"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ils étaient assis là, en ce soir du 14 août 2018, toute la famille d'Angela, attablés à la terrasse d'une pizzeria. Mais ce soir-là le destin a pris le visage de P., fonçant sur cette terrasse de restaurant au volant de sa BMW. Sa mère, son père et ses deux frères s'en sortiront, comme 48 autres victimes blessées mais Angela y laissera la vie.
On ne saura pas ce qui a motivé P. à faire ce geste insensé. Il a pris une trajectoire, il a accéléré, il a tué. de cette folie qui s'est emparée de lui, il ne dira rien, ni aux policiers, ni aux juges, ni aux victimes.
Avec ce docu-fiction inspiré d'un fait réel, Justin Morin se met dans la peau du journaliste couvrant l'affaire, pour raconter la vie de cette famille endeuillée. Il parle de l'avant et de l'après-drame, il détaille le premier procès du tueur puis imagine la vie de sa soeur en s'interrogeant sur son soutien indéfectible ; il termine par le déroulé du deuxième procès en appel.
En général, je trouve les fictions documentaires intéressantes lorsqu'elles sont basées sur une enquête et des faits réels. Mais ici, le réel est peu étoffé et le romancé trop important pour que j'y trouve un équilibre. Si j'ai lu avec empathie la première partie concernant les faits eux-mêmes et la vie dévastée de la famille d'Angela, je n'ai pas accroché à la seconde, centrée sur un volet judiciaire peu consistant et un récit imaginé du passé du criminel et de sa soeur, assez dérangeant car non fondé sur des éléments véridiques.
Ce premier roman de Justin Morin est donc plutôt une déception qui manque à mon goût de matière et d'une vision plus élargie de ce drame.
L'air est doux en cette soirée du 14 août 2017. La terrasse devant la pizzeria de la ZAC du Hainaut de Sept-Sorts en Seine-et-Marne est remplie.
Une BMW grise fonce dans sa direction. À la table 7 sont réunis Betty, Sacha et leurs trois enfants : Nikola, 17 ans, Angela, 13 ans, et Dimitri, 4 ans.
« Betty sent un coup dans son dos. Sacha est projeté plusieurs mètres en arrière. […] Les enfants disparaissent ».
Les secours arrivent.
Il y plusieurs dizaines de blessés, dont certains très gravement atteints.
Le cadet, multi-traumatisé, est transporté en hélicoptère à Necker.
Sa mère, hantée par la culpabilité parce que c'est elle qui a voulu aller au restaurant et parce qu'elle n'a été que légèrement blessée, l'accompagne.
Sacha a la jambe désarticulée. Il restera boiteux.
Angela est morte. Sur le coup.
Dans la voiture allemande, P. arbore un sourire. Ceux qui ont croisé son regard s'en souviennent.
Le 27 août, quelques jours après l'enterrement d'Angela, le maire de La Ferté-sous-Jouarre où résident les Jakov a organisé un hommage à l'enfant.
« Une foule immense » se presse sur le parvis de l'hôtel de ville pour soutenir la famille. Et aussi pour crier sa colère contre l'assassin.
Cette présence est à la fois réconfortante et oppressante. Pourtant, les mots saluant son courage déconcertent Betty. C'est un devoir de continuer, pense-t-elle. Pour ceux qui restent...
Mais Betty, qui donne le change devant ses fils, craque. Elle a besoin d'aide. Ce n'est pas auprès d'une psychologue hospitalière, qui lui pose une question absurde - « à combien estimez-vous votre perte ? - qu'elle la trouvera. Elle rencontre une autre femme, experte psychologue. Le courant passe. Elle lui confie ses angoisses : de nouveau la culpabilité mais aussi la foi qui la quitte. L'écoute qu'elle lui prodiguera l'empêchera de sombrer dans la folie.
Puis vient le temps du procès près de quatre ans après les faits.
Justin Morin, alors journaliste, a été dépêché au tribunal de Melun pour couvrir les audiences. Le présumé coupable est « un homme chauve, bouffi ». Les yeux dans le vague, sans aucune trace d'émotion, il demande pardon. Reconnu psychotique, il tente de minimiser son acte en affirmant qu'il « traversait un épisode délirant ».
La sœur de l'accusé est présente. Même s'ils n'ont plus de lien, elle répond oui à la question : « ce drame était-il un accident ? ».
« On n'abandonne pas un frère, fût-il un monstre » écrit l'auteur.
P. est condamné à la perpétuité avec une peine de sûreté de 22 ans.
Pourquoi une telle rencontre a-t-elle donnée lieu à un livre et non à un simple compte rendu factuel ? L'auteur l'explique très bien en évoquant l'empathie, l'identification et, peut-être aussi, une forme d'admiration pour cette famille qui se (re)construit alors qu'elle a perdu l'un des siens.
Et puis, il est libre après avoir quitté la radio (Europe 1) pour laquelle il travaillait. Il s'attache alors à la figure de la sœur pour perce sa loyauté. Malgré son insistance, elle refuse de se raconter.
Justin Morin décide alors de « contourner le réel » pour raconter « une histoire parallèle ». C'est la partie la moins intéressante de ce docu-roman, par ailleurs plutôt réussi.
Ce livre fait partie de la sélection 2025 du Prix Premières Paroles.
http://papivore.net/litterature-francophone/critique-on-nest-plus-des-gens-normaux-justin-morin-la-manufacture-de-livres/
Justin Morin décrit un fait divers dans son livre « On n’est plus des gens normaux » en ajoutant toute sa sensibilité pour raconter les faits et analyser ses ressentis. En effet, ce sont les liens qui unissent les protagonistes, notamment des deux principales familles qui sont touchées par le drame, qui sont relevés dans le roman.
Car, en suivant le procès pour son travail, Justin Morin est touché par la sœur de celui qui est dans le box des accusés. Devant les faits exposés, impossible pour elle de ne pas reconnaître que son frère est coupable. Pourtant les liens familiaux feront qu’elle choisira une autre voie.
Été 2017, une voiture fonce dans une pizzeria, volontairement. Une famille ne sera jamais « plus des gens normaux ». Car Angela, adolescente de 13 ans, ne se relèvera pas.
Justin Morin est journaliste à France Info. Il a collaboré à plusieurs « Les pieds sur terre » sur France Culture. Le procès du fait divers raconté ici, Justin Morin le couvre dans la réalité de son son métier. Il rencontre la famille. Mais, bien après, la réaction de la sœur du coupable le hante. Il décide d’analyser les liens invisibles qui la lient à son frère.
La première partie se concentre sur la vie des parents d’Angela, Betty et Sacha, ainsi que ses deux frères, Nicholas et Dimitri, jusqu’à la tenue du procès, plusieurs années après.
À partir d’une réaction particulière de Lisa, la sœur de l’accusé, Justin Morin décortique en les inventant les liens qui les unissent. Il l’imagine seule pierre d’ancrage dans le monde de son frère, en déséquilibre permanent.
Les liens invisibles
Et lorsqu’il suppose qu’elle écrit dans le carnet qu’elle tenait au procès…
» Mon frère est un bourreau.
Ai-je le droit de souffrir ? « , le lecteur plonge au cœur des conflits de loyauté vécus dans les fratries. Entre attachement à l’autre et colère de devoir sacrifier sa liberté, le roman, On n’est plus des gens normaux, évoque tous les sentiments intermédiaires.
En abandonnant la position du journaliste pour celle du romancier, il accepte de laisser de côté les faits. Il ne les relate plus avec objectivité et oublie leurs certitudes. Avec son expérience, Justin Morin décortique la loyauté familiale souvent inconsciente. Cette forme de fidélité ne s’exprime souvent que dans les drames, cette dépendance qui prend le dessus sur la raison, comme pour Lisa, au détriment de sa propre vie, et cette force qui permet aux parents d’Angela de traverser le drame.
Avec beaucoup de sensibilité, Justin Morin allie journalisme et fiction pour détailler les liens familiaux invisibles qui relient les membres d’une même famille, visibles lorsqu’un drame percute la vie de gens normaux. Un premier roman particulièrement réussi !
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2024/09/23/justin-morin-on-nest-plus/
Quand la fiction rencontre la réalité, cela donne un excellent premier roman.
Justin Morin s’attache ici à un fait divers qui a eu lieu en 2017 : un homme est rentré avec son véhicule, volontairement, dans un restaurant, en faisant de nombreux blessés et en tuant Angela, une jeune fille de 13 ans.
Justin Morin va d’abord s’attacher à une enquête sur la famille d’Angela ; il s’appuiera sur leurs témoignages pour retracer les faits et le procès du chauffard. Au procès nous découvrirons un nouveau personnage, la sœur de l’inculpé ; l’auteur va imaginer cette partie du roman la concernant.
J’ai beaucoup aimé ce roman, à la fois plein de suspense, construit comme un polar, très imaginatif et empli d’empathie pour nous parler de tous les personnages qui ont été touchés par cet accident meurtrier. Il nous délivre de magnifiques portraits des dommages collatéraux de cette tragédie.
J’ai beaucoup aimé cette façon sensible et journalistique d’aborder le fait divers tout en nous livrant de nombreux détails sur l’affaire, cette façon de mêler le réel à l’imaginaire pour nous offrir une fiction documentaire.
Il n'y a pas encore de discussion sur cet auteur
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !