"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Il fallait que cette BD historique impressionnante, émouvante, essentielle, soit rééditée par les éditions Vuibert, trois ans après sa première publication. C’est chose faite.
La lecture de CHE. Une vie révolutionnaire va bien au-delà des faits historiques plus ou moins connus. C’est une plongée dans la vie, dans le parcours d’un homme qui aurait dû être un médecin argentin assez ordinaire et qui est devenu une icône pour tous ceux qui rêvent d’abattre l’impérialisme américain, en prenant les armes et en donnant sa vie pour les autres.
C’est le roman de Jon Lee Anderson paru en 1997 (CHE. A Revolucionary Life) qui a inspiré le dessinateur mexicain José Hernández. Publié d’abord en trois volumes au Mexique, voilà ce roman graphique regroupé dans un seul et même livre par les éditions Vuibert, une très belle réalisation.
CHE, une vie révolutionnaire respecte, bien sûr, les trois grandes partie de la vie d’Ernesto Guevara : Le Docteur Guevara ; Les années de Cuba et Le sacrifice nécessaire. Cela n’empêche pas quelques flashs anticipés ou d’utiles retours en arrière car raconter la vie d’un tel homme de manière impartiale est très délicate. Il ne faut pas oublier que ce révolutionnaire a tué des gens mais a aussi donné sa vie pour que le peuple se libère de ceux qui l’exploitent.
Jon Lee Anderson a choisi de débuter son récit en 1952 laissant de côté ce que celui qui deviendra le Che a raconté dans ses carnets de Voyage à motocyclette Latinoamericana, épopée réalisée avec Alberto Granada. Cette fois, c’est pour un nouveau départ, toujours dans cette Amérique latine mais en train cette fois, avec Calica (Carlos Ferrer). Ils partent de Buenos Aires le 7 juillet 1953 juste après qu’Ernesto ait obtenu son doctorat en médecine. Ce même mois de juillet, à La Havane les frères Castro et leurs hommes attaquent la caserne de la Moncada et c’est un échec : 48 morts, 29 blessés.
Le décor est planté, les pages sont sombres, les visages très expressifs et souvent beaux. Je croise Frida Kahlo dans une manif, à Mexico, contre les « assassins gringos », chouette portrait. Puis c’est la rencontre entre Fidel Castro et le Che dans la discrétion la plus totale. Les deux hommes se plaisent et c’est le début d’une folle épopée bien montrée au fil des pages sans occulter les ratés, les moments de doute pour cet homme, pas Cubain, jeune, intelligent, sûr de lui, audacieux et surtout prêt à mourir pour cette île des Caraïbes.
Cette histoire fourmille de détails, d’événements, de confrontations armées, de résultats tangibles, d’intimité familiale aussi et c’est une lecture passionnante bonifiée par la qualité de ces pages aux couleurs ocres, brunes, très belles.
Ernesto est très lié à sa mère à qui il écrit régulièrement. Ces documents, comme les articles de presse ou les textes de tracts sont reproduits fidèlement – texte français en surimpression - permettent de soutenir la véracité d’un récit toujours captivant. Cette histoire, je la connais partiellement mais la lecture de CHE, une vie révolutionnaire remet les choses en place avec dates et lieux bien identifiés. José Hernández est un fameux dessinateur. Il signe d’ailleurs certaines pages exemptes de texte, comme de vrais tableaux.
Cuba, la Sierra Maestra avec cette terrible confrontation entre le Che et un homme qui se repent, un traitre qui demande la mort mais supplie, pleure, veut que l’on s’occupe de ses enfants alors qu’Ernesto reste inflexible.
Bien sûr, je ne peux omettre de parler de Santa Clara, le dernier bastion de la défense de Batista où 3 000 hommes sont déjà et qui attend le renfort de 2 000 soldats plus un train chargé d’armes et de munitions. Sur place, dans cette ville, impossible de ne pas être ému par ces wagons blindés que le Che, aidé par 340 guérilleros seulement, a fait dérailler, signant ainsi la fin de la dictature.
Ce mausolée, où se trouvent les restes du Che ainsi que ceux de ses camarades abattus en Bolivie, n’a pu être érigé qu’en 1997 car Barrientos, le président bolivien ayant donné l’ordre d’abattre le Che, avait fait ensevelir les corps dans une fosse commune afin qu’ils disparaissent définitivement. Cela est bien raconté dans la troisième partie : Le sacrifice nécessaire.
Entre février 1965 et le 9 octobre 1967, à La Higuera (Bolivie), le Che passe par Le Caire, Dar es Salaam (Tanzanie), le Congo, revient à La Havane pour finir son parcours, son épopée tragique en Bolivie. Mon propos n’est pas de raconter tout cela. Le roman graphique s’en charge et omet sûrement certains événements mais cette dernière lettre signée « Papá » reste un grand moment car le Che, sous la menace de celui qui va l’abattre, écrit à ses enfants : Hidita, Aldeita, Camilo, Celia et Ernesto dont la photo est reproduite. Il leur demande de « ressentir profondément toute injustice ». Que sont devenus ces gosses ? Cela serait intéressant de le savoir… Révolutionnaires comme le leur demande leur père ? Pas sûr.
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Jon Lee Anderson est un reporter américain et correspondant de guerre particulièrement réputé pour le New Yorker.
Il est aussi un spécialiste de la biographie, et notamment son livre "bestseller" "Che Guevara : a revolutionary life".
Vous l'aurez compris cette BD est une adaptation de ce livre, mise en image par l'incroyable talent de José Hernandez dessinateur de presse Mexicain.
Nous avons à faire à un sacré bel ouvrage bien volumineux.
Le scénario de Jon Lee Anderson pour "Che - Une vie révolutionnaire" :
Jon Lee Anderson a souhaité aborder ce roman graphique d'une manière impartiale, sans jugement de valeur, pour apporter une réflexion aux nouvelles générations pour qui les révolutions ne se passent pratiquement plus que par le numérique.
De fait il dépeint ainsi le Che comme un homme simple, ni bon ni mauvais mais surtout animé par son idéal de liberté et d'égalité, prêt à mourir pour cela.
Evidemment l'histoire racontée du Che ne commence qu'à la fin de ses études, lorsqu'il décrocha son diplôme de médecin. L'auteur fait donc l'impasse sur toute la jeunesse du Che et le vécu avec ses frères et soeurs.
Toutefois, le scénariste usera souvent du procédé des correspondances avec sa mère pour décrire les sentiments de cet icone révolutionnaire en regard de ses proches, mais sans trop s'y attarder.
Bien sûr, on ne peut pas aborder la vie du Che sans parler non plus de l'homme sans qui le Che ne serait pas devenu cette égérie des esprits révolutionnaires : Fidel Castro.
Chacun des personnages du récit n'est en aucun cas ni caricaturé, ni jugé par l'auteur. Jon Lee Anderson se contente brillamment de ne raconter que des faits, de manière très humaine, afin que chacun puisse se faire sa propre opinion sans influence.
C'est là un véritable tour de force que de pouvoir rester aussi objectif dans un tel récit.
Cet ouvrage reviendra aussi sur les nombreuses rencontres du Che avec des célébrités, mais aussi avec ses deux femmes avec qui il eut une fille avec la première et quatre autres enfants avec la seconde.
Mais encore une fois l'aspect familial de cet homme ne sera pratiquement pas exploré, afin de focaliser essentiellement sur ce qui faisait vivre cet homme : sa soif de justice et d'égalité pour le peuple qui l'a conduit à la révolution cubaine.
Et si je vous parle maintenant de certains personnages comme Ramon Benitez, commandant Tatou, ou bien Adolfo Mena González, vous me direz qui sont ses illustres inconnus... mais toutes ces personnes ne font finalement qu'une extrêmement connue. Celle dont la biographie fait l'objet.
Il s'agit là des différentes identités que le Che a pu prendre au cours de sa vie post révolution cubaine, qui, en regard de l'aventure cubaine, ne sera finalement qu'un échec...
En final, Jon Lee Anderson a su raconter la vie révolutionnaire de cet icone avec beaucoup d'indépendance, sans apriori ni jeu d'influence, afin que le lecteur puisse se forger sa propre opinion.
Il insiste beaucoup sur les sentiments et l'idéologie que l'homme a pu connaître et qui ont conduit ses actes, biens ou mauvais.
Un récit très intéressant.
Le dessin de José Hernandez pour "Che - Une vie révolutionnaire" :
José Hernandez est un dessinateur primé dans son pays, et quand on découvre son dessin, il faut reconnaître qu'il maîtrise parfaitement cet art !
Dans un style très réaliste, son trait est fin, détaillé et minutieux, forçant l'admiration et la contemplation.
Certaines cases sont juste d'un raffinement et d'une méticulosité incroyable !!
Les portraits sont saisissants de précision comme une photo haute définition !
Les couleurs sont plutôt "ternes" sur des tons marron, vert foncé, gris, bleu nuit, etc.., et cela pour plusieurs raisons tout à fait compréhensibles :
Premièrement, les auteurs racontent des faits historiques passés. Ce qui justifie les tons ternes utilisés pour symboliser l'ancien.
Ensuite, les couleurs sur des tons plutôt froids et neutres évoquent admirablement bien la guérilla, l'esprit de révolution, en bref le coeur de la pensée du Che.
Puis, elles suggèrent aussi les climats plutôt chauds et secs avec les tons marrons, humides et moites avec les tons verts, frais et/ou froids avec les temps gris ou bleu.
Et enfin, elles influencent les émotions des lecteurs pour les différents passages graves, tragiques, ou touchants et chaleureux, etc...
Et pour finir par nous mettre en condition pour le final dramatique que tout un chacun connait...
Les effets sont aussi de pures merveilles, discrets mais efficaces avec des fondus de lumières, des estompes, des dégradés, des flous, des perspectives mirifiques...
Le travail sur la lumière est d'une justesse digne des grands maîtres !
Quant aux compositions et plans choisis, ils sont tellement variés, travaillés et intenses que l'on y passe des heures à s'extasier et à s'attarder sur chaque scène.
José Hernandez m'a bluffé et d'autant plus passionné !
Sa réalisation est titanesque et pourrait se qualifier de chef-d'oeuvre du neuvième art !
J'ai été séduit par cette biographie hors du commun, extrêmement bien détaillée et maîtrisée, et surtout graphiquement réalisée d'une main plus que talentueuse.
C'est un véritable roman graphique coup de coeur à posséder.
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