"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
https://bookshowl.blogspot.com/2021/01/la-derniere-geste-tome-1-dans-lombre-de.html
Ce livre m'attirait depuis longtemps à cause du mélange France/Japon qui se dégageait de la couverture et du résumé, un mélange qui peut être dangereux et vite tourner au ridicule s'il n'est pas bien maîtrisé mais qui, heureusement, est absolument génial ici !
On comprend rapidement que l'univers dans lequel nous plonge l'auteure est une uchronie : la France est restée une monarchie et a des relations privilégiées avec le Japon dont elle est très proche. Dès les premiers paragraphes, nous découvrons aussi qu'aux humains se mêlent différentes créatures inspirées du folklore, un peuple féérique persécuté, contraint à se cacher pour ne pas finir esclave des humains.
J'ai énormément aimé le début du livre. Nous suivons Yuri Nekohaima, une jeune noble qui va devoir quitter le Japon pour retrouver son père ambassadeur qui lui a demandé de le rejoindre à Paris. Pour cela, elle va devoir emprunter l'Orient Express, un train exceptionnel de plusieurs kilomètres de long qui relie l'orient et l'occident. Ce train et sa micro société m'ont fasciné, j'aurais adoré passer tout le livre en compagnie de l'équipage et en apprendre encore plus sur ce train.
Mais après quelques péripéties, Yuri et ses deux gardes du corps arrivent enfin à Paris et la princesse se rend très vite compte que son père l'a faite venir car il a pris des décisions sur son avenir, des décisions qui ne vont pas lui plaire. Lorsque la possibilité de s'enfuir lui est offerte, Yuri ne va pas y réfléchir à deux fois et va se retrouver dans les égouts de Paris, au milieu d'une société où les humains et les fées cohabitent dans le secret.
J'ai trouvé les débuts de la princesse dans les égouts un peu longs. Cette société va à l'encontre de toute son éducation, elle va devoir s'habituer, prendre sur elle et s'adapter à faire tout le contraire de ce qui lui a été appris. J'ai fini par un peu me lasser de voir la princesse s'étonner et être choquée de tout mais heureusement d'autres personnages finissent par prendre presque autant de place que Yuri, notamment grâce à la façon dont est écrit le livre, changeant très souvent de scènes et suivant de nombreux personnages différents (parfois de façon très mystérieuse !) au cours d'un même chapitre.
J'ai aussi parfois eu du mal avec les aspects mystiques qui selon moi décrédibilisent l'univers plus qu'autre chose mais ce livre est vraiment fascinant, tolérant (sans que cela devienne lourd !), les personnages sont tous très attachants et l'imagination de l'auteure est vraiment géniale ! J'ai également totalement adoré le côté trilingue du livre, nous avons des dialogues entiers en anglais et quelques mots en japonais romaji qui ne sont pas traduits et j'ai trouvé ça dingue ! Ca donne une profondeur et une réalité vraiment poussée au récit.
La fin de ce premier tome est un gros coup de poing qui remet plus ou moins le récit à zéro, ce qui peut être un peu frustrant, mais personnellement j'ai aimé que l'auteure ne prenne pas de pincettes et ose ! J'ai vraiment hâte de lire la suite, surtout que d'après le titre, L'héritage du rail, il est fort possible que le récit se concentre sur l'Orient Express dont j'ai adoré la société !
J’ai toujours du mal à parler des tomes de saga, c’est compliqué de trouver comment en parler sans trop divulguer d’informations et sans se contenter de répéter ce que l’on a dit du premier tome. Dans ce cas-ci, il est surtout question de remettre en avant une saga coup de coeur. Une chose n’est pas coutume, j'ai enchainé les deux premiers tomes et c'est important à noter car ça ne m'arrive presque jamais. Comme pour le 1er tome, c’est un coup de coeur.
La princesse Yuri se retrouve comme le titre le laisse penser dans un train. C’est l’occasion de découvrir le fonctionnement du rail en tant que moyen de transport mais aussi en tant que puissance en soi. Je suis très contente d'avoir pu en savoir plus sur le rail dont l’apparition dans le premier tome m’avait laissé sur ma faim.
