Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Au matin du 14 juillet 2021, il pleut sur la vallée de la Vesdre, en province de Liège. Il pleut depuis la veille, mais en Belgique, la pluie, on connaît. On se dit qu’au pire, on aura de l’eau dans les caves. A ce moment-là, ni Luc Baba, ni personne dans la région, n’imagine la catastrophe imminente.
Pourtant, vers midi, de sa maison sur les bords de la rivière, il observe une famille de ratons-laveurs traverser son jardin.
Etonnement, prémices d’inquiétude. De sa cuisine, Luc Baba ne voit pas la Vesdre.
De sa fenêtre au premier étage, c’est autre chose. La rivière commence à déborder, sort de son lit.
L’eau ne cessera de monter que lorsqu’elle aura noyé le rez-de-chaussée.
Réfugié au premier étage, puis sur le toit, Luc Baba, comme tant d’autres infortunés, observe avec horreur l’eau ravageuse qui charrie le contenu des maisons, attend les secours, sans boire ni manger, sans électricité, chauffage ni batterie de téléphone. Mais avec peur et angoisse.
Une nuit, un jour, une autre nuit, avant le sauvetage.
C’est là qu’il découvre l’ampleur inouïe de la catastrophe, puis de la dévastation quand l’eau regagne enfin son lit. Les morts, les façades écroulées, les montagnes de déchets, les vies anéanties.
Etat de choc, désespoir, traumatisme d’avoir tout perdu, et tout à reconstruire à partir de rien.
Et puis la solidarité, et un brin d’espoir.
« Vesdre » reconstitue cette tragédie par brefs fragments, presque heure par heure. D’une plume douce et ciselée, Luc Baba met des mots sur son ressenti de ces heures angoissantes et dramatiques, fait d’impuissance et de peur. La pudeur, la sobriété et la poésie infinies de ses mots les rendent encore plus déchirants (voir les citations). Le terme est étrange dans de telles circonstances, mais je n’en trouve pas de plus approprié pour qualifier ce texte : magnifique.
#LisezVousLeBelge
Il m’a fallu des nuits et des nuits pour aimer l’enfant que je fus.
Bien sûr. Comment un enfant privé d’amour et même privé du strict nécessaire à la survie peut-il s’aimer ? Sur quelles fondations ? Pourquoi ?
Luc Baba ne nous épargnera rien de ce que cette première guerre a fait de l’Humain.
1917. Louis a sept ans quand sa mère décide de l’emmener dans un orphelinat. Juste avant, elle dépose sa soeur dans celui des filles. Elle les quittera ainsi, sans sanglots, sans se retourner, un baiser furtif et deux bouches de moins à nourrir.
Quelques jours avant, ils ont reçu une petite boîte en métal. Dedans, deux fragments d’obus. Ceux qui ont éclaté la tête du père.
Louis gardera précieusement avec lui cette boite contenant ce qu’il reste de son père. Deux bouts de métal. Son père.
La mère a été vidée de sa substance maternelle. Il lui reste un corps frêle, usé, plus assez solide pour ouvrir les bras sur ses enfants.
Louis rêve de bateaux. Pas de la mer, de bateaux. Peut-être rêve-t-il d’embarquer sur la grosse carcasse métallique pour être nulle part. Dans un entre deux avec un horizon.
Il va attendre longtemps, dans cet orphelinat. Il va subir les coups pour rien, la faim, le froid, l’humiliation, les pions enragés. Il regardera la porte, attendra la fin de la guerre. Et quand la fin de la guerre sera annoncée, les portes ne s’ouvriront pas. La guerre, pour lui, continuera. Quand l’enfer est le quotidien, on lui trouve presque des excuses. On vit dedans et avec, et il devient une habitude. Il échangera quelques lettres avec Rose, sa soeur, enfermée dans une même prison, chez les soeurs, assistant impuissant à sa soumission.
Deux anciens soldats seront hébergés dans les murs de l’orphelinat. L’un est fou, c’en est fini pour lui. L’autre est marin. Il reviendra ponctuer la vie de Louis, même après sa sortie. Il lui parlera de Elephant island, là où les hommes déjà saccagés par la guerre deviennent, en y accostant, déments pour de bon. Louis rêvera de cette île, du bateau pour y aller, surtout.
"On demande des volontaires pour un voyage dangereux. Faible rémunération, froid glacial longs mois d’obscurité totale, danger permanent. Retour sain et sauf non assuré. Honneur et prestige en cas de succès."
Le marin lui parlera de Belle-île-en Mer, on recrute pour aller là-bas, pour aider des enfants qui apprennent à construire des bateaux. Y aller, aller aider ces gamins, et goûter enfin aux bateaux, il en rêve, Louis.
Plus tard, l’ancien soldat revenu définitivement dévasté de Belle-Île lui racontera le bagne. Un bagne pour enfants. Il avait déjà tout vu, mais ça, jamais.
Louis restera à terre. À terre, littéralement. Il ne quittera jamais l’enfer marqué au fer rouge dans son enfance. Il écrira, essaiera de dénoncer la barbarie qui se joue cachée, à l’abri du front, au delà des bombes, qui marque à jamais une vie bien pire que la mort.
L’écriture parvient, sans sombrer dans le misérabilisme, à trancher dans le vif, tout en gardant, et c’est une performance, cette fraicheur propre à l’enfant qui ne se résout jamais à l’horreur. Impossible de ressortir de ce roman indemne.
Impossible de ne pas tenter d’être un meilleur humain après cela.
Basile est un secrétaire sans histoires et sans travail. Il ne voit guère qu'Hélène, une amie, seule elle aussi, le bar de Grant et pad son grand-père. Pourtant son univers se trouvera bouleversé après une visite anodine à son médecin qui lui annonce qu'il est atteint d'un mal, étonnamment rare il est vrai et pourtant incurable. Personne ne sait quand ni dans quel ordre mais Basile va perdre les sens, tous, un à un. Il lui faut donc s'y préparer. Course contre la montre sans maîtrise aucune du temps. Mais peut-on s'y préparer ? Pad et Hélène tenteront en tous cas de le convaincre lors d'un dernier voyage désespéré, libre et désordonné. Que nous reste-t-il quand nos meurtrières se referment une à une ? Quel avenir, quelle issue ? Basile résistera-t-il à la folie («... choisir d'être fou avant de le devenir par la force des choses.») et au désespoir qui le taraudent ?
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