais salutaire, dont on ne ressort pas indemne... Un auteur à découvrir, pour tous les amateurs de noir !
PS : À noter aussi que dans ce roman, Sam Hawken nous délivre un terrible exemple de ce fameux phénomène des "enclosures", ces quartiers, lotissements, ou ici carrément une colline entière, qui sont privatisés, coupés du reste du monde et ultra-sécurisés par des sociétés de sécurité privées, permettant ainsi aux plus riches de se retirer en toute sécurité, de vivre tranquilles à l'abri de la misère et des regards des autres. C'est d'ailleurs le sujet de Pur, le dernier roman d'Antoine Chainas, ainsi que du court mais percutant roman noir d'anticipation "Utopia", de Ahmed Khaled Towfik.
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