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Ils me sont d’emblée attachants ces romans qui savent inscrire une histoire personnelle dans la grande Histoire. Ici, elle n’est pas des plus connues, ce qu’il advient de l’Indochine pendant la seconde guerre mondiale. Souvenez-vous : l’Axe, Rome-Berlin-Tokyo. Quand Rome et Berlin mettent le feu à l’Europe, Tokyo se charge de l’Asie : la garnison britannique de Hong Kong capitule, les troupes de l’empereur envahissent les Philippines, la Malaisie…, pour l’anecdote “Cent vingt chinois et quelques” sont assignés à résidence dans l’Italie fasciste ( cf. le récit de Thomas Heams-Ogus au Seuil), la France de Vichy collabore avec les Japonais en Indochine.
Le héros du roman est un commissaire de l’état français mais il est gaulliste, le récit couvre la période 41(les Japonais débarquent fin 41) à 45, après que le Japon ait capitulé le 15 août. Dans l’interstice ouvert pendant quatre ans entre Français et Japonais, a prospéré le Viet-Minh… “History as usual” !
Vie et calvaire de la communauté française, maréchalistes et gaullistes, jaunes et blancs, rouges et blancs… dessinent la toile de fond d’une intrigue que relève la connivence retenue de notre héros et d’une belle et jeune Vietnamienne militante trotskyste qu’il protège de la fureur coloniale. Né au Vietnam, Jacques de Miribel signe un premier roman original et prenant d’une honorable facture.
D'abord la grande Histoire.
1940. Saigon. Indochine. L'Indochine c'est la France. La France qui colonise. La France qui collabore.
« La France vous a donné les moyens de vous former le corps et l'esprit dans de saines conditions d'hygiène et de détente. Témoignez-lui votre reconnaissance. »
L'Indochine française ou plutôt la France en Indochine, comme la France de la métropole, idolâtre le lointain Pétain et pactise avec le voisin Japon.
1945, l'Indochine est libérée. « Depuis la capitulation japonaise, il a eu un grand vide. Ce grand vide, le Viet-Minh l'a occupé. »
Voilà pour la grande Histoire.
Et puis, pour la petite histoire, celle racontée par Jacques de Miribel.
Celle de ce commissaire de la police française, gaulliste de la première heure, marié à Clara.
Il va vivre l'Histoire de plein fouet. Aide au débarquement allié, protection dissimulée de nationalistes vietnamiens.
Mais dans les faubourgs de Saigon, Gia Dinh et Binh Thai, le Saigon des petits ateliers, des échoppes couve la fronde anticolonialiste. Saigon la Rouge.
De ce décor de décombres, d'arrestations, d'humiliations, de tortures, va éclore une histoire d'amour impossible entre Phung la belle rebelle et le commissaire colon.
Phung, la nationaliste trotskiste aux « lèvres veloutées ». Phung l'insaisissable. Phung la mystérieuse.
Alors vont s'écrire deux destins : celui d'une passion condamnée et celui d'un pays qui se réveille dans la douleur.
Ce roman d'aventures se lit à bout de souffle. Agrippé aux pages, aux premières loges de l'accouchement sanglant d'une nation, le lecteur chancelle dans la tourmente des passions et des trahisons, des courages et des lâchetés.
Ce livre pourrait avoir une suite cinématographique. Il s’ouvre sur une scène très dure, à jamais ineffaçable : l’exécution d’une femme.
Dans les faubourgs de Saigon, un commissaire joue à souhait l’ambivalence de ses convictions gaullistes et de son masque petainiste. On pourrait penser qu’il est de la race des Justes mais son implication n’est pas totalement désintéressée.
Ce bas monde asiatique ne semble être que guerre, attentats et trahisons. Pourtant sous la propagande et les discours officiels, fleurissent l’idéal humaniste et l’amour.
L’auteur sait susciter l’empathie du lecteur pour le commissaire et sa belle trotskiste ; mais à chaque page, le lecteur retient son souffle tant cet édifice est fragile et peut basculer dans le tragique.
Par un style à la fois simple et envoûtant, Saigon la rouge est un récit bouleversant sur la destinée heureuse ou malheureuse, un plaisir historique, littéraire et romanesque à partager et à ne manquer sous aucun prétexte
Que sait-on de l'Indochine dans les années de seconde guerre mondiale ? J'avoue que je n'en savais rien. Et c'est là que le livre de Jacques de Miribel lève un voile sur l'étrangeté de l'endroit, sur les ombres posées comme autant de paravents sur un monde en suspens.
C'est cet art de l'esquive que nous conte l'auteur, l'esquive d'un homme, commissaire de police, hanté par le souvenir de Phung, cette nationaliste dont il tombe amoureux, hanté par Clara, sa femme qu'il ne sait plus aimer, hanté par la torture qui découpe les âmes.
Tout est écrit comme dans un songe, remémoré bien des années après. Et dans cette écriture ciselée, belle comme le sourire de Phung, alors que notre commissaire aura subi le pire dans les geôles japonaises, il nous restera le souvenir d'un homme qui aura été jusqu'au bout de ses idées, quitte à y perdre sa foi en l'homme.
Un livre tragique et beau, telles les dernières phrases qui sonnent comme un couperet sur l'imbécilité de la guerre.
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