Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Je n’avais pas encore lu cet auteur et c’est une belle surprise.
Patrice Jean brosse le portrait de Jean Dulac (narrateur), journaliste désillusionné en pleine crise de la cinquantaine, auteur d’un ouvrage inachevé, « Les Fantoches », resté dans un tiroir. Jean est rejeté par sa famille après la publication d’un article controversé (et même avant, par un fils qui le méprise et une épouse qui ne prend pas sa défense quand on l’insulte…). Dès lors, il s’isole dans un pavillon abandonné et entame un dialogue avec des spectres, figures d’un passé qui lui semble plus accueillant que son présent. Le récit mêle satire sociale et réflexion sur le militantisme. C’est une critique caustique de notre société. Les thématiques que j’ai particulièrement appréciées sont l’isolement, les préjugés, l’importance de la réflexion, le danger du militantisme à outrance, le manichéisme... Ce roman oscille entre l’ironie et une réflexion approfondie sur notre époque. Il est également surtout pessimiste et féroce :
« Tu veux sans doute dire que le savoir est funeste.
- Oui, c’est toujours la même histoire. Les hommes prétendent qu’ils veulent savoir, mais le savoir, ce n’est pas une chose réconfortante, rigolote et merveilleuse. C’est la mort, la tumeur, le mensonge, la haine, la violence. Tu viens d’en faire l’expérience. Sous la peau des jolies femmes, des boyaux, des intestins, un foie, du sang, de la merde, des muscles. Dans le cerveau des grands écrivains, des idioties, des clichés ; dans le cœur des belles âmes, de la vanité, de la bêtise, de la férocité ; dans la tête des sociologues : des statistiques ! »
Je conclurai avec les mots de l’auteur :
« La vie manque de style, c’est pourquoi l’art existe, pour que la forme proteste contre le débraillé de nos existences confuses. »
Une lecture « différente » à découvrir !
#Laviedesspectresrentréelittéraire2024 #NetGalleyFrance
Sélectionner parmi la liste du Prix Renaudot 2024, la vie des spectres est une oeuvre grinçante, ironique, déroutant et audacieux.
La chute de Jean, père de famille et journaliste, un homme désabusé, surnuméraire, inattendu, qui se joue des idéologies, des clichés.
Une grande question de fond, une vision démontant le militantisme. De l'humours, une bonne découverte.
Jean Dulac aborde une crise existentielle de la cinquantaine. S’il a publié un roman dans sa jeunesse, il ne parvient pas à finaliser l’embauche d’un autre écrit. Sur le plan professionnel les temps sont durs et il est difficile d’éviter la compromission. Etre pigiste pour une revue culturelle nécessite de ménager la chèvre et le chou. Pour clore le tout, sa femme est en train de le prendre en grippe, bien soutenu par ses copines féministes. Il suffit d’une étincelle pour mettre le feu : l’implication son fils dans la diffusion de sextapes va agir comme un catalyseur de sa déchéance.
Pour pimenter le tout, une curieuse épidémie, dont le remède réjouira le monde de l’édition vient frapper le monde !
J’ai pris beaucoup de plaisir à parcourir ces lignes, qui ne sont pas sans rappeler Le Voyant d’Etampes, d’Abel Quentin en particulier si l’on compare le don de ces personnages à fabriquer des pièges dans lesquels ils tombent allègrement. Et une fois le mécanisme enclenché, aucune sortie de secours n’est possible.
Beaucoup d’humour, qu’il attaque les réflexions féministes des odieuse copines, ou se retourne contre lui-même. Faussement autobiographique (Jean Dulac cite même le roman de Patrice Jean !), le récit ne manque pas de pointer les travers d’une époque complexe et dangereuse.
Une très agréable lecture !
464 pages Cherche midi 22 aout 2024
#Laviedesspectresrentréelittéraire2024 #NetGalleyFrance
Un roman poil à gratter
« Le livre, un divertissement ? Vraiment ? »
Cette question, Patrice Jean la pose à l’intérieur de la vie des spectres. Elle est dans la bouche ou plus exactement la plume du narrateur, Jean Dulac.
Jean Dulac est marié avec Doriane. Ils vivent à Nantes avec leur fils Simon.
Il rédige des chroniques pour Arts&Spectacles, un magazine nantais.
« Sans le recours aux fables et aux minuscules tromperies, la vie en société deviendrait impossible, un genre de fondrière où nous ne cesserions de nous enliser. »
Jean Dulac est également un écrivain. Après un premier roman désormais introuvable, il tente d’en écrire un second : les fantôches.
« La voie suivie, pour l’instant, par Simon confirme ma théorie : il se jette sur toutes les marchandises avec lesquelles le capitalisme mitraille les adolescents pour fusiller leur esprit : réseaux sociaux, modes vestimentaires, films américains, mangas, théories gauchisantes. »
Jean est désabusé : il ne comprend plus le monde dans lequel il vit. Il ne comprend plus les siens, ni sa femme, ni son fils. Il quitte le domicile familial, divorce. Il se réfugie dans le petit appartement de son adolescence où il discute avec un mort…
« Quand la critique de l’abêtissement passe pour une facilité réactionnaire, le capital a définitivement gagné la partie, d’autant que les révolutionnaires d’aujourd’hui, loin de me rejoindre sur ce point, se complaisent dans le rejet de ce qu’ils appellent une culture bourgeoise, ou une culture patriarcale, ou même une culture blanche. »
Philosophe à ses heures et grand amateur de littérature, Jean est mélancolique, dispose d’une vision très pessimiste, lui le militant communiste qui a déchiré sa carte, aux idées récalcitrantes, aux avis tranchés et grinçants, aux propos sarcastiques et acerbes.
« La culture du capitalisme triomphant est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu. Elle est l’opium du peuple. »
L’écriture est ironique, urticante, humoristique, littéraire. Indéniablement bien écrit, la vie des spectres attirera et repoussera. Certains vont grincer des dents, d’autres s’esclafferont et applaudiront. Il initiera de nombreuses conversations en librairies ainsi que dans les salons littéraires.
Parfois un peu long, parfois un peu lourd, parfois un peu répétitif, parfois un peu lassant, il demande de l’attention et ne répond clairement pas à la définition du « tourne page » ou de la lecture facile.
« J’écris le genre de choses que j’aime lire ; je m’expérimente, je joue avec des sensations, avec des idées ; si jamais des lecteurs s’intéressaient à ça, j’en serai ravi mais ce serait un pur hasard, presque un miracle. »
Point de hasard, Patrice Jean mérite d’être lu. Le miracle serait que la vie des spectres vous laisse de marbre. Nous sommes certains du contraire, que vous le terminiez ou l’abandonniez en cours de route.
La vie des spectres est lauréat du Prix Maison Rouge 2024.
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