"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Je me doutais qu'en choisissant ce roman je risquais d'être bouleversée.
C'est une histoire de femmes, sur la condition des femmes à Java au début du XXème siècle.
Une enfant de quatorze ans qu'on donne en mariage à un homme, qui aura le droit de la répudier, si elle ne lui convient pas, après "usage", sans qu'elle le sache au départ et bien qu'elle redoute ce mariage dont elle ne veut pas.
Terrible société patriarcale où les femmes n'ont pas leur mot à dire, où leur degré de souffrance et de peur est proportionnel à leur degré d'insignifiance qui lui-même est régi par leur niveau de pauvreté et leur aspect physique.
J'ai trouvé cette histoire très dure. Les femmes n'existent que pour servir leurs maris et leur donner des fils. C'est le culte du MÂLE dans toute son horreur. C'est l'histoire de l'écœurante suprématie des hommes, où les nobles n'ont de noble que le rang mais certainement pas l'âme.
C'est un bel hommage que Pramoedya Ananta Toer rend à sa grand-mère. Il a voulu imaginer sa vie dont il ne savait rien, il ignorait jusqu'à son nom, et par là il honore les femmes, toutes celles dont on fait peu de cas, les invisibles, les silencieuses, celles qui n'ont pas voix au chapitre.
La fille du rivage de Pramoedya Ananta Toer, parle d’une jeune fille mineure qui est « mariée » à un homme bien plus âgé qu’elle, et qui a eu déjà plusieurs concubines et plusieurs enfants.
Gadis Pantai, c’est son nom, âgée de 14 ans et venant d’un pauvre village de pêcheur, se retrouve donc du jour au lendemain prisonnière dans une maison riche de la ville, « mariée » à un homme qu’elle ne connaît pas et prisonnière d’une cage dorée où elle n’a plus qu’à subir sa situation.
Victime d’un con aux apparences bien noble, bien religieuse, bien propre, qui fait d’elle son esclave, sa chose, son rien… autant dire que sa vie n’est pas drôle et ne respire pas la joie de vivre. Mais comme elle n’a pas l’air de se plaindre, puisqu’elle tombe amoureuse de son bourreau, en tant que lecteur tu finis par vite passer sur cette situation immonde pour finalement péter un plomb devant la soumission de Gadis Pantai qui accepte son rôle de serpillière sans broncher.
Ok, l’époque ne s’y prête pas vraiment et le pays non plus probablement, mais putain ! les dialogues et certaines scènes donnent juste envie d’aller s’asseoir dans les orties parce que… parce que tu te sens obligée de trouver plus con que le livre pour te calmer. Et oui ! Et c’est là le hic ! Car à part sur la fin - les dix dernières pages à peu près - ce livre ne parle pas du tout d’une fille luttant pour rester libre comme l’indique la quatrième couverture. (Ce que je recherchais, hélas.) En effet, vu qu’elle subit la situation de bout en bout sans trop broncher, voire pas du tout, je dois avouer que du coup j’ai lu ce livre déçue et énervée, cherchant ce chant de liberté promis, qui se limite ici au souvenir du chant de la mer… (On ne va pas se mentir, y a mieux comme liberté.)
Oui, bon d’accord, ce livre cherche avant tout à mettre en avant ces histoires de vies volées des plus faibles par les plus forts et/ou les plus riches, ces vies parfois volées dans l’espoir d’une vie meilleure, mais c’était nécessaire de nous servir ce concept sans un minimum de révolte intérieure ? Avec une héroïne naïve et faible ? Et c’était nécessaire de devoir attendre la fin du roman pour voir une révolte de notre pitoyable héroïne ?, qui franchement aurait gagné à être moins pathétique pour le coup. D’accord elle est triste, mais quand même, un minimum de force n'aurait pas été mauvais, car là je l’ai trouvé pitoyable et sans caractère. Honnêtement, c’était vraiment un discours et des idées dignes d’une personne faible, qui en fin de compte va partir se cacher loin de son village pour ne pas subir le regard des autres...
Bref ! Ce livre ne raconte pas l'histoire d'une fille qui lutte pour rester libre jusqu'au bout.
Outre cela, et même si je suis contente d’avoir découvert un auteur indonésien, j’avoue que je n’ai pas été fan de l’écriture. C’est très simple, banal, rien de bien recherché. En résumé, un livre, vite lu, vite oublié. Pas extraordinaire.
http://voyagelivresque.canalblog.com/archives/2017/10/25/35805364.html
Les Éditions Zulma publient pour la première fois la traduction du Buru Quartet, œuvre magistrale d’un des plus grands auteurs indonésiens, Pramoedya Ananta Toer. Cette immense saga, récit de l’auteur depuis sa prison sur l’île de Buru, comporte quatre tomes. Le monde des hommes est le premier volume.
Minke est né le 31 août 1880, le même jour que la jeune reine des Pays-Bas, Willhelmine. Lorsque le récit commence, Minke est un des rares indigènes élève de la prestigieuse école HBS de Surabaya réservée aux Européens et aux métis. Nous sommes dans les dernières années du colonialisme hollandais.
