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C'est la confession d'une jeune femme de 35 ans que la peur empêchait de parler et d'exprimer librement ses pensées et ses sentiments pendant la période de la guerre froide. Derrière le rideau de fer, une enfance et une adolescence aseptisées de toute émotion même envers son père et sa mère au point d'inventer dans son corps un nouvel organe, le muscle du silence.
Installée à Paris après la chute du Mur, c'est au bout de plusieurs années qu'elle entreprend le lent apprentissage de la guérison auprès d'un psychiatre un peu excentrique ayant le double de son âge. le lien fort qu'elle entretient avec le vieux médecin qu'elle voit au début comme un clown car elle n'arrive pas à cerner le vrai du faux et voit plutôt les séances comme une mascarade, lui ouvre en réalité la porte de son âme et de sa personnalité.
Elle ose enfin vivre, être elle-même dans un Paris dont l'anonymat la rassure. Elle apprend à se délivrer des mensonges, elle trouve en elle la force et le courage de tout apprendre, à se faire sa propre opinion, à être elle tout simplement . Mais cette lente découverte d'elle même ne se fait pas sans douleur mais elle est nécessaire comme une blessure qui doit saigner pour guérir. Pour l'aider, elle lit beaucoup, elle écrit les mots, les décortique, les avale sans plus les vomir comme lorsqu'elle était anorexique : « A présent, je dégustais les mots, leur accent, leurs enchaînements inhabituels et pétillants, les épices de l'humour, le goût exquis de la subtilité. Je croquais dans les phrases comme dans des macarons-avec retenue-, la fine croûte se fendait et laissait se répandre en moi la crème, le sens. »
L'esprit de la jeune femme s'éclaire et libère aussi son corps dont elle a entravé la féminité par nécessité car « au nom de la féminité, il fallait baisser la tête. »
De ses rendez-vous avec son médecin, un nouveau mot va s'écrire « désir » qu'elle analyse de manière quasi chirurgicale et expérimente « C'est en marchant ou en roulant – en étant dans le mouvement- que Paris devenait érotique. »
Le médecin, rescapé des camps de la dernière guerre se confie lui aussi au lecteur par des paragraphes en italique dans le texte. D'abord hésitant et ne répondant pas aux nombreuses lettres que sa jeune patiente lui envoie, il prend avec elle le chemin de l'amour comme deux funambules sur le fil du destin mais une dernière épreuve les attend.
En lisant ce livre bouleversant, j'ai en mémoire les images du film argentin de Diego Lerman «L'oeil invisible », qui portent tous les deux en leur coeur le souffle de l'émancipation et de la résilience.
Je remercie Libfly et les éditions Intervalles pour ce moment de lecture dans le cadre de la voie des Indés.
Vingt ans après la chute du Mur de Berlin, les langues semblent se délier et les victimes du communisme (ou leur descendance) commencent à témoigner de cette période de l’Histoire.
Avec « Mausolée », c’est à travers le regard d’une femme, Milena, que nous découvrons la vie quotidienne des Bulgares de la fin de la Seconde Guerre Mondiale à nos jours.
En suivant l’évolution de trois générations de femmes (Milena, sa mère Raga et sa grand-mère), nous apprenons ce que furent les existences sous ce régime.
Nous, occidentaux, sommes effarés de voir que tant d’individus ont vécu de la sorte pendant plusieurs décennies : endoctrinement, arrestations arbitraires, peur de l’autre, privations, culte du groupe au détriment du « moi »…
La vérité sur les horreurs du communisme éclate enfin et la peur de la dévoiler s’efface peu à peu.
L’épisode où Milena relate son séjour à Paris, son altercation avec un français qui évoque innocemment les symboles du communisme comme des emblèmes « à la mode » suffit à nous faire comprendre que nous ne pourrons jamais mesurer pleinement ce qu’a été la vie de tous ces gens.
Un style concis, simple mais juste qui égrène avec exactitude la complexité des sentiments et des contradictions des personnages.
Un « roman d’apprentissage » pour nous qui avons vécu de « l’autre côté », et qui ne pourrons que rester observateurs de cette triste époque…
D’abord intriguée par la citation sur le bandeau du livre, cette histoire m’a parue compliquée et embrouillée au départ : nombreux personnages, sauts dans le temps, nombreux liens familiaux à retenir entre les personnages….mais au bout d’une cinquantaine de pages, la magie a opéré et j’ai été happée par cette histoire, certainement largement autobiographique pour l’auteur, dont le récit devient par ailleurs plus linéaire.
Par certains côtés, ce roman m’a rappelé « un brillant avenir » de Catherine Cusset : on y vit aussi une saga familiale à travers la vie et le regard des femmes de 3 générations successives…mais les thèmes sont en fait a l’opposé l’un de l’autre : Avec C .Cusset, on suit l’évolution d’une famille qui a réussi à quitter l’Europe de l’est et son régime écrasant pour se reconstruire aux Etats-Unis alors que dans Mausolée, on suit cette fois une famille qui reste en Bulgarie et subit le totalitarisme du « Parti ».
Rouja Lazarova nous montre comment la vie et les choses n’évoluent pas dans cette société depuis 1945 mais aussi, même si ça paraît paradoxal, comment les états d’esprit ont changé, petite touche par petite touche : comment certains ont subi tout en montrant à leur échelle leur haine du « Parti » qui régente tout, qui interdit toute initiative, qui fait régner la peur et la méfiance comme fondements de la société bulgare… on voit comment, malgré le manque cruel de liberté, ils ont réussi à résister à l’embrigadement commencé dès le plus jeune âge et à faire petit à petit bouger les choses.
En s’attachant à nous faire partager les détails de la vie quotidienne de ses personnages, Rouja Lazarova parvient à nous faire ressentir ce qu’a pu être la vie (la survie !) de millions de familles opprimées, écrasées par ce régime. Le texte se révèle précis, incisif, souvent émouvant et surtout porteur d’espoir et d’enthousiasme puisqu’on y vit aussi la fin du régime…C’est un hymne à la liberté d’autant plus appréciée à sa juste valeur (inestimable) ceux qui ont fait l’expérience de son absence totale.
Je retiens plus particulièrement une phrase à la fin du livre qui permet de comprendre un peu mieux « l’essence » du récit : « Raconter ces histoires trace une frontière avec le passé, l’éloigne comme une rive d’embarquement…Mais ça reste. Cet arrière goût que laissent des événements anodins. Des flashs du communisme aveuglants. Des piqûres de rappel. »
Mausolée est un témoignage historique remarquable. On découvre sur une période allant des années 60 à nos jours la vie bulgare sous la dictature communiste en suivant trois générations de femme (Gaby, Rada et Milena).
Ce livre nous fait sentir toute l’abnégation, le silence et l’écœurement du peuple bulgare soumis dans leur vie quotidienne aux délations, frustrations et obligations devant le pouvoir politique. On sent que l’auteure a dû prendre du recul pour raconter.C’est un livre très bien écrit, émotionnel et sensible, et j’ai surtout apprécié le témoignage historique et humain de Rouja Lazarova
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