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Que signifie être avocat aujourd’hui ? Tous les hommes doivent-ils être défendus, quel que soit leur crime ? Comment arriver à défendre les criminels ? Est-il possible de plaider en faveur des criminels, d’essayer de minimiser leurs gestes, de réduire leur sanctions en parlant de leur enfance, de leur passé, sans dégrader l’opinion que l’on a de soi ? Certes, tout le monde est présumé innocent et a le droit d’être défendu, mais jusqu’à quel point, jusqu’où peut-on aller ? Quel est le poids des avocats et celui de la justice ? Est-il plus facile d’être du côté des victimes ?
Eve, 20 ans, jeune femme libre, autonome, vivant dans un bourg reculé en pleine campagne, a été violée puis assassinée par Jean. Il avoue très vite les faits sans en dévoiler le pourquoi, disant qu’il ne sait pas, qu’il a eu une absence, qu’il n’avait pas de motif précis, ni de préméditation à ses actes. Peut-on le croire, quand on sait qu’Eve entretenait une liaison avec Emilie ? Ne serait-ce pas plutôt un crime homophobe ? L’homosexualité féminine est ainsi évoquée pour Eve et Emilie, mais aussi pour l’avocate et Camille.
L’auteure de ce 1er roman, Maître Laure Heinich, nous fait entrer dans la peau d’une avocate empreinte de doutes, dont la vie professionnelle va débordée sur sa vie privée. Quelle implication une affaire traitée par un avocat peut-elle avoir sur sa vie ?
Par les mots et la pensée de l’avocate des parents de Eve, Laure Heinich nous dissèque ce double crime et le procès qui s’ensuit avec une écriture au cordeau faite de petites phrases courtes et sèches, laconiques, précises, saccadées mais toujours justes et fortes, instaurant une ambiance triste et noire à l’intérieur du texte et du récit. Elle utilise le langage propre au tennis pour faire un constant parallèle avec l’histoire racontée. Tout cela nous mène au jugement de Jean dont on connait déjà le verdict : la perpétuité, au vu des faits reprochés et des aveux de son auteur.
Monsieur et Madame Willaert nous sont présentés distinctement : divorcés, ils réagissent différemment au drame. Leur avocate va les représenter au procès et essayer de leur obtenir un petit soulagement par un jugement exemplaire, juste, en rapport avec la gravité des faits, mais qui de toutes façons ne ramènera pas leur fille et ne fera pas disparaitre leur douleur. Pendant les 3 années que dure le procès, les tourments de l’avocate vont se répercuter dans sa vie privée.
Grâce au dossier, elle apprend à connaitre Eve à travers des enquêtes de voisinage, des témoignages d’amies, d’un ex petit ami, de sa dernière compagne Emilie, de ses parents. Quant-à Jean, son avocate commis d’office se sent impuissante à le défendre et fait appel à un confrère plus âgé qui a de la bouteille dans le métier. On parle de son enfance, de la mort de son père, de l’absence d’amour de sa mère, de ses rapports compliqués avec les femmes. Y a-t-il dans tout cela des circonstances atténuantes ? Une explication pour comprendre son geste et ses crimes ? Toujours la même rengaine.
« Corps défendus » est un livre qui questionne sans apporter de réponses, qui dissèque le système judiciaire avec toutes ses imperfections, parle du difficile métier d’avocat et de sa compatibilité avec une vie de famille, de l’empathie, du ressenti émotionnel pour les victimes ou parents de victimes, voire parfois pour les coupables, et des dommages collatéraux.
Très bien écrit, assez court, ce roman se lit d’une traite et explore aussi bien les mécanismes du cerveau humain que ceux de la justice et de ses rouages. Une belle réussite pour un 1er roman où l’on sent le vécu de l’auteure, avocate pénaliste.
Une jeune avocate est chargée de la défense des « Willaert » parents d'Eve, jeune fille violée et assassinée. Son travail, pendant l'instruction du dossier, est décortiqué, ainsi que celui des autres intervenants, de l'instruction du dossier au procès en assise. L'enquête, pénétrant les aspects les plus intimes de la vie des protagonistes n'est pas sans impact sur la vie personnelle de la jeune femme, et l'homosexualité féminine, point commun entre l'avocate et Eve est largement évoquée. de permanentes oscillations entre le juridique et l'humain apportent un point de vue intéressant sur le déroulement de l'instruction et le procès d'un crime.
« Il dit ma fille est morte. Il dit qu'on lui a conseillé de m'appeler, qu’il ne sait pas s'il prononce bien mon nom, qu’il peut me voir demain. Il pleure par intermittence, il y a des mots de répit. Dit qu’il viendra avec son ex-femme, ex-épouse depuis longtemps, ex-mère depuis un instant. »
C’est ainsi que la narratrice, avocate, fait de cette affaire sordide de viol et de meurtre son affaire, pour défendre la famille bien sûr, un déroulé habituel pour ce crime qui n’est ni le premier ni le dernier du genre. Mais au-delà du fait divers, l’auteur, via la narratrice, analyse.
Les réactions de ceux dont la vie a basculé pour toujours, sans commune mesure avec la peine réclamée, la perpétuité. Le père affiche son désespoir, la mère semble sidérée. Et la justice dans sa légitimité n’est qu’un piètre cache-misère.
La victime vivait en couple avec Emilie, Quelle est la part de l’homophobie parmi les raisons profondes, si l’on peut parler de raison, qui ont motivé le passage à l’acte ? L’affaire renvoie l’avocate à ses propres convictions et au tournant pris dans sa vie de mère.
Au coeur de l’histoire, les méandres du fonctionnement de l’appareil judiciaire, des règles du jeu, des rôles à tenir, des cas de conscience.
Roman poignant, qui met en lumière les interactions entre sphère privée et professionnelle, et replace les victimes au coeur de la machinerie judiciaire.
"Je l'ai tuée au petit matin."
C'est par cette phrase étrangement poétique que l'assassin avoue son crime.
Oui c'est bien lui qui a violé puis tué Ève, une jeune fille de vingt ans.
C'est l'avocate des parents d'Ève qui est au centre du roman. Cette histoire, et en particulier l'homosexualité de la victime, la touchent et la font vaciller. Ses certitudes sont altérées, sa vie privée en est affectée.
Si la construction du roman, comme un documentaire en direct des pensées de l'avocate, m'a beaucoup plu au départ, je n'ai pas adhéré au parti pris narratif qui m'a semblé un peu embrouillé.
La narration qui passe de la première personne à la seconde personne, le style haché, les phrases heurtées, les métaphores filées avec le sport, autant de points qui ont contribué à me laisser en dehors de l'histoire.
De même, l'ambiguïté mise en place sur la vie privée de l'avocate pendant les cent premières pages m'a dérangée, j'ai eu l'impression d'assister à un exercice de style.
Lorsque j'ai lu que l'auteure était avocate pénaliste, je me suis demandé quelle était la part d'elle mise dans ce personnage, je l'imagine importante. Peut-être aurais-je dû voir ce roman comme une catharsis.
Toujours est-il que si le fond m'a parlé, je n'ai pas été convaincue par la forme.
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