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De Maria Messina, née à Palerme un 14 mars vers 1880 - les revues et les almanachs littéraires ne donnaient pas l'âge des femmes écrivains, à l'époque ; et même d'Annunzio, passé un certain âge, refusa d'avouer le sien -, on ne trouve nulle trace dans les histoires de la littérature du XXe siècle. Rien d'étonnant à cela : la distraction ou, plus poétiquement, l'oubli agissent à la façon du lierre et recouvrent certains noms, voire des pans entiers de notre histoire civile et littéraire. Ce qui nous étonne davantage, c'est que malgré les revendications féminines et féministes d'aujourd'hui, malgré les tentatives de reconstitution, à partir de textes de femmes, de la condition féminine à travers le monde et particulièrement en Italie du Sud, ses nombreux livres et même son nom soient restés totalement ignorés.
En 2020, lire cette œuvre en parue en 1921 à une résonance encore certaine dans le monde d'aujourd'hui.
La place de la femme dans sa famille, ses devoirs imposés par une société d'hommes, ses désirs et rêves totalement étouffés par la volonté oppressante des désirs de l'homme.
A remettre entre les mains de chaque femme car c'est un appel à se battre encore et toujours pour sa liberté de penser, d'agir et de vivre selon ses propres envies et besoins.
Dans ce recueil de nouvelles, Maria MESSINA révèle son art de l'ellipse, laissant sa part d'interprétation aux lecteurs. Sa sensibilité y est toujours aussi fine, s'attachant à brosser des portraits poignants, tragiques parfois, d'une société italienne très conformiste.
Maria Messina a fait une force de sa « faiblesse » : elle était une femme à une époque et dans un pays où les femmes n'étaient pas des être humains comme les autres.
Ce qu'elle donne à voir dans La maison dans l'impasse, paru en 1921, c'est justement l'impasse d'un type de société dont nous tentons encore de sortir. On parlerait aujourd'hui, à propos des personnages de ce roman et de ce qui se trame dans le secret de la maison de l'administrateur de biens, Don Lucio Carmine, de violences conjugales ou de perversion narcissique. Mais les vocabulaires de la loi et de l'univers « psy » ont cette défaillance par rapport à la littérature qu'ils schématisent.
Maria Messina, avec cette fragile simplicité de style qui la caractérise, sait rendre la complexité des êtres et des situations. Le tableau de cette famille italienne n'est pas juste un constat, ou le récit d'un fait divers sur lequel un auteur aurait plaqué à bon compte l'appellation « roman ». Maria Messina transforme une réalité sociale en matière littéraire, et ce faisant, dénonce avec encore plus de force et de profondeur, non pas le comportement d'un homme ou l'histoire d'une famille, mais les fondements de la famille italienne et du statut des femmes. Avec un art de l'ellipse qui donne à chaque scène sa mesure « de beauté, d'horreur et de douleur », comme elle le disait elle-même, elle nous ouvre les portes de l'atmosphère sombre, oppressante jusqu'à l'étrangeté, que dissimulent les murs de cette maison respectable.
L’œuvre de Maria Messina, tombée dans l'oubli, fut redécouverte au milieu des années 1980. La maison dans l'impasse n'a pourtant plus été rééditée depuis 1986 et il faut recourir aux sites de ventes d'occasion pour trouver ce livre. Voici pourtant ce qu'écrivait à l'époque Leonardo Sciascia en avant-propos du livre : « Ce qui nous étonne davantage, c'est que malgré les revendications féminines et féministes d'aujourd'hui, malgré les tentatives de reconstitution, à partir de textes de femmes, de la condition féminine à travers le monde et particulièrement en Italie du Sud, ses nombreux livres et même son nom soient restés totalement ignorés. »
Maria Messina aurait dû connaître le destin des femmes de sa génération, cantonnée à la broderie, à tenir la maison et servir un mari qu'elle n'aurait pas choisi. C'est l'écriture qui la libéra de cette vie toute tracée. Elle s'en souvint toujours, en consacrant ses textes à parler des petites gens, des plus faibles, des femmes bien sûr.
A ce titre, j'aimerais tellement que Maria Messina soit rééditée, connue, et reconnue durablement cette fois. Trente-deux ans plus tard, j'aimerais tellement que ce ne soit pas son œuvre qui reste dans l'impasse.
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