Minke est un élève brillant qui refuse de devenir bupati ( haut fonctionnaire indigène nommé par les Néerlandais pour administrer une région). Il rêve d’écrire, journaliste ou écrivain, il publie déjà quelques nouvelles sous un pseudonyme et se pâme devant l’enseignement des professeurs hollandais, notamment Magda Peters, professeur de littérature.
Avec un ami de l’HBS, il se rend dans la riche demeure des Mellema. Sa rencontre avec cette étrange famille va changer sa vie. La propriété est dirigée par une indigène devenue la concubine d’un Européen avec lequel elle a deux enfants, Robert et Annelies. Le coup de foudre entre Minke et Annelies est réciproque. Minke est effrayé par le père agressif et alcoolique et étonné de la culture de Nyai ( concubine indigène). Enfant, elle fut vendue par son père à Herman Mellema, un colon néerlandais. Herman lui a pourtant tout appris et lui a fait confiance pour diriger son exploitation. Nyai est une femme forte prête à tout pour que sa fille métisse n’ait jamais à vivre son déshonneur.
En conteur passionnant, Pram déroule son récit avec une grande fluidité et simplicité, respectant la linéarité, enchaînant les évènements dans les moindres détails afin que le lecteur s’imprègne de l’atmosphère, comprenne les rivalités entre indigènes, métis et européens.
Minke est un jeune homme qui se construit intellectuellement. Il connaît et se force à respecter les préceptes de ses parents mais l’éducation de l’HBS lui ouvre d’autres horizons.
» Je tiens seulement des Européens des connaissances qui font partie d’un savoir que les Javanais ignorent. »
Son voisin, Jean Marais est un peintre français qui a perdu une jambe lors de la guerre contre les Aceh. Minke aime aussi discuter avec les filles du Résident adjoint qui lui parlent de la Théorie de l’association, visant à partager le pouvoir avec des indigènes instruits. Certes, il est très attiré par la culture européenne, ce que lui reproche d’ailleurs sa famille. Mais il est aussi respectueux de la manière dont Nyai Otonsoroh a su s’élever en autodidacte au niveau de son rang.
Son entourage et les évènements pousse Minke, élève particulièrement intelligent, à prendre son destin en main. Et ainsi donner une voix aux indigènes.
Quand je me suis embarquée dans cette lecture, je craignais la grandeur de l’œuvre ( quatre tomes de 500 pages et je n’aime pas trop devoir attendre la suite des premiers tomes). A la lecture de ce premier volume, devant la puissance romanesque, la force des personnages ( surtout de Minke et de la Nyai), le contexte fort de ce régime colonial brimant les droits des indigènes, j’ai hâte de connaître la suite de cette belle et longue et histoire.
Fin 19° aux Indes Néerlandaises, l'esclavage est aboli depuis peu mais L'Inde n'en reste pas moins une colonie qui appartient aux "blancs" hollandais. Dans ce paysage politique et social post-esclavagiste, Minke est un jeune indigène brillant qui fait ses études à l'HBS, prestigieuse école à Surabaya normalement réservée aux néerlandais. Jeune journaliste studieux, rêveur et curieux, il rencontre Ontosoroh, "la nyai" ou encore concubine d'un riche colon hollandais, une indigène de poigne, ambitieuse, forte et indépendante. Elle apprit à parler couramment le néerlandais (en plus de sa langue) et s'intéresse à tout. Grande autodidacte libérée, elle tient à elle seule l'entreprise et la maison de son compagnon et l'éducation de la belle Annelies, sa fille. Face à cette femme qui - au regard des lois - n'a aucun droit, ni aucune valeur, Minke se rend compte que Nyai est bien plus proche de lui qu'il ne le pensait. Tout deux s'engagent corps et âme pour leur liberté et leur indépendance face à la colonisation hollandaise. Liberté résonne...
Par ailleurs, la romance naît d'un regard croisé entre Annelies la métisse reconnue et Minke l'indigène inconnu.
Cependant, au-delà de cet aspect romanesque du livre, Pramoedya Ananta Toer dévoile un travail minutieux et rigoureux du système colonial, des lois néerlandaises qui régissent l'Indonésie à cette époque, provoquant un profond fossé entre les indigènes et les hollandais.
Ainsi, à travers le petit indigène "insignifiant", Pramoedya travaille la psychologie, les émotions et les ambitions de Minke pour que sortent de ce roman, tout un regard idéaliste (vision de Minke et Nyai) qui est contre-balancé par une époque où quelque soit le sujet/débat, un javanais a toujours tort, est toujours fautif et un hollandais gagne toujours. Cette discrimination, Minke mais aussi Nyai, la ressentiront et Dévoiler le texte masqué.
Le Monde des hommes mélange l'amour, la loyauté, l'amitié, le succès, l'échec mais aussi les conflits politiques et sociaux. Pramoedya Ananta Toer ramène son lecteur à une époque (pas si lointaine) où le pouvoir, l'argent et malheureusement la couleur primaient sur les valeurs et les droits de chacun.
Sous un style magnifique empreint de subtilités, de poésies et de descriptions précises et imagées, l'auteur écrit une véritable perle de la littérature étrangère.
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