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Sur la lancée de ses études de mathématiques à Cambridge, Natasha Brown a fait carrière dans la finance, avant, la quarantaine approchant, de prendre un congé pour écrire ce livre. On y découvre son manifeste alter ego : une narratrice noire d’origine modeste, elle aussi diplômée de la prestigieuse université britannique, hissée à la force du poignet au rang d’analyste financière gagnant grassement sa vie à la City et de petite amie d’un héritier blanc de la haute bourgeoisie anglaise. Mais voilà que l’annonce d’un cancer agit comme un détonateur dans cette vie jusqu’ici toute entière menée par l’obsession de l’intégration et de la réussite sociale. Elle qui, à force « de labeur et d’huile de coude » et dans un « dépassement sans fin », n’a eu de cesse de se fondre dans les mœurs et les codes de la société britannique, ouvre soudain les yeux : « Je suis tout ce qu’on m’a dit de devenir. Ça ne suffit pas. »
Et, tandis que taisant ses soucis de santé, elle se rend à la garden-party guindée organisée par la famille de son petit ami, celle que l’on présente avec condescendance comme « la nouvelle bonne amie de notre benjamin » se prend intérieurement, dans une colère froide mêlée d’angoisse et de lassitude, à ausculter les fêlures cachées sous son sourire, toutes ces fissures qui rendent si fragile l’assemblage qu’elle est devenue pour se faire accepter – « Sois la meilleure. Travaille plus, travaille mieux. Dépasse toutes les attentes. Mais aussi, sois invisible, imperceptible. Ne mets personne mal à l’aise. Ne gêne personne. N’existe qu’au négatif, dans l’espace alentour. Ne t’insère pas dans le courant de l’Histoire. Ne te fais pas remarquer. Deviens de l’air » – et qui, en fin de compte, n’a jamais servi qu’à la rendre « plus tolérable », irrémédiablement en butte à un racisme diffus et pernicieux la faisant se sentir illégitime et étrangère, comme si elle n’était pas britannique à part entière.
Au travail, elle est d’abord synonyme de diversité, de cette diversité bien comme il faut qui assied la « crédibilité progressiste » de son entourage et dont elle doit contribuer à la promotion par des conférences dans les écoles tout en supportant les réflexions : « C’est tellement plus facile pour vous les Noirs et les Latinos. » Ravies d’un tel alibi, les bonnes consciences se félicitent d’y voir la grandeur si magnanime de l’Angleterre, surtout que – pour une Noire ? – elle « parle si bien ! » Dans le même temps, la rue lui crache du « putain de n***sse » et le personnel d’Heathrow la renvoie d’office au check-in classe éco. Alors, soudain fatiguée, elle résume ainsi sa situation : « Née ici, de parents nés ici, jamais vécu ailleurs – pourtant, jamais d’ici. »
Entre observation clinique et introspection fiévreuse, la narration abrupte et morcelée s’assemble autour de cette femme noire que son quasi anonymat – d’elle, on ne connaîtra rien de personnel, même pas un prénom – transforme en figure emblématique pour dénoncer l’indécrottable hypocrisie d’une société britannique terriblement fermée malgré les beaux discours : « Toujours, cette pression, pile à cet endroit. Assimilez-vous, assimilez-vous… Dissolvez-vous dans le melting-pot. Puis coulez-vous dans le moule. Pliez vos os jusqu’à ce qu’ils craquent, se fendent, jusqu’à ce que ça rentre. Forcez-vous à épouser leur forme. (…) Et toujours, en ligne de basse, sous le vocabulaire insistant de la tolérance et de la convivialité – disparaissez ! Fondez-vous dans la soupe multiculturelle de Londres. »
La lucidité dure et désabusée de ce texte douche tout espoir du revers de ses phrases implacables : ce sont désormais d’invisibles – mais tout aussi infranchissables – parois de verre que, de façon insidieuse et très politiquement correcte, le racisme use aujourd’hui en Angleterre. Un livre qui fait mal, tant il paraît désespéré.
Assemblage est un bon titre pour ce texte-récit. Des paragraphes vont nous raconter la vie, le quotidien professionnel, personnel d'une jeune femme anglaise d’origine jamaïcaine, issue d’une famille modeste. Après de brillantes études dans une université réputée, elle obtient un poste dans la finance et travaille à la City. Elle vit dans un bel appartement et a un petit ami issu de l’aristocratie britannique. Ce tableau idyllique est remis en question lorsque, invitée à une garden party dans sa richissime belle-famille qu’elle rencontre pour la première fois, elle s’interroge sur sa réussite sociale et sur ce que cela dissimule.
Ce texte parle très bien de déterminisme social, peut on changer de classe sociale si simplement. Bien sûr, notre narratrice a réussi professionnellement, elle vient d'avoir un poste prestigieux dans la banque d'affaire (même si elle subit des commentaires sexistes et racistes, une promotion car femme et faisant partie d'une minorité), personnellement. elle vient d'acquérir un bel appartement dans un beau quartier et est fiancé avec un anglais de souche aristocratique (mais est ce une simple touche d'exotisme dans sa future belle famille).
L'air de rien, sans pathos, l'auteure nous parle de la société anglaise, de l'histoire des colonies et de l'empire anglais (Née en Angleterre, pourquoi doit elle refaire ses papiers pour justifier la nationalité de ses parents), de la place des femmes dans de hauts postes de responsabilité (grâce au quota ??!!). Par petites touches, ce texte nous questionne sur le rapport entre les êtres, sur l'histoire des colonies des empires et de cette histoire déniée, non racontée.
C'est aussi un beau portrait d'une femme, qui doit au quotidien se battre, prouver ses valeurs, subir des réflexions racistes, sexistes? Des comportements du quotidien qui font mal (pourquoi ne pourrait elle pas être en classe business plutôt que diriger vers la classe éco, les réflexions d'un jardinier de ses beaux parents alors qu'elle souhaite se balader tranquillement..)
Un texte bref mais efficace.
#Assemblage #NetGalleyFrance
Belle illustration de ce que le racisme, la misogynie et le mépris de classe produisent sur les corps et les esprits ; "Assemblage" se passe en Angleterre progressiste (tu parles !) mais ça pourrait être ailleurs, sous n’importe quel ciel où la peau noire n’est pas supposée accéder à la réussite sociale blanche.
Avec Annie Ernaux et Edouard Louis, la littérature française s’interroge crûment sur les transfuges de classe et ce que signifie l’ascension sociale, Natasha Brown fait de même en Angleterre, de façon moins frontale mais aussi mordante.
Un roman dérangeant et salutaire qui fait s’interroger sur ce que nous projetons sur les autres, sur ce qu’ils projettent sur nous, sur nos biais, nos représentations...
Pas mal du tout le thème, une amie me l'a recommander ,vraiment le thème est pas mal ,un choix affaire pour une prochaine lecture super
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