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Lors de la récente Masse Critique Non-Fiction de Babelio, j’avais repéré ce livre car, d’une part, je suis Belge et, d’autre part, je connaissais les éditions Ateliers Henry Dougier pour leurs romans. Ce livre fait partie de leur collection « Lignes de vie d’un peuple » que l’éditeur présente comme ceci : « Dans chaque titre, un auteur francophone sur place, journaliste ou universitaire, choisit un angle, une grille et part à la rencontre de ceux qui vivent et « font » leur pays, ceux qui analysent les changements de la société et ceux qui les incarnent concrètement. »
Ici, c’est Jérémy Audouard, un journaliste français en Belgique depuis 2008 et travaillant à la RTBF ou pour Quotidien notamment, qui y présente les Belges. Il est allé à la rencontre de plusieurs Belges célèbres ou pas dans des domaines aussi variés que la politique, les sciences, la culture tels que le dessinateur Philippe Geluck, l’astrophysicien Michaël Gillon ou le professeur François Gemenne. L’auteur a fait un constat étonnant lorsqu’il a débarqué à Bruxelles il y a une dizaine d’années : entre Flamands et Wallons, il n’y a presque pas d’échanges, ils se connaissent très peu et évoluent dans leur bulle chacun de leur côté. Il s’est alors demandé s’il existait une identité belge et comment elle se construisait dans un pays si divisé en proie constamment à des difficultés communautaires.
Le livre s’ouvre ainsi sur des conversations avec une famille de la région de Charleroi (en Wallonie) puis avec une famille flamande d’Anvers (prononcer Anversse :-p). Le lecteur peut ainsi s’immerger directement dans la vision de citoyens de part et d’autre de la frontière linguistique et se rendre compte de la méconnaissance de chacune pour la culture de l’autre. S’ensuit une analyse par une professeure d’histoire qui revient sur l’histoire du pays pour remettre en contexte ces disparités. En tant que Belge, je me suis retrouvée dans les propos du début : je connais très peu le Nord du pays, je ne connais aucun Flamand personnellement, je ne parle pas néerlandais et je suis très ancrée dans la culture française. Il faut savoir que tout est très séparé entre Nord et Sud, nous avons par exemple chacun nos chaînes de télévision et je n’ai jamais regardé un programme flamand alors qu’en revanche, nous avons accès aux chaînes françaises que je regarde finalement plus que les chaînes belges. Cela ne permet pas en effet de construite une identité belge forte même si je me sens belge avant wallonne, à la différence de certains flamands nationalistes. L’auteur aborde aussi cet aspect en parlant de la NVA, du Vlaams Belang, des tendances nationalistes du Nord tandis que le Sud reste très à gauche, d’où nos difficultés à former un gouvernement… Il insiste d’ailleurs très fort sur ces tensions communautaires tout au long du livre ce qui m’a gênée car ce n’est pas ce que je ressens au quotidien, même lorsque je me rends en Flandre. Il s’agit surtout d’un problème politique. de même, je ne me suis pas du tout retrouvée dans certains propos du Professeur Gemenne disant que « tous les Belges connaissent personnellement au moins un ministre ou un député en Belgique » alors non, bien que le pays soit petit et qu’il existe une pléthore de ministres à tous les niveaux de pouvoir, je n’en connais pas un personnellement ! Et non, bien que ce soit une pratique trop ancrée chez nous, chaque Belge ne reçoit pas une voiture de société. Cette façon de généraliser une situation certainement très bruxelloise biaise un peu la réalité… Je pourrais encore en dire beaucoup sur cette première partie très politique du livre ou sur la partie liée à l’identité mais ce serait trop long. J’ai trouvé l’analyse assez orientée par l’auteur qui part d’un postulat venant de son ressenti lors de son arrivée en Belgique. N’aurait-il pas été mieux de confier l’écriture à un duo d’auteurs belges ? L’auteur va même donner la parole à un représentant du parti Rassemblement Wallonie France alors que la présence de ce part est très anecdotique et peu de Wallons souhaitent un tel rattachement. Pour finir sur ce volet politique, je regrette aussi l’absence totale des germanophones dans le livre, l’auteur ne les mentionnant pas une seule fois…
Je me rends compte que je me suis un peu emballée sur la critique des trois premiers chapitres du livre (oups…) mais d’un autre côté, j’étais vraiment irritée à certains moments par certains propos (je vous passe toute la partie très caricaturale sur Bruxelles). Heureusement, j’ai beaucoup mieux aimé la deuxième partie du livre. Tout d’abord, je me suis complètement retrouvée dans l’entretien avec Ismaël Saidi (auteur de la pièce Djihad) dont la vision de Bruxelles est très juste. Pour ma part, j’y travaille et je prends tous les jours le tram 92 qu’il donne comme exemple parfait du communautarisme extrême régnant dans la capitale. le lecteur pourra également découvrir les interviews de Jean Libