Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
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Comment est née la renommée de la cuisine française ? Voilà une question à laquelle peu de personnes pensent, alors que l’on y fait régulièrement référence... Certes, nous savons que Bocuse, Escoffier et bien d’autres ont participé à son rayonnement, mais ils n’étaient pas les premiers et n’ont fait que suivre un mouvement déjà initié par d’autres. Plus particulièrement un autre qui se démarqua des autres, un pâtissier et cuisinier qui sans aucun doute jeta les bases de la cuisine française (avec, ne soyons pas vache, quelques contemporains) avant ces illustres successeurs.
Comme je viens de l’écrire de son temps il ne fut pas le seul, d’autres pâtissiers et cuisiniers avaient du talent et la cuisine est une longue histoire qui change au fil des époques et des goûts, mais pour autant Antonin Carême se distingue de ses semblables. Comment un jeune garçon parti de rien a pu porter si haut son art et côtoyer les plus grands ? Que se cache-t-il derrière la légende si bien forgée par Carême lui-même ? Pourquoi se démarque-t-il de ses contemporains ? A partir d’ouvrages écrits par Carême, d’article, d’archives, de photos, Marie-Pierre Rey va éclaircir le mystère Carême. Car mystère il y a en effet…
Hélas, dénicher un mystère ne veut pas dire y répondre. Effectivement, entre les propos laissés par Antonin Carême et la réalité il y a parfois un gouffre dont même les historiens ne peuvent que deviner les réponses ou imaginer un scénario. Comme par exemple dans le cas de la relation avec son père. D’après les archives ce dernier fut présent au mariage de l’homme de bouche, alors que dans les propos rapportés par la fille de Carême, le chef cuisiner ne revit jamais son père ou sa famille après un abandon près d’une porte de Paris. Est-ce un abandon qui ne sert peut-être qu’à mettre en avant un parcours fabuleux ? Ou alors de tardive retrouvaille ?
Et puisque j’aime bien rebondir sur les mots, rebondissons sur le mot « fabuleux », car c’est effectivement bien le cas quand on regarde son parcours. Bien qu’il ait appris son métier auprès d’autres comme Bailly le pâtissier ou encore le cuisinier Laguipière, ainsi que bien d’autres, c’est quand même bien par sa seule volonté et son ambition qu’Antonin Carême a sublimé son art et amélioré sa technique. Un art et une technique qui lui ont permis de rencontrer du monde, de voyager, de travailler pour des puissants comme le tsar Alexandre 1er ou les Rothschild, et d’améliorer le métier de la restauration. Ce dernier n’ayant en effet pas hésité à abandonner ce qui selon lui ne devait plus être de mise, ou à critiquer sur un ton parfois péremptoire les techniques démodées ou nocives toujours selon lui. Avec succès il faut dire... même si, ironie de l'histoire, certaines méthodes de cuisine critiquées par Carême comme le trompe-l’œil, sont très actuelles aujourd'hui et considérées comme de la grande cuisine.
Enfin, n'allons pas croire non plus que tout le monde fit chorus autour de ses idées de son temps, ce dernier n’échappe pas à la critique, que ça soit dans les métiers de bouche comme dans son autre passion qu’est l’architecture - et que l’on retrouve très présente dans ses créations (photos dans le livre).
Mais le parcours culinaire de Carême ne s’arrête pas seulement au cuisinier qui a travaillé pour les plus puissants, c’est aussi un homme en avance sur son temps ou l’homme farfelu de son temps. Avant cela, c’est également l’homme qui cherche à rendre la cuisine accessible au plus grand nombre via notamment les livres de cuisine (une somme considérable !). Il n’a certes pas inventé le livre de recette comme Marie-Pierre Rey va nous le rappeler, mais comme l’auteure va nous le prouver Antonin Carême a su se montrer – malgré un phrasé parfois ampoulé – le plus précis possible dans la description des recettes : temps, dosage, repos… ce qui est assez novateur pour l'époque il faut dire. Il n’hésite pas non plus à préciser qu’il faut adapter la recette au budget, conscient que tout le monde ne possède pas la bourse de Talleyrand.
Bien sûr, amoureux de son art, le cuistot tente parfois de se montrer didactique dans ses ouvrages, d’expliquer une réaction à propos de la viande par exemple mais ce n’est pas toujours juste, bien que parfois il ait des bonnes idées diététiques... Quoi qu’il en soit, il en ressort un homme bourreau de travail, soucieux d’instruire, de transmettre, de se perfectionner, de faire évoluer un métier, le visuel et le goût. Une perception déjà visible de son temps.
« Les ouvrages de Carême se caractérisent donc par leur démarche pédagogique – pas toujours exempte de pédanterie –, leur sérieux et leur clarté quant au déroulé des opérations à réaliser pour reproduire les recettes. A ces innovations majeures, s’ajoutait le dessein de cultiver le lecteur en lui apportant de manière inédite des connaissances sur les denrées et les produits. » p.160
Vous l’avez deviné, ce livre est une biographie sur un chef qui a marqué l’histoire et fait évoluer la cuisine, sur un homme déjà perçu comme un génie à l’époque, mais ce bouquin adopte également un point de vue plus large. Certes, en abordant Antonin Carême Marie-Pierre Rey met en avant la pensée de ce dernier sur la cuisine française – l’idée qu’elle est meilleure est partie de lui –, sa curiosité sur la cuisine étrangère, sur l’histoire de la cuisine, sur ce qu’il doit à ses pairs, sur ce que représente la cuisine : un soft power déjà. Toutefois, au-delà d’une biographie qui rétablit la vérité, éclaire les mystères, la vie, les combats, les idées d’un personnage, ce livre est l’occasion pour le lecteur de replonger de temps à autre dans une époque et de découvrir ses plaisirs, ses centres d’intérêts, l’évolution de la cuisine et des mots.
« Il a souvent été écrit qu’en France le restaurant serait né pendant la Révolution à l’initiative de maîtres d’hôtels qui, jusque-là employés par des aristocrates guillotinés ou contraints à l’exil, auraient ouvert leurs propres établissements pour échapper au chômage ; et de fait, c’est après l’exil des Condé pour lesquels il travaillait que l’ainé des frères Robert ouvrit en 1789, rue de Valois, son restaurant éponyme. Mais l’arbre ne saurait cacher la forêt et les restaurants qui voient le jour à la fin des années 1780 et au début du XIXe siècle, tels Le Beauvilliers, Le Rocher de Cancale (célèbre pour ses huîtres et ses poissons), Chez Véry, Les Frères provençaux, Le Bœuf à la mode, Chez Rose ou bien encore Chez Madame Hardy relèvent plutôt d’une nouvelle pratique sociale qui consiste à sortir de chez soi pour dîner dans un joli cadre, ne réservant pas de mauvaise surprise puisque le menu et son prix sont affichés à l’entrée et où l’on consomme des mets « restaurateurs » de santé. La formule rencontre très vite son public, essentiellement masculin pour l’heure car les femmes de bonne réputation ne s’y risquent pas encore : si l’on comptait une centaine de restaurants à Paris en 1800, ils étaient 500 à 600 sous l’Empire et 3000 sous la Restauration, contribuant à leur tour à l’élargissement d’un art culinaire jusque-là réservé à une toute petite élite. » p. 137
En résumé, j’ai lu ce livre sans bouder mon plaisir et ravie d’en découvrir autant, même si la partie recette m’a peu ou prou intéressée. Pensez bien, je fais exploser les micro-ondes (ne mettez jamais d’œuf dans un micro-onde), donc ce n’est pas demain que je ferai de la cuisine. C'est trop dangereux dans mes mains.
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