Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Pour la dernière Masse Critique de Babelio de l'année, j'ai eu la chance de remporter ce titre de l'auteur russe, Mikhaïl Chichkine, Михаил Павлович Шишкин, exilé en Suisse, paru chez Les Éditions Noir sur Blanc. Considéré comme l'une des voix les plus importantes de la littérature russe actuelle, il est également un opposant ouvertement déclaré de Vladimir Poutine, n'hésitant pas à communiquer dans la presse étrangère. En 2013, il refuse d'ailleurs de représenter la Russie à la foire internationale du livre « BookExpo America 2013 » aux États-Unis.
Ce titre La paix ou la guerre, directement inspiré de l'oeuvre son condisciple russe Léon Tolstoï, est précédé d'un sous-titre Réflexions sur le « monde russe ». Il s'agit d'une édition remise à jour d'un essai, qui est complétée d'une préface ainsi que d'une postface de l'auteur. Une préface, donc, d'un personnel, de l'homme à la nationalité russe, honteux des exactions de son pays en Ukraine. Car si ces textes existent, c'est d'abord à cause de l'annexion de la Crimée en 2014. S'ils retrouvent une nouvelle voix aujourd'hui, c'est donc par la folie du président qui semble sans limite. Mikhaïl Chichkine présente le but de cet ouvrage, recueil d'essais, qui est celui de présenter son pays depuis le point de vue d'un homme de lettres, d'un homme russe né soviétique, né d'un mariage mixte d'une mère ukrainienne et d'un père soviétique, d'un fils de déporté, devenu lui-même exilé de son pays. La meilleure voix-e qui soit pour éclairer l'occident sur la personnalité de ce pays, et de ce président, qu'il ne parvient pas à comprendre. Je craignais que l'auteur ne s'enfonce dans des explications obscures et alambiquées du premier pseudo-expert de géopolitique venu, mea culpa, les textes sont d'une simplicité et clarté implacables et d'une intelligence rare, j'ai pris beaucoup de plaisir à les lire.
On y trouve une fine analyse de l'histoire russe, de ses dynamiques, car ce qu'il tente de faire, avec succès, c'est d'expliquer, sans jamais justifier, la présence au sommet de l'état de Vladimir Poutine depuis presque vingt-cinq années, accepté et encouragé par une partie non-négligeable de la population russe. Mikhaïl Chichkine joue le rôle de traducteur de cette attitude docile face à l'agressivité d'un président qui grignote un peu plus chaque jour de leurs libertés fondamentales. Ce sur quoi repose l'ensemble des textes et peut-être le malentendu entre occident et orient sur leur propre notion de démocratie, qui diffèrent en tout point. Mikhaïl Chichkine ne passe évidemment pas à côté d'une analyse sur la psychologie et le comportement du président de la Fédération, tout le petit monde des spécialistes en politiques russe y sont allés de leur propre analyse ces dernières années, mais c'est évidemment Mikhaïl Chichkine que j'aurais plus tendance à croire. L'auteur russe a appris à lire derrière les mots de Poutine, il nous donne les clefs pour déchiffrer ce qu'il faut entendre et comprendre derrière la fatuité de sa posture.
Ce recueil d'essais est l'une de mes lectures coup de coeur du mois, l'auteur a un réel talent pour expliquer dans les détails sans complexifier le sujet qui l'est déjà assez, j'ai avalé les pages les unes après les autres sans rencontrer de difficulté particulière : le fait de classer ce recueil dans la catégorie des essais peut inutilement effrayer. On lit une synthèse parfaite de l'histoire russe, de ses liens avec son passé (soviétique et pendant l'invasion tartaro-mongole) qui confère au président russe le surnom de grand Khan. Ce livre apporte les éléments essentiels pour comprendre la Russie à laquelle on a à faire, une clairvoyance et une lucidité, parfois désopilantes, d'un pays qui n'en a visiblement pas fini avec ses dictateurs, qui ne cessent de revenir sur le devant de la scène, au plus grand désespoir de l'auteur. Et comme il est question de guerre, Mikhaïl Chichkine ne manque pas d'aborder cette nouvelle forme de guerre, dont les Russes sont engagés, la guerre des fake-news, une guerre dans laquelle nous sommes engagés, involontairement, par l'utilisation intensive des réseaux sociaux.
La vision de l'auteur sur l'avenir de son pays est assez sombre et pessimiste, il n'y voit d'autres solutions pour sortir de ce bourbier dictatorial, une « heure zéro », c'est-à-dire la remise à zéro de tous ses compteurs, ou « dépoutinisation », ce que la population ne semble pas être prête présentement. L'auteur russe pointe surtout du doigt que Vladimir Poutine a embarqué l'occident dans une guerre qui ne se joue plus sur les terrains minés, les fronts embourbés et les tranchées boueuses, mais sur toutes les sphères d'influence possibles et imaginables avec la haine de l'autre pour moteur. Les affaires Trump, Fillon et celle du financement du Rassemblement National ne manquent pas d'appuyer son propos.
La guerre en Ukraine a ouvert la voie à de nombreuses interventions, dans la presse écrite, à la radio etc, pour comprendre la Russie.
Pourquoi ce vaste état semble-t-il incapable d’avoir un régime démocratique ? Pourquoi les russes soutiennent-ils majoritairement un dictateur ? Pourquoi cette invasion de l’Ukraine ?
À toutes ces questions, des réflexions sont ici amenées parMikhaïl Chichkine, écrivain russe en exil pour avoir dénoncé la première attaque contre l’Ukraine en 2014.
Mikhaïl Chichkine est né d’un père russe et d’une mère ukrainienne. Son grand-père est mort victime de la collectivisation, son oncle est mort pendant la Seconde guerre mondiale. Il a connu le communisme, l’effondrement de l’URSS, les espoirs puis les déceptions suscitées par Eltsine, la montée au pouvoir de Poutine.
Ce livre est composé de textes écrits pour la plupart en 2019. Ils sont terribles car ils constituent autant d’avertissements que l’Europe n’a pas su entendre. L’auteur y dépeint clairement la désinformation, la manipulation, les mensonges et autres assassinats ciblés menés par l’Etat Russe.
La faute à une méconnaissance de la Russie, de la mentalité des russes. Des mots qui ont un sens à l’Ouest et un autre à l’Est.
De cette fameuse âme russe qui fait tant écrire et qui pourtant n’est qu’un rideau de fumée.
De ce peuple qui a appris à survivre face à des régimes autocratiques, de ce peuple dont les éléments éduqués ont été exterminés après la révolution de 1917 ou poussés à l’exil sous l’ère Poutine.
J’ai beaucoup aimé cette lecture que j’ai trouvé très intéressante et accessible. Ce livre permet de mieux comprendre ce qui, de notre côté de la barrière, pourrait sembler incompréhensible.
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