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Fin du premier chapitre : « Madame Amara Leïla, entendue chez elle ce mercredi cinq septembre. » Me voici donc avec un polar entre les mains. Leïla fait le ménage chez le couple d’hollandais, c’est d’ailleurs elle qui les a trouvés, morts, dans leur cave.
Dans le second chapitre, je suis, avec grand plaisir, un pêcheur sachant pêcher, parti dès quatre heures et demie au bord du lac « respiré à pleins poumons la litière d’odeurs sourdes que charrie la rivière à cette heure. Le soleil en les sublimant va bientôt les faire disparaître. ». Le narrateur, dans ces chapitres raconte sa vie quotidienne avec beaucoup de poésie, comme une parenthèse, une respiration nécessaire entre deux confessions.
Au début du troisième chapitre, j’ai droit à l’épitre du jour, lettre de Paul à Philémon du Dimanche neuf septembre, vingt-troisième dimanche ordinaire.
Tous les chapitres concernant les intervenants se déroulent selon ce rythme et ce rite.
Patrick Da Silva est conteur et cela se sent dans ce livre de paroles, de témoignages collectés.
Petit à petit, je comprends mon erreur du début. Ce n’est pas un inspecteur de police qui collecte les informations, mais un homme d’église qui recueille les confidences.
A travers tous ces récits se dessine la vie dans cette petite ville qui voit se fermer la dernière usine qui apporte du travail aux habitants. Les ouvriers auraient pu fonder une SCOP, mais bon, va savoir si derrière tout cela, on n’allait pas les emberlificoter. Alors, ils ont dit non et le village se meurt, tombe en déshérence. Ils ont perdu leur fierté de travailleur, On leur a ôté leur fierté de travailleur. De plus, un double crime a été commis et un homme s’est suicidé
Les crimes, le suicide ne sont qu’un, si je puis m’exprimer ainsi, medium pour que les habitants parlent d’eux, se confient, un reste d’éducation religieuse peut-être où l’on confesse à l’homme d’église ses pêchés, ses craintes et ses doutes.
La force de ce livre est que chacun des personnages a son propre vocabulaire, sa propre musique des mots, émaillés ici et là de patois. Il y a de la truculence, de la fureur, de la passion, de la vie, même si elle n’est pas toujours drôle. Les tournures anciennes et locales donnent au récit une odeur de conte. Histoires collectées, histoires des fils d’une patrie rurale en danger d’extinction. Chacun raconte son rapport, son avis sur le double meurtre ou le suicide d’Elie. « Elie avait fixé sur lui tout le pus qui couvait et maintenant il l’avait emporté dans la tombe. »
Ces confessions ressemblent à ce que les administrés racontent à leur maire et les paroissiens à leur curé, une très grande proximité et confiance. « Je prête l’oreille à tout le monde ? C’est vrai ce qui se dit ? A tout le monde ! Et il se dit aussi à chacun de la même manière et que la nuit, ce que la bouche de chacun a laissé tomber dans cette oreille que je lui ai prêtée, de mémoire et en dépit des devoirs de ma charge, je l’inscris sur un cahier N Alors, Jocelyne Escotier veut en bénéficier elle aussi et, si tant est que ces ragots soient vrais, en bénéficier de la même manière que chacun ».
La dernière partie est plus spirituelle par l’entremise d’un vieil aveugle, Saul, qui ravaude les filets de pêche et qui recueille, à l’instar du narrateur, les confidences. Tout comme Désiré, aveugle lui aussi, qui vit au village. Saul, Désiré, un même prénom, deux langues, le latin, le français. Rapports avec le confesseur ?
Roman social, spirituel où le je se rapporte à chacun des personnages se racontant. Pout lui, le narrateur, l’omet souvent « L’ai laissée hier ainsi, le livre refermé, ai glissé sur le gargouillis »
Style très imagé « il a embringué à sa rescousse la compagnie des accoudés ». « Je ne me rends pas compte mais ça en coupe la chique à plus d’un la manière que j’ai de lancer d’un coup de manivelle la machine à piailler et de la laisser tourner jusqu’au bout, des fois sans même avoir à remettre une pièce dans le bastringue ». Le séminariste est pêcheur de poissons, recueille les mots des pêcheurs, garde en lui le remord de la mort de son père et, quelque part, l’expie.
J’apprécie beaucoup le style de Patrick Da Silva, même si cet ouvrage se livre moins immédiatement que Les pas d’Odette ou Au Cirque, mais quelle écriture. Je retrouve les monologues ciselés, les confessions, le vocabulaire, l’écoute des « besogneux », la poésie, les belles phrases.
Patrick Da Silva, je vous imagine écoutant ces gens, toute leur vie ordinaire racontée. C’est ce qui me touche le plus chez vous, votre écoute, la simplicité du langage, sa verdeur et… L’amour que vous portez à autrui. Votre litre est empli d’une spiritualité quotidienne qui n’a rien de doctrinaire, mais d’une grande simplicité comme la vie de ces gens.
et filii laisse son empreinte, c’est la marque des grands livres.
Je ne suis pas certaine d’en avoir bien parlé, mais j’ai aimé.
