"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L’Orient est le berceau des mille et une nuits, ses montagnes sont le lieu de mille et une histoires.
La preuve avec ce recueil, dans lequel Louis Meunier nous en livre huit (ou neuf, mais je soupçonne que la première, très courte, est davantage un fragment autobiographique vécu lors de l’arrivée des talibans à Kaboul en août 2021).
La montagne est donc le fil rouge de ces huit nouvelles, qui nous font voyager de l’Irak au Tibet en passant par l’Afghanistan et le Pamir. Des histoires d’hommes ou de femmes en quête de vie meilleure, de sens, de reconnaissance, de records ou d’eux-mêmes. On y lutte contre la nature ou l’humain, comme cet ancien militaire français qui s’engage aux côtés des Kurdes contre Daech, cette alpiniste qui tente une énième ascension en solitaire, ce médecin français qui trimballe en plein hiver une caisse de vaccins au fond d’une vallée reculée du Pamir. Ou encore une panthère des neiges pistée par un chasseur, ou un éleveur de yacks dont le troupeau est décimé par des loups qu’il ne peut abattre parce qu’il vit dans une réserve où ils sont protégés. On y trouve aussi des histoires de perte, avec ce candidat réfugié afghan perdu dans Paris et dans sa mémoire, cet enfant qui a dû renoncer à l’école parce que son père a décidé qu’il devait être berger, ce taliban en fuite qui aurait sans doute été différent si sa mère n’était pas morte à sa naissance.
Les décors sont grandioses et âpres, le contexte est tour à tout brutal, poétique ou cruel. La plume est agréable mais elle ne m’a pas fait ressentir d’empathie pour les personnages, en particulier les Occidentaux qui m’ont semblé plus pitoyables que nobles dans leurs quêtes. Une exception pour « L’enfant et la grue », que j’ai trouvé touchant et authentique.
Pour des récits qui mêlent humains et montagne, je préfère de loin Paolo Cognetti.
« Si haute que soit la montagne on peut toujours trouver un chemin vers son sommet. »
Les montagnes d’Afghanistan, d’Irak ou du Tibet servent de toile de fond aux nouvelles de cet opus.
Nous rencontrons des hommes qui attendent le combat contre Daesch. Les blagues fusent, les chants viennent souvent rompre le silence, le thé les réchauffent et ils font semblant d’oublier la peur.
D’autres sont heureux et fiers de contrôler un tronçon d’autoroute entre Mossoul et Rakka.
Certains s’y adonnent à l’escalade en allant toujours plus loin, toujours plus haut, le corps soumis aux efforts les plus extrêmes, aux tortures les plus violentes pour quelques instants d’ivresse.
J’ai particulièrement aimé l’histoire de l’enfant devenu berger car tel était le désir de son père.
Si haute et si belle soit la montagne, l’écriture de Louis Meunier lui donne une majesté incroyable.
J’ai ressenti la beauté des paysages, le courage des hommes et des femmes qui y vivent. Ces nouvelles sont toutes plus belles et plus bouleversantes les unes que les autres.
Il faut un grand talent pour faire passer autant d’humanité en si peu de pages.
Merci à NetGalley et aux Editions Calmann-Levy pour cet incroyable périple.
#Sihautesoitlamontagne #NetGalleyFrance !
"On a tous une montagne à défendre, celle qui subsiste au plus profond de notre être et qui héberge nos rêves et nos espoirs. Quand elle est assiégée, il faut prendre les armes."
De montagne, il est question dans ces neuf textes qui m'ont saisie par leur grande beauté. C'est l'une des composantes de l'unité de ce recueil, l'autre étant la faculté de l'auteur à mettre en scène dans l'immensité de cet environnement hors normes les différences de points de vue. Le point de vue c'est aussi ce que l'on vient chercher en altitude, mais c'est surtout la résultante d'une culture, d'un apprentissage souvent à sens unique. Dans ces textes, des individus très différents se croisent, lestés, encombrés par des histoires qui soudain, face à l'immensité des montagnes d'Orient apparaissent comme bien dérisoires. La montagne de Louis Meunier est belle, sauvage, impitoyable. Entre Afghanistan et Himalaya, on s'y glisse dans la peau d'un guide, d'un combattant, d'un berger, d'une alpiniste, d'un chasseur ou d'une panthère. On y croise un ermite qui a préféré se mettre à l'écart de la folie du monde, une grue blessée et laissée là par ses congénères en pleine migration, un médecin idéaliste. On peut se perdre sur un terrain aussi vaste, se cacher dans des grottes à flanc de rocher, tutoyer les étoiles et parler aux esprits.
"Je suis née dans un flocon, comme tout le reste autour. Les jours de neige étaient jours de fête, je m'enivrais des tempêtes en dansant dans les tourbillons glacés et je jouais avec les écharpes de brume accrochées aux parois."
L'écriture de Louis Meunier est un petit bijou de finesse, de légèreté et de poésie qui nous donne autant à voir qu'à ressentir la profondeur et l'âme des paysages et de ceux qui les traversent. Chaque nouvelle est parfaitement ciselée, d'une précision exquise. La cohérence de l'ensemble offre une vision à 360° sur les questionnements infinis de l'humanité face à la violence des existences, sur notre quête de sens. C'est aussi beau que profond, et accessoirement cela donne envie de découvrir ces paysages incroyables.
"On a tous en nous une montagne où se réfugier. La montagne de notre enfance, sur laquelle la neige est plus blanche et le ciel plus bleu. C'est à elle qu'il faut penser lorsqu'autour de nous la réalité se délite."
(chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
Louis Meunier répond favorablement à l’appel de son amie Sybille lorsqu’elle lui propose de traverser la France de Paris jusqu’à Marseille par de petits chemins. Le voyage se fera à cheval, Unik la jument et Lars le hongre les accompagneront dans ce périple.
L’objectif, c’est de filmer ces « nouvelles manières de vivre » qui émergent dans ces campagnes et réaliser ainsi un film documentaire sur le monde rural.
Le voyage sera fait de cet équilibre entre la recherche des sujets à filmer, les soins aux chevaux qui auront quelques problèmes de santé et la quête chaque soir d’un hébergement auxquels se rajoutent les caprices de la météo et les imprévus du chemin.
Tout au long de cette chevauchée, le lecteur rencontre des personnages atypiques qui se battent pour vivre sur leur terroir, pour la biodiversité et le respect de la nature, pour une société plus vertueuse.
Ainsi à Saillans, petite commune de la Drôme, découvre-t-on une gouvernance collégiale. Tous les habitant participent démocratiquement aux décisions communales car « ils sont les experts de leur territoire, les plus à même d’exprimer leurs besoins et leurs difficultés mais aussi de trouver des solutions pour y remédier »
Belle rencontre que celle d’Hubert Reeve, astrophysicien et militant écologique qui milite pour replacer la biodiversité au cœur de la société.
On pourrait aussi citer Annick et Vincent, qui élèvent des brebis pour leur lait, ils n’abattent pas leurs bêtes qui meurent de leur belle mort.
Il y a aussi Maxime, un ingénieur qui a abandonné sa carrière pour se consacrer à la culture de légumes bio, Emilie la chevrière ou encore cette bande de copains qui se lancent dans le filage de la laine.
Tous ces rêveurs obstinés qui ont concrétisé leurs projets un peu fous parce qu’ils voulaient une autre vie, sont porteurs d’espoir et cela met du baume au cœur. Dans nos campagnes ou meurent les abeilles, disparaissent les oiseaux, une poignée de passionnés œuvre pour un environnement durable, une qualité de vie et une liberté retrouvée dans des territoires touchés par l’exode rural.
Cette œuvre documentaire apporte sa pierre à l’édifice de la reconquête de nos campagnes et je pense qu’elle peut servir à sa manière à démontrer que l’on peut encore inverser la machine et tourner le dos à une société qui se perd dans le gaspillage et la consommation à outrance. Si on respecte la nature et l’humain, on vit mieux, voilà le message que nous transmettent ces héros anonymes du quotidien.
Une lecture instructive à travers un voyage plein de surprises, une lecture qui fait du bien.
J’ai lu ce livre dans le cadre du Prix du public Terres d’Ailleurs 2019, un prix qui récompense un livre d’aventure vécue.
Il n'y a pas encore de discussion sur cet auteur
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !