"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Troisième roman de Michel Bouvier chez Gilles Guillon, et dans celui-ci, le commissaire Dewiquet, héros de l'un des précédents rencontrera son homologue Riqueval héros de l'autre.
Après un début un peu long très axé sur la place de la religion à l'époque et dans la région, tout cela à travers l'esprit de Gaston Dewiquet qui doute beaucoup et s'inquiète pour son fils adoptif qui semble tourner bigot et un curé pas très franc du collier -moi, l'anticlérical, je suis à la fois agacé qu'encore une fois, la religion tienne une sigrande place dans les romans de Michel Bouvier et ravi de l'angle pris, celui du doute et du questionnement-, le roman démarre enfin et, comme à chaque fois, je me fais cueillir par la belle langue de l'auteur, travaillée, élégante au risque parfois d'en faire un peu trop et de gêner la bonne compréhension de l'histoire, mais cela s'oublie vite, emporté par l'ambiance un rien surannée, le caractère particulier du policier qui doute beaucoup de lui, de ses croyances, de ses méthodes, de son efficacité, de sa place dans le monde de Marquise...
En plus d'une enquête policière c'est l'histoire d'un homme qui tente de comprendre le monde dans lequel il vit qui change au tournant de deux siècles : on commence à parler de révolte ouvrière, de patrons qui optimisent leurs gains, des femmes qui sont encore très soumises à leurs maris mais certaines commencent à revendiquer une place dans la société, de l'église qui perd peu à peu de son poids sur les hommes (tant mieux)...
Bon roman policier et en outre, très belle couverture.
Michel Bouvier, je le lis depuis Lambersart-sur-Deuil, paru en 2012 et dernièrement dans L'émasculé du Cran-aux-Œufs , lui aussi chez Pôle Nord, et à chaque fois, je me régale avec son écriture. Cette fois-ci encore, avec ce roman policier édité dans la collection Belle époque, qui est un délice pour les oreilles si l'on lit à voix haute et globalement pour tout le corps et l'esprit. Si j'ôte de mes louanges une double faute (pléonasme p.26 "... les histoires qui vont s'avérer vraies" et oxymore p.289 "... la seule piste que nous avions s'avère fausse."), le reste est succulent. Un roman policier littéraire qui enchaîne les tournures certes parfois désuètes, mais qui collent à l'époque décrite, les imparfaits du subjonctifs qui coulent exquisément, les dialogues et réparties tout en finesse, comme la première rencontre avec la sœur de la veuve :
"- Votre beau-frère était un homme unanimement estimé. N'auriez-vous pas, cependant, pu remarquer quelque chose de moins admirable en lui ? Une faiblesse cachée qui pourrait nous conduire à comprendre que quelqu'un eût pu lui en vouloir jusqu'à souhaiter sa mort ?
- Il y a du mystère en chacun de nous. Mais de ce mystère, c'est justement ce dont les plus proches ne savent souvent rien, sinon, serait-ce un mystère ?" (p.90)
Ah, je me pâme, je me régale, de lire un roman policier à contre courant, qui fait de cette si jolie langue son attrait principal. Et là de me dire que je n'ai parlé que de la belle écriture de Michel Bouvier et point de son intrigue, de son histoire, que dis-je de ses histoires tant il en mêle, pour, là aussi, notre plus grande joie. Sous son air bonhomme, le commissaire Riqueval est une fine mouche qui saura délier les fils parfois très emmêlés des événements, des confessions des uns et des autres. C'est également un homme de son temps qui se pose des questions très actuelles sur la condition féminine, sur la place des femmes dans la société et celle des hommes dans l'éducation des enfants, des filles notamment puisqu'il en a trois avec Albertine.
Bath roman dans une chouette livrée orangée. Beau travail de cet éditeur nordiste, Pôle Nord-Gilles Guillon.
Pôle nord éditions est une jeune maison créée en 2013 à Lille. Sa collection Belle époque de laquelle est tirée cet ouvrage a pour cadre le littoral nordiste et picard aux alentours de 1900.Michel Bouvier écrit le numéro 6 de la série. Michel Bouvier, je l'ai déjà lu avec bonheur, deux fois : Lambersart-sur-Deuil et Le silencieux. Cette fois encore, il aborde ses thèmes de prédilection : la bourgeoisie nordiste, le monde ouvrier et la difficulté de passer de l'un à l'autre (ce dernier aspect étant moins présent mais fort naturellement puisque les deux mondes ne se mélangent pas, n'en ont même pas l'idée, au contraire des deux romans précédents, contemporains dans lesquels le passage du monde ouvrier à une classe sociale plus haute est si ce n'est plus aisé au moins envisageable). Michel Bouvier parle aussi de religion, de sa présence voire son omniprésence en cette fin de XIXe siècle, je pourrais même dire sa dictature tant elle forme les esprits et dicte les actes. Contrairement à ses romans précédents, le romancier se fait plus critique vis-à-vis de l'église et de ses principes et peut même pousser à de belles réflexions sur l'amour humain, sur l'humanité, la fraternité, ... "Il ne songeait pas seulement que ces hypothèses nouvelles sur les origines de l'homme entraient en contradiction avec ce qu'il avait appris au catéchisme, à quoi il avait cru naïvement et qu'il croyait encore obscurément, que l'homme avait été créé par Dieu à son image et placé dans un merveilleux jardin à l'Orient d'un monde parfait. Il ne se rendait pas compte que son incapacité à sortir de ses interrogations venait sans doute de la cohabitation dans les couches profondes de son esprit de ces deux convictions contradictoires : l'homme est sorti parfait des mains de Dieu ; le criminel obéit à des pulsions mauvaises qui remontent à l'origine obscure de l'homme." (p.71/72)
L'intrigue de son roman policier est servie par une langue soignée, travaillée et qui est un plaisir à lire et à dire. De belles longues phrases, profondes qui vont au cœur des personnages, Gaston Dewiquet en particulier. Elles décrivent aussi admirablement les lieux, le temps, les nuages... C'est bourré de beaux mots, de vocables locaux également, d'imparfaits du subjonctif -j'en vois qui frétillent en lisant cela. C'est un roman policier que l'on lit lentement, d'abord pour profiter du style et parce que les longues phrases incitent à la lenteur ; on colle au plus près au rythme du policier et de sa jument Soyeuse qui le mène sur les chemins et routes du nord. C'est assez rare de lire des romans policiers dans un style aussi particulier, ils vont souvent vite, sont argotiques, rapides, parfois insipides sauf leur intrigue. Les polars de Michel Bouvier, on les lit d'abord pour son écriture et le reste vient ensuite naturellement, sans forcer, tout coule admirablement.
Jean Clément vient d'être assassiné. Son ex-femme, Catherine est arrêtée par le capitaine Maugrart de la police de Lille qui ne sait pas trop quoi penser d'elle, sauf qu'il ne la croit pas coupable mais qu'il est certain qu'elle lui cache des choses importantes pour son enquête. Sophie, la fille de Catherine est choquée par cette arrestation, elle ne peut se l'expliquer.
J'ai lu et bien aimé les deux romans précédents de Michel Bouvier qui sait allier sens du rythme, personnages bien croqués et surtout une belle plume. Du polar littéraire (cf. le très beau Lambersart-sur-Deuil et Le silencieux). Pour ce troisième polar, tout partait très bien. J'y retrouvais cette belle langue qui me plaît et les deux narrateurs aux formes de discours très différentes, ça me plaisait aussi. Quelques descriptions rapides et excellentes "... Mme Chausson, une espèce de grande dinde toujours parée pour Noël, a fait les yeux ronds de celle qui débarque d'un voyage en Chine et n'a répondu que des sottises de mère poule offusquée." (p.21). Le rythme, lent, collait parfaitement aux méthodes du capitaine Maugrart. Et puis au bout d'un moment j'ai décroché, même les belles longues phrases ne m'ont pas retenu.
Je suis désolé M. Bouvier, j'aurais tant aimé retrouvé en ce roman ce que j'avais trouvé dans les autres. Je note de manière positive votre changement de style, dans la continuité, avec un langage plus oral et plus familier pour Sophie, des anglicismes francisés -j'aime beaucoup, ça fait très Queneau- "ticheurte", "djinne", mais cela n'a pas suffit. Néanmoins, malgré cet échec de lecture, je vous relirai avec grand plaisir, du polar littéraire ce n'est pas tous les jours qu'on en a sous la main.
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