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« Pour autant, tout menus qu’ils sont devenus, pas plus comptés qu'avant, lorsqu’ils étaient, le spas, plus grands. Plus grands, plus vites et plus allants. Avant quand elle était juste mémé, mémé, sans qu’il y faille rien rajouter, vu qu’elle était la seule de sa catégorie. »
Je me reconnais tout-à-fait dans cette définition, même si je suis plus jeune parce que pas encore arrière-grand-mère.
Oui, je me fais appeler « mémé » car je suis « celle qui dit qui y est ». Mamie n’a, pour moi, pas la même chaleur, peut-être un peu trop bien pensante, ou ne veut pas apparaître pour ce qu’elle est. Ainsi que m’a dit une connaissance : Mémé, ça fait vieux. Non, P.... c’est ce que tu as dans le ventre et dans le cœur qui te sèche ou pas.
Je m’y vois déjà « Arrière-mémé à pas menus et pas comptés, pas plus comptés qu’avant, du temps des genoux bien en os, en os bien usé, le droit surtout, à force de turbiner, du temps d’avant la canne à béquiller ». Cette phrase semble être écrite pour ma propre mémé.
Patrick Da Silva a cela en lui, dans son écriture, rendre quelque chose d’intime, universel.
Un petit livre mais si grand par l’amour qu’il porte, l’amour de Patrick Da Silva pour sa mère, l’amour que l’on aimerait porter à sa mère, l’amour que l’on espère…
Ce livre est un condensé d’amour filial, pour Odette qui, maintenant marche à pas comptés, mais qui n’a jamais compté son amour pour les siens, un livre à l’aune de l’amour que porte un fils à sa mère, c'est-à-dire un très grand livre.
Merci mémé Odette d’avoir porté, élevé, aimé un tel fils et permis un tel livret d’amour.
Patrick Da Silva, écrivain-paysan, n’auriez-vous pas des airs d’Emile Guillaumin, c’est un peu à qui vous me faites penser en lisant le dossier joint ; j’apprécie beaucoup votre regard humaniste.
Merci Le Tripode pour cette perle…Histoire de, je vais le faire lire à mes enfants et à ma petite-fille
un regard tendre sur Odette et sa petite vie de grand-mère
Une banale affaire criminelle, un double meurtre dans un manoir délabré du Forez. Ils sont quatre enfants, deux garçons et deux filles dont la dernière, le bredine. Ah que ce mot résonne à mes oreilles bourbonnaises !!! Dans le langage courant, on dit berdine. René Fallet, originaire du Bourbonnais l’employait.
Revenons à notre livre.
C’est la petite dernière qui découvre les deux corps nus dans la grange, le père émasculé, yeux arrachés, langue coupée... Elle est restée avec eux à la ferme, même après le retour du père (supposé ?). Les quatre enfants, deux garçons et deux filles, sont présents dans la maison, enquête et funérailles obligent.
Patrick Da Silva utilise l’intermédiaire d’un « bonimenteur » pour narrer l’histoire, somme toute banale, d’un parricide. Il met en scène les quatre enfants avec un jeu de rôle efficace.
J’imagine le décor, la réunion dans la bibliothèque. Je suis assise devant l’arène, je lis, j’écoute le maître de cérémonie mettre en scène l’intervention des descendants. Tout est joué dans ce drame, cette tragédie. Le fils joue la mère, la fille le premier fils… tout est faux ou alors, ils racontent leurs ressentis, les silences de la mère ou ses réponses évasives, la peur, l’absence, la jalousie, l’isolement… De tous ces mensonges, il ressort la vérité brutale et un peu de celle des personnages,
Chaque chapitre, comme dans les séries, a un récapitulatif, comme un résumé des épisodes précédents ou hustoire de canaliser ce qui va exploser plus loin.
« Allons !
Ce que nous savons.
Ils étaient nus –le père, la mère- quand elle les a trouvés. Trop peu de sang sur les vêtements du père : il ne les portait pas au moment duc carnage.
Le sang du père sur les vêtements de la mère ! Mais juste des traces, sur le haut et le bas de la robe, la culotte, les manches du chemisier, les bordures, là où l’on tire pour enfiler. Et partout sur les deux, entre le linge et la peau, des brindilles de fois.
Ils étaient nus. C’est elle qui les a habillés. ».
Lu sur la quatrième de couverture : « En quatorze chapitres, quatorze stations ». Cela amène automatiquement une relation avec le chemin de croix que l’on trouve dans toutes nos églises et cathédrales. Pourtant, s’il y a des mises au tombeau, il n’y aura aucune résurrection ou pas celle à laquelle l’on pourrait penser. Je relie cela au petit mot de l’auteur « Si je lis c’est d’abord que ‘ai entendu lire ; et ce n’était pas e soir dans mon lit, ni l’école, des histoires pour enfants… non, c’était le dimanche et c’était à la messe. »
Le livre est, en lui-même, un objet original. Le contenu l’est également. Patrick Da Silva m’avait déjà séduite avec un livre précédent Jeanne. Sa plume poétique, sa verve me plaisent
Un auteur original, poétique comme je les aime.
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