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Azucena vit entre Paris et Nice, le Train Bleu qui relie les deux villes semblant être l'un de ses domiciles. A Nice elle vit avec plusieurs groupes, que l'on appellerait altermondialistes, écologistes, désobéissants, décroissants. Ils ont tous en commun de regrouper des "marginaux" autrement dit des gens qui ne veulent vivre qu'à la marge de la société, refusant beaucoup de ses dogmes.
Azucena est souvent accompagnée d'une chienne qui la suit partout. Elle rencontre Gouel le chanteur de rue, Alex, "prince des poubelles", Manu, Monique, Nadette, Siranouche.
Pinar Selek est née à Istanbul. Après un séjour en prison en 1998 pour désaccord profond avec le pouvoir, elle s'exile en France. Elle y vit aujourd'hui et enseigne à l'Université de Nice-Antipolis.
Son texte, très beau est parfois difficile à suivre, tortueux, présentant beaucoup de personnages. Mais lorsqu'il s'intéresse plus particulièrement à l'un d'entre eux, en peu de mots, Pinar Selek va au plus profond, par exemple la grand-mère d'Azucena, espagnole qui subit la guerre d'Espagne : "Les résistances. Les massacres. La fuite. Les routes. La mort. La vie. Des dizaines, des centaines de mains qu'on ne lâche pas pendant les jours que dure la Retirada, qui ne finira peut-être jamais. Les sacs qui s'allègent. Les vêtements qui se déchirent. Les estomacs qui rétrécissent. les maladies. Puis le jeune Français, Nico. Le grand-père d'Azucena. Un anarchiste au regard tendre qui avait tout lâché à Lyon pour rejoindre le mouvement révolutionnaire en Espagne. L'amour, ce miracle qui change la merde en fleur, Marisa l'avait porté sous ses côtes, à gauche, tout au long de sa vie. Nico était un homme qui semait l'espoir. Les histoires qu'il avait pu raconter à sa bien-aimée en passant la frontière française... "Je vais te montrer ça, je vais t'emmener là-bas..." Comment deviner qu'ils allaient être traités comme des pestiférés !Ils doivent avoir peur du vent qui souffle sur les fleurs de l'autre côté de la frontière. Après avoir été trimballée de-ci, de-là pendant des mois, Marisa s'était retrouvée dans un cap de concentration. Son Nico est resté dehors car il avait la nationalité française, mais Marisa avait vécu sa dix-huitième année en enfer." (p.38/39) J'avais cru comprendre qu'on appelait la France le pays des droits de l'homme, force est de constater que c'est sans doute un titre usurpé déjà en 1936 et encore davantage de nos jours.
A travers ses personnages, Pinar Selek interroge notre modèle de société, consommation à outrance, croissance infinie, pouvoir des multinationales qui veulent tout régenter, même vendre des graines de légumes ou de fruits est devenu illégal, et pourtant le réseau local garantit le goût et la qualité.
Je n'ai pas tout aimé, c'est parfois tortueux, je l'écrivais plus haut ; je n'aime pas non plus cette façon de s'interpeller : "mon+prénom" ou "mon+un petit mot doux", je la trouve artificielle et fausse en règle générale, ce qui est le comble dans cet texte. Mais hormis cela, ce texte est d'une grande beauté et d'une grande force. C'est un hymne à l'humanité, à l'entraide et à une société sortie de ses croyances extérieures qu'elles soient religieuses, économiques, politiques. Bref, une société dans laquelle l'humain -le vivant en général, animaux et végétaux compris- est le principal protagoniste. Vivre avec, dans et pour la nature.
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