"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
9 août 1945 : un champignon atomique s’élève dans le ciel de Nagasaki, trois jours seulement après la même irruption sur Hiroshima. Les Américains ont lâché la bombe létale, la bombe dévastatrice, la bombe qui va tuer pendant des années des milliers de civils, des milliers d’innocents. Le 14 août, le gouvernement japonais capitule et l’armée américaine occupe le pays.
C’est cette page d’histoire effrayante que raconte Reiko Kruk-Nishiola, une narration authentique parce que l’artiste est une rescapée des bombardements atomiques ; elle a vu de ses propres yeux l’explosion, le désespoir, la panique, les morts, les blessés, les êtres humains petits et grands se tordant de douleur. Avec son souvenir de petite fille, elle se met en scène avec le personnage de Keiko, une intrépide enfant qui se passionne pour de drôles d’oiseaux : les Libellules rouges.
Les Libellules rouges est le nom donné aux appareils de l’école d’aviation où habite la petite fille. Son cœur bat fort pour un prince rouge à l’écharpe blanche et encore plus quand elle a le privilège de monter à bord d’un biplan pour un baptême de l’air personnalisé. Elle aime grimper dans les arbres, observer l’horizon, aller vers l’interdit. Seulement, la guerre gronde et les pilotes pacifiques deviennent des combattants. Reiko les voit partir pour ne jamais revenir, elle scrute ce monde des adultes fait de secrets, de mensonges et d’actes inavouables. Elle apprend la vie mais encore plus lorsque peu avant midi, un jour d’été, à vingt kilomètres de chez elle un nuage s’élève dans le ciel. On suppose que c’est la répétition de ce qui s’est passé à Hiroshima quelques jours auparavant. Mais tout le monde ignore ce que sont ces nouvelles flammes de l’enfer… Elle, toujours seule malgré sa famille va trouver une sœur de cœur avec sa cousine Ryôko qui a perdu ses parents dans le pandémonium. Mais que réserve l’avenir ?
Une écriture simple, d’une grande sensibilité, augmente l’émotion et le triste constat de la vésanie humaine. Seulement, derrière l’horreur, se glisse une poésie extrême, une délicatesse des descriptions, une sobriété des sentiments qui sont trop pudiques pour s’exprimer à mots découverts. Les illustrations représentées par l’auteure elle-même apportent un complément imaginaire à une histoire pourtant bien réelle. Tristement réelle et justement racontée pour qu’elle ne soit jamais oubliée. Les guerres qui s’effacent dans le temps finissent pas être partiellement reconstituées mais rarement abordées dans leur totalité. Là, c’est un regard d’enfant qui se porte vers le monde des adultes, des grands qui ne savent pas reconnaître leurs propres bêtises qui ne font que recommencer.
Le récit est complété par une préface de Frédéric Mitterrand relatant sa rencontre avec Reiko Kruk-Nishiova, notamment pour une mise en scène de l’opéra Madame Butterfly, et, par une interview tout aussi captivante du bonze Daijo Ôta, ancien élève pilote des Libellules rouges et témoin direct des bombardements atomiques de la seconde guerre mondiale.
Un roman, un document, une leçon d’histoire où se mêlent les ténèbres de la mort et les lumières de la vie.
Blog Le domaine de Squirelito => https://squirelito.blogspot.com/2020/12/une-noisette-un-livre-les-libellules.html
Parce que certains événements ne doivent pas être oubliés.
Reïko Kruk-Nishioka était une petite fille lorsqu'à quelques kilomètres de chez elle, est tombée la "nouvelle bombe" ayant déjà ravagé Hiroshima.
Des années plus tard, c'est avec ses mots d'enfant qu'elle nous raconte son histoire, celle de sa cousine, de ses parents.
Elle nous raconte aussi son admiration pour les pilotes, sa fascination pour ces petits avions biplans surnommés "les libellules rouges", les banquets en l'honneur des soldats partant au combat...
Ce texte hybride mêlant souvenirs d'enfant et dessins de l'auteure, empreint d'une poésie certaine, est étrangement émouvant.
Sur une période d'un an, rythmée par les saisons qui se succèdent, Keiko revit ce passé douloureux et le ravive également à nos yeux.
Ce devoir de mémoire touche en plein cœur.
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