"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Octobre 1971, le ministre de La Défense, Michel Debré, officialise la décision d’extension du camp militaire du Larzac avec pour objectif de passer des 3 000 hectares existants à 17 000 hectares.
La colère gronde chez les agriculteurs qui n’ont aucunement l’intention de « cohabiter » avec l’armée. Mais au-delà des paysans du Larzac, directement concernés par les expropriations, c’est tout un mouvement national qui se met en place, rassemblant ainsi les paysans, les ouvriers, les autorités religieuses locales…
Ce mouvement scandant « Gardarem lo Larzac » (« Nous garderons le Larzac ») lancera, jusqu’à Paris, des actions et des manifestations qui resteront dans les mémoires, faisant du Larzac une cause nationale. Finalement, il faudra attendre l’élection présidentielle de François Mitterrand en 1981, soit 10 ans plus tard, pour que l’armée quitte le Larzac.
C’est un ouvrage documentaire très réussi qui se lit comme un roman. La lecture est fluide, jamais rébarbative et je ressors de ma lecture avec le sentiment d’en avoir appris plus d’une époque que je n’ai pas connu mais qui est pourtant proche. C’est une lecture qui donne des frissons devant la mobilisation nationale et la solidarité que ce mouvement a entrainé. C’est aussi une lecture qui fait prendre conscience qu’il est important de se battre pour ce auquel on croit même lorsque ce combat semble perdu d’avance !
Les illustrations sont en noir et blanc, accompagnées de photographes d’époque.
Une belle découverte !
Extrait : « Vu du Ministère de La Défense, le lointain Larzac était un causse arriéré et désert, donc impropre à l’agriculture moderne, mais localement une révolution silencieuse est en marche. »
Larzac, histoire d’une résistance paysanne, cette magnifique BD co-signée par Pierre-Marie Terral, scénariste, et Sébastien Verdier, dessinateur, est dédiée à « celles et ceux qui ont gardé le Larzac… »
En octobre 1971, Michel Debré, alors ministre de la Défense, annonce l’extension du camp militaire du Larzac, de 3000 à 17000 hectares. Menacés d’être expulsés de leurs fermes, les agriculteurs et éleveurs du Larzac concernés par cette extension se mobilisent et s’engagent alors dans un combat qui rassemblera autour d’eux un large et hétéroclite mouvement de protestation. Maoïstes, anarchistes, antimilitaristes, écologistes, militants régionalistes, tout ce que le pays compte de contestataires a cheminé vers le causse…
Ce mouvement de protestation, dynamisé par des comités sur tout le territoire, ralliera des centaines de milliers de personnes.
Déjà présent sur le Larzac, entouré de la communauté de l’Arche, le philosophe Lanza Del Vasto, en prônant la non-violence, a donné le ton à la contestation, tout au long de la décennie que dura le combat.
C’est d’ailleurs à l’issue du jeûne lancé par celui-ci, que, 103 paysans sur les 107 concernés signent un pacte où ils font le serment de ne pas vendre leurs terres à l’Armée.
Pour toutes celles et ceux qui ont vécu cette période, il est impossible d’oublier le cri de ralliement des habitants de ce territoire repris par tous les manifestants « Gardarem lo Larzac », Nous garderons le Larzac. Ce slogan, deviendra le titre du journal créé par les paysans avec l’aide du Canard enchaîné.
Ce roman graphique a l’immense mérite de retracer étape par étape, les dix années de cette lutte pour la terre, une lutte dans laquelle la mobilisation a été d’une ampleur exceptionnelle.
C’est avec bonheur que Sébastien Verdier utilise le noir et blanc pour le dessin, soulignant ainsi le sérieux et la gravité du propos, même si quelques touches d’humour sont bien présentes.
Photographies et documents d’époque, affiches et articles, insérés régulièrement, accréditent le texte et permettent de visualiser encore plus concrètement ce qu’a pu être cette résistance paysanne. Trois planches publiées dans Charlie Hebdo N° 253 du 13 septembre 1975 sont même reproduites dans l’album, une bien belle manière de rendre hommage à Cabu qui a abondamment croqué les différentes péripéties de ce combat, pour Charlie hebdo ou Gardarem lo larzac.
Cette BD richement documentée, complète, à la fois poignante et émouvante, m’a permis de revivre et très souvent de découvrir tous les moments forts, les moments d’espoir mais aussi les moments de doute qui ont émaillé ces dix années de lutte, des années longues et difficiles.
C’est avec grand plaisir et presque les larmes aux yeux que j’ai retrouvé Claude Marti avec « Vos vau parlar d’un païs que vol viure, Vos vol parlar d’un païs que moris, La tèrra la conneissets, Es la vostra, Amics... ».ou Graeme Allwright avec « How many times must the cannonballs fly Before they are forever banned ? The answer, my friends, is blowing in the wind, The answer is blowing in the wind... » lors des concerts qui s’enchaînèrent lors de la nuit la plus longue du Larzac, du 25 au 26 août 1973.
De nombreux autres acteurs connus sont présents sur le terrain durant ce long combat comme René Dumont, qui est alors le premier écologiste à briguer la fonction suprême ou José Bové, auteur par ailleurs de la préface, sans oublier François Mitterrand bien évidemment qui, fidèle aux promesses faites lors de sa venue surprise sur le causse lors de la fête des moissons en août 1974, sera celui qui mettra un terme à ce projet d’extension, dès son élection en 1981.
Dans la restitution de ce long et difficile combat, Pierre-Marie Terral met l’accent sur l’incroyable inventivité dont ont fait preuve les paysans et n’oublie pas de rappeler le rôle important qu’ont joué les femmes.
J’ai vraiment été subjuguée par l’énergie, la combativité et la créativité dont ont fait preuve ces paysans pour sauver leur terre, face à l’inflexibilité du gouvernement, et ce, toujours dans la non-violence, malgré les incitations sournoises déployées pour décrédibiliser le mouvement.
Larzac, histoire d’une résistance paysanne est un roman graphique fascinant, passionnant, terriblement émouvant, très instructif et comme le dit Pierre-Marie Terral, historien et scénariste de l’album : « Il y a un côté intemporel et universel dans cette lutte pour la terre. »
Cette lutte du Larzac qui a marqué une époque, devrait inciter les citoyens à s’emparer de cette désobéissance civile et à s’en inspirer dans leurs actions pour échapper à la fatalité et devenir une expérience utile pour l’avenir.
Un immense merci à mon fils Vincent pour m’avoir permis de découvrir cette fabuleuse BD qui m’a rappelé moult souvenirs et que je recommande chaleureusement.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/07/larzac-histoire-d-une-resistance-paysanne-par-terral-et-verdier.html
La préface de José Bové, ancien député européen et un des fondateurs de la Confédération paysanne, permet de circonstancier le mouvement qui a agité cette région, presque désertique, le Larzac, dans le centre de la France. Pendant dix ans, la résistance paysanne réussit à attirer l’attention autour de son combat : garder les terres pour l’exploitation agricole plutôt que les réquisitionner comme terrain de manœuvre pour l’armée. La sympathie des médias, et aussi des dessinateurs, avec son journal « Gardarem lo Larzac » si célèbre et sa radio qui assurait le relais des informations, ont permis de relayer le bras de fer engagé avec l’Etat.
Pierre-Marie Terral, professeur d’histoire géographie et historien des luttes, a fait paraître en 2011, Larzac : De la lutte paysanne à l’altermondialisme et en 2017, Larzac, terre de lutte, une contestation devenue référence. Autant dire que sa présence dans cette bande dessinée apporte une documentation fondée sur les faits historiques et les publications de l’époque.
Sébastien Verdier, dessinateur au départ autodidacte, entre par hasard mais avec beaucoup d’envie dans l’équipe du magazine Pif. Sa bande dessinée Orwell, constituée avec Pierre Christin et parue en 2029, fut très remarquée. Son dessin, toujours en noir et blanc, est une signature.
Brins d’histoire
Unilatéralement, l’Etat décide d’agrandir le camp militaire situé sur le Causse du Larzac en faisant passer sa superficie de 3000 hectares à 17 000 hectares. En 1971, Michel Debré en fait l’annonce à la télévision, froidement, un soir au journal télévisé. Situé entre Millau au nord et La Couvertoirade au Sud, ce plateau du Larzac est le royaume des brebis et grâce à elles, de la production du Roquefort.
Le mouvement naît avec le soutien des ouvriers des entreprises de production et les autorités religieuses locales. Mais, le véritable coup de pouce contestataire viendra du mouvement maoïste. En effet, le 17 février 1972, la police avait abattu un militant, Pierre Overney, devant les usines Renault de Boulogne Billancourt. De nombreux intellectuels, par engagement, s’étaient fait embaucher dans les usines pour faire vivre leur engagement. Ils savaient que leur contestation avait changé de ton. Ils décident de reprendre la route vers le Larzac et de se faire embaucher dans les fermes.
De plus, au sud du plateau, la communauté de l’Arche, avec à sa tête le philosophe Lanza Del Vasto, décide de poursuivre le mouvement mais de manière non violente. Avec sa grève de la faim, il attire les premiers journalistes et les premiers hippies.
Lorsque les paysans décident de fêter le 14 juillet 1972 en montant avec leurs tracteurs à la préfecture de Rodez, plus de 20 000 personnes les accueillent.
La lutte du Larzac est faite de ces axes fondateurs et commence véritablement par l’accord de paysans de ne pas vendre leurs terres à l’armée. Ainsi, cette bande dessinée Larzac, histoire d’une résistance paysanne est la première œuvre d’envergure à reprendre cette histoire de la seconde moitié du XXème siècle.
En conclusion,
En incluant des documents de l’époque, la bande dessinée soutient son propos avec sérieux.
Cette bande dessinée Larzac, histoire d’une résistance paysanne est le récit très documenté de cette lutte qui dura dix ans mais qui se conclura par une victoire, celle de la terre et des brebis sur l’armée. Un sujet d’actualité !
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2024/03/27/larzac-histoire-dune/
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