"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Une idée de départ originale : mettre en regard les violences animales et les violences faites aux êtres humains.
Mais ce livre est trop peu romancé pour moi, un peu trop essai! Cependant je pense que ce livre peut vraiment plaire aux amateurs du genre car le propos n'est pas inintéressant et l'écriture est plutôt plaisante.
Après cette lecture, j'ai eu très envie de parler de ce livre. de le partager. Mais les mots ne venaient pas. Ou pas comme je le désirais...
C'est un récit nécessaire.
Celui d'une enfant issue de l'immigration. Victime d'un racisme endémique. D'une violence de peau, d'une violence de sexe.
Elle vient, par son témoignage, non pas pointer du doigt bêtement, accusatrice, les faiblesses d'un pays colonisateur qui se noit dans sa peur et sa culpabilité. Bien mieux. Elle panse les plaies. Très délicatement.
Tout le long du livre, elle nous interpelle, comme un cri de détresse. "Regardez-le, écoutez moi"... Prenez-lui la main, elle a tant à vous dire. Sur sa famille, un peu. Sur la France, beaucoup. Sur vous et moi, follement.
La peur de l'autre, de sa différence.
La peur de nos parents de manquer de moyens pour nous offrir toutes nos chances.
La peur d'être assimilé, amalgamé à ces violences de quartier, comme s'il fallait courber la tête et se taire parce que la peau n'est pas blanche. Les yeux pas bleus. Que papa et maman ont un accent.
La vérité française, je le crois, est celle de la peur.
Elle met également en exergue un sujet qui me tient particulièrement à coeur. Celui de l'Education Nationale. de l'école. du système de l'enseignement dans notre beau pays laïque. Publique ou privée.
Des lacunes, des carences de ce système, archaïque, de moins en moins adapté au monde actuel, et à nos enfants confrontés à ce monde-là.
Bien sûr, la valeur en reste essentielle. Primordiale.
Kaoutar Harchi l'exprime d'ailleurs très bien, sa chance de se trouver, de s'épanouir, passe par les études.
C'est aussi un grand et déchirant cri d'amour à son père et à sa mère.
Je vais terminer, malgré tout ce qu'il reste à dire, par une dédicace un peu particulière. A la professeure de Kaoutar Harchi, friande de dédicace.
Lisez Comme nous existons, pour connaître votre histoire.
Kaoutar Harchi est sociologue. Elle a grandi à Strasbourg dans les années 90, issue de parents immigrés d’origine marocaine, Hania et Mohamed. Ils l’aiment et se tuent au travail pour pouvoir lui offrir une autre vie. Au lieu de l’inscrire à l’école du quartier, ils vont l’envoyer dans des écoles catholiques pour la préserver de tout malheur, de la violence des garçons du quartier. Elle grandira avec cette pression de réussite et fera tout pour réaliser le rêve de ses parents.
Dans ces écoles, elle va être confrontée au racisme, aux inégalités, à la bêtise humaine. Elle raconte avec une colère sourde sa honte, les humiliations vécues et sa fascination pour les jolies jeunes filles blanches et blondes aux yeux bleus prenant le même bus qu’elle (« le modèle »). Elle sera une excellente élève et découvrira la sociologie qui lui permettra de se rapprocher de ses parents, de comprendre ce qu’ils vivent. Partagée entre l’amour de ses parents et son désir d’émancipation, son récit est nostalgique. J’ai beaucoup aimé l’écriture de Kaoutar Harchi. Ce récit intime, écrit avec pudeur, est magnifique. Lisez-le, il est court mais intense. Un gros coup de cœur pour moi !
Ce court, mais dense, récit autobiographique relate les souvenirs d’enfance de l’autrice avec son regard de sociologue.
Kaoutar est la fille de Hania et Mohammed, marocains venus à Strasbourg pour des raisons économiques. Elle évolue dans un milieu aimant, empli d’une douce nostalgie de ce qu’était leur vie avant l’exil. La scène où, de la cuisine où elle fait ses devoirs, elle observe ses parents regardant le film de leur mariage est d’une tendresse et d’une émotion incroyables.
Ils sont homme et femme de ménage, partent tôt, rentrent tard de ce quartier de l’Elsau, en banlieue de Strasbourg. Très tôt ils ont conscience que c’est par l’éducation que leur fille pourra échapper au déterminisme social qui butte « inlassablement contre l’autre côté de l’allée et cet ensemble ordonné de maisons individuelles, de jardinets et de parkings privés ».
Après avoir fait des pieds et des mains pour la placer dans la bonne école primaire, ils se sacrifieront pour l’inscrire dans un collège puis un lycée privé catholique. A dix ans, elle découvre la violence de ce que sont les inégalités sociale et raciale, les brimades, les humiliations. L’autrice exprime cela avec subtilité et retenue, ce qui ne souligne que davantage l’agression subie par les gestes et les mots (cette dédicace d’un livre offert par une professeure « à ma petite arabe qui doit connaître son histoire »).
C’est par un livre, « La Double Absence » du sociologue Abdelmalek Sayad, trouvé à la bibliothèque, que l’autrice va trouver le sens qu’elle souhaite donner à sa vie.
Ce sera donc l’orientation vers des études de sociologie qui seront pour elle une véritable révélation, tant physique que psychologique, telle « une ouverture, une fenêtre, une possibilité » d’être enfin à sa place dans ces salles de l’université.
Puis plus tard, aujourd’hui, le fait « d’écrire pour rendre compte de tout qui avait été vécu, dit, entendu, éprouvé ». Écrire pour partir, pour justifier cet éloignement de ses parents, en ne reniant rien, bien au contraire.
Et vous savez quoi ? C’est magnifique !
J’ai aimé ce regard d’une infinie tendresse qu’elle porte sur ses parents, ce regard plus incisif sur les violences vécues mais qui jamais ne tombe dans une colère sourde.
J’ai aimé cette plume tellement poétique et bouleversante sur un sujet qui lui ne l’est pas du tout.
J’ai aimé l’humilité avec laquelle elle exprime la fierté d’avoir réussi.
Bref j’ai aimé !
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