Encore une fois, la situation de départ est assez simple et au fur et à mesure, toute la densité et le foisonnement se mettent en place. L'univers continue à se complexifié mais c’est tellement bien amené qu'il reste très accessible. C'est même impressionnant d'avoir réussi à ne jamais perdre les lecteurs malgré tous les concepts et personnages qui cohabitent et le tout en restant en littérature jeunesse. La dernière geste est une saga où se recoupent différents genres de l'imaginaire. C'est une uchronie, la répartition des puissances est complètement réévaluer et c'est palpitant de suivre les aspects politiques. L'esthétique colle au steampunk. La présence de différentes espèces/créatures issues de folklores variées ainsi que la magie rapproche le texte de la fantasy. On découvre toujours plus de personnages qui sont toujours tout aussi attachants et denses.Tous les personnages même les plus mineurs sont consistants. On les aime tous entre ceux qu'on apprécie vraiment et ceux qu'on adore détester, aucun ne laisse indifférent. Je trouve cette galerie de personnages vraiment aux petits oignons. Ils sont truculents, attendrissants, complexes… J'en dis très peu car c'est le genre de texte qu'il est bon de découvrir en se laissant porter. Ce tome est un régal. J’aurai bien enchainé avec le tome 3 mais j’essaie de le garder pour me rapprocher de la publication de la suite.
Dans l’ombre de Paris, est incontestablement une des mes meilleures lectures de 2021 et comme souvent avec les gros coup de coeur l’écriture d’un avis argumenté est compliqué et on recule la rédaction. La princesse Yuri arrive à Paris pour apprendre qu’elle doit se marier au prince héritier du royaume. A l’aide de sa potentielle belle-mère, elle fuit et découvre tout un monde caché dans les égouts. Si le point de départ est assez simple à expliquer, toute la densité et le foisonnement qui suivent rendent la tache plus ardue. L’univers est à la fois complexe mais tellement bien amené qu’il reste très accessible. C’est même impressionnant d’avoir réussi à ne jamais perdre les lecteurs malgré tous les concepts et personnages qui cohabitent et le tout en restant en littérature jeunesse. La dernière geste est une saga où se recoupent différents genres de l’imaginaire. C’est une uchronie, la répartition des puissances est complètement réévaluer et c’est palpitant de suivre les aspects politiques. L’esthétique colle au steampunk. La présence de différentes espèces/créatures issues de folklores variées ainsi que la magie rapproche le texte de la fantasy. Tous les personnages même les plus mineurs sont consistants. On les aime tous entre ceux qu’on apprécie vraiment et ceux qu’on adore détester, aucun ne laisse indifférent. Je trouve cette galerie de personnages vraiment aux petits oignons. Ils sont truculents, attendrissants, complexes… J’en dis très peu car c’est le genre de texte qu’il est bon de découvrir en se laissant porter. Juste une chose pour essayer de vous convaincre de le lire : j’ai enchainé avec le tome 2 et c’est important à noter car ça ne m’arrive presque jamais.
J’ai très longtemps (trop, sans aucun doute) été une lectrice très solitaire : durant toute mon enfance, puis mon adolescence, la lecture était mon seul et unique refuge, mon petit jardin secret que je ne souhaitais partager avec personne d’autre, fuyant la solitude en m’y enfonçant plus encore. Tout au plus je concédais un petit « j’ai bien aimé » à la professeure documentaliste quand je venais rendre le roman emprunté la veille et dévoré d’une traite (officiellement durant la nuit, en réalité durant le cours d’histoire), ainsi qu’un plus petit encore « t’as qu’à lire ça, c’est bien et court » lorsqu’un autre élève me demandait quel livre il devrait choisir pour la « lecture libre » du cours de français. Ce n’est qu’en arrivant sur Livraddict, et plus encore en m’inscrivant sur de très (trop) nombreux challenges que j’ai commencé, par la force des choses, à rédiger un petit avis à destination des autres participants … ainsi qu’à lire les leurs, d’abord par simple curiosité, puis ensuite (lorsqu’il est avéré que nos gouts étaient identiques, ou tout du moins drôlement similaires) pour nourrir mon insatiable wish-list et ma monstrueuse pile à lire. Et, chemin faisant, les échanges sont devenus de plus en plus, fournis, et j’ai commencé à prendre un grand plaisir à confronter nos points de vue, à recommander certains livres, et aussi à me laisser recommander des livres par les autres. Et ce qui est merveilleux, quand on a des amis qui ont des gouts à la fois très similaires et un tantinet différents des nôtres … c’est qu’on est parfois amené à oser découvrir des livres qu’on n’aurait assurément même pas daigné regardé autrement !
Depuis son plus jeune âge, Yuri a toujours été celle que son père, le noble, puissant et respecté Ambassadeur de l’Empire japonais, voulait qu’elle soit : la plus irréprochable de toutes les petites princesses, stoïque, majestueuse et docile en toutes circonstances. Désormais âgée d’une vingtaine d’années, la jeune fille excelle dans l’art de peser ses mots, ses gestes, ses regards, ses silences, et évolue dans les plus hautes sphères de la Cour impériale avec une aisance savamment travaillée qu’elle s’efforce de rendre la plus naturelle possible. Appelée à Paris par son père, qu’elle n’a pas vu depuis de très nombreuses années, la troisième dame du Japon ne tarde pas à comprendre la raison de ce voyage imprévu : la voici promise au jeune et arrogant Louis-Philippe, héritier du Trône de France … Sans la consulter, son père a fait d’elle la future femme la plus puissante du Monde, du moins en apparence : dans son monde, les femmes n’ont pas d’autre puissance que de donner un héritier à leur respectable époux. Le cœur brisé par la trahison de la seule personne à qui elle avait accordé sa pleine et absolue confiance, Yuri ne laisse toutefois rien paraitre de la tristesse, de la colère, du dégout que lui inspire cette union à venir : comme la parfaite petite princesse qu’elle est, elle se doit de se marier avec celui que son père a choisi pour elle, elle se doit d’honorer le nom de son illustre famille, elle se doit d’être l’épouse irréprochable et soumise qu’on attend qu’elle soit. Mais voilà qu’on lui propose une autre voie, celle du choix et de la liberté … mais aussi de l’inconnu et peut-être même du danger ….
S’il me fallait résumer en un seul mot ce roman, le plus juste serait sans aucun doute « fascinant » … et tous ses synonymes : captivant, passionnant, charmant, envoutant, séduisant, ravissant. Cela commence dès le prologue, mené d’une main de maitre : d’un côté, la jeune princesse à qui l’on déroule le tapis rouge, de l’autre, la fée, l’animal sauvage qu’on n’hésite pas à maltraiter sans le moindre état d’âme. Séparées par des milliards de mondes … mais profondément liées par leur servitude. Car Yuri a beau être l’une des jeunes femmes les plus puissantes du monde, elle est loin, très loin d’être libre : comme toutes les jeunes femmes de sa condition, de son milieu, de son rang, elle n’a d’autre avenir que d’être mariée au meilleur parti possible pour nouer des alliances diplomatiques avantageuses et de donner à son puissant époux un héritier et une ribambelle de petites filles à marier à leur tour … Je dois bien l’avouer, s’il avait été dressé un peu plus longuement, le portrait de cette société patriarcale aurait fini par m’agacer : ceux qui me connaissent le savent, je ne supporte pas les romans dans lesquels les revendications militantes prennent le dessus sur l’intrigue, dans lesquels l’histoire n’est finalement plus qu’un prétexte pour assener des messages pas discrets du tout. L’espace d’un instant, je dois bien le reconnaitre, j’ai eu terriblement peur que ce roman sombre dans cet odieux travers … fort heureusement, malgré quelques passages un peu trop orientés, mes inquiétudes ont rapidement été balayées : l’autrice ne camouflait pas un manifeste féministe derrière un simulacre de récit, elle nous offrait bel et bien une histoire, une véritable histoire.
Et quelle histoire ! Quelle épopée ! Rares sont les romans à toucher aussi profondément le lecteur dans tout son cœur, toute son âme, tout son être : ouvrir ce roman, c’est un peu comme se laisser envahir par la puissance d’une symphonie déchainée, par la fureur d’un ouragan mélodieux. Cela commence comme une valse, lente et régulière : on sait à quoi s’attendre, ou du moins le pense-t-on jusqu’à ce que notre partenaire s’autorise une petite folie aussi audacieuse qu’inacceptable, qu’on ne s’autorise pas à apprécier pleinement car on ne songe qu’aux « qu’en dira-t-on ? ». Une jeune noble, très noble, marche vers son destin comme un condamné vers l’échafaud : persuadée qu’elle n’a aucun moyen d’échapper à ce mariage, à son devoir. S’interdisant obstinément de rêver à une autre existence, mais ne pouvant s’empêcher d’admirer très secrètement la Capitaine Trente-Chênes. Et puis, la mélodie s’emballe soudainement : revirement. Sans réfléchir, la princesse accepte une scandaleuse mais si séduisante proposition, et fuit ses responsabilités, fuit sa prison dorée. Elle attrape au vol la main de la liberté, sans savoir ce qui l’attend au terme de cette folle échappée. Commence alors la plus virevoltante des balades des temps anciens : aux côtés de la princesse volontairement déchue, le lecteur découvre littéralement un autre monde. Celui des rebuts, des reclus, des exclus : bien planqués dans les sous-sols de la ville, survivent tous ceux à qui on ne veut reconnaitre le droit de vivre. Tous ceux qui sont trop différents, qui « bouleversent l’ordre établi ».
Sans grande surprise, car c’est une situation relativement classique dans la fantasy, notre jeune princesse va éprouver quelques … difficultés à se fondre dans cette nouvelle masse. Même avec toute la bonne volonté du monde, il est bien difficile de se détourner, de s’arracher, aux conditionnements de notre éducation. Même avec toute la force de caractère du monde, il est bien difficile de tirer un trait, de faire table rase de tout ce qu’on nous a profondément inculqué, de laisser s’effondrer toutes les certitudes sur lesquelles notre existence toute entière a été bâtie. Tout l’enjeu de ce premier tome est là, finalement : laisser le temps à Yuri de remettre en question tout ce qu’on lui a appris, tout ce qu’elle tenait pour acquis. Et cela ne se fait pas en un claquement de doigts, ne se fait pas sans douleur, sans heurt. Un pas en avant, deux pas en arrière. Un pas d’un côté, un pas de l’autre côté. Comme une danse tout en hésitation, toute en retenue. Au premier abord, on a le sentiment qu’il ne se passe pas grand-chose dans ces quelques cinq-cents pages : la fantasy traditionnelle nous a habitués à bien plus de rebondissements, de mouvements. Mais ici, point d’épiques péripéties. La quête est d’autant plus ardue qu’elle est intérieure : ce n’est pas le monde que Yuri doit changer (pas encore), mais bien elle-même. Elle doit changer son regard, changer son cœur. Elle doit lutter contre elle-même, et c’est peut-être la bataille la plus difficile à gagner : car il n’y a pas de retour en arrière possible … le changement est irréversible. Elle ne sera plus jamais la même.
Comme la différence, le changement fait peur. Surtout dans le milieu de Yuri, englué depuis toujours dans une vision du monde datée et étriquée : fermement attachée à ses privilèges, comme une moule à son rocher, la noblesse voit d’un très mauvais œil tout ce qui risquerait d’ébranler leur supériorité, de toucher à leur petit confort. Alors on méprise tout ce et tous ceux qui compromette la pérennité de leur petit univers. Alors on se met des œillères pour se convaincre qu’on a raison d’agir comme on agit. Alors on met des œillères à nos enfants pour qu’ils perpétuent le système. Mais voici qu’une fausse note brise l’harmonie si durement acquise, voici que la cage a été ouverte de l’intérieur, voici qu’un petit oiseau encore assez jeune pour apprendre une autre mélodie prend son envol. Doucement, mais sûrement. Aussi surprenant que cela puisse paraitre, il va falloir du temps à Yuri pour apprivoiser, et plus encore apprécier, cette liberté qu’elle n’avait jamais goutée jusqu’alors. Elle ne s’était même pas rendu compte qu’elle avait soif de liberté avant de savoir ce que c’était … Mais les belles choses ne durent jamais bien longtemps : les chasseurs n’aiment pas les petits oiseaux chanteurs en liberté, sans doute car eux-mêmes n’ont pas le courage de les suivre. Jaloux des petits oiseaux qui jouissent d’une liberté qu’ils n’ont pas, ils préfèrent briser les ailes des petits oiseaux que d’ouvrir les leurs. Que le cœur de l’homme est prompt à se laisser contrôler par la jalousie, la rancune, la haine ! Voici que s’élève un chant martial et vengeur, promesse de destruction, de mort et de pleurs … Et quand sonne la trompette de la victoire, les oiseaux sont réduits au silence. Dans leur cage, à nouveau.
En bref, vous l’aurez bien compris, le moins que l’on puisse dire, c’est que j’ai été non seulement agréablement surprise, mais bien plus émerveillée et époustouflée par ce roman auquel je n’aurai sans aucun doute jamais prêté la moindre attention si une amie chère ne me l’avait pas offert, et si je n’avais pas fait aveuglément confiance en son jugement. Dire que j’aurai pu passer à côté de ce coup de cœur sans elle : je ne la remercierai jamais assez de m’avoir évité cette triste perspective ! Car j’ai vraiment été bluffée par ce roman qui ne ressemble à aucun autre : c’est de l’art, du grand art même. Avec une maitrise parfaite, l’autrice nous entraine dans une épopée des plus poignantes, des plus saisissantes : on se laisse porter par le récit, comme on se laisse bercer par une mélodie. On tremble, on rit, et on pleure avec les personnages : ce qu’ils vivent, on le vit. Parce que ce qu’ils vivent, c’est ce qu’on vit. C’est la joie, la peine, l’espoir, le doute, le courage, la peur. C’est tout ce qui façonne une vie, car toute vie est ordinaire, toute vie est extraordinaire : chacun à notre manière, nous vivons en réalité tous la même chose. Si différents mais si semblables en même temps. Et c’est vraiment parce qu’on se sent en harmonie parfaite avec ces personnages qu’on est si profondément chamboulé par ce récit, si viscéralement bouleversé par les joies et les peines qui émaillent ce roman palpitant par sa sobriété même. Nul besoin d’un rythme endiablé, quand le chant est si joli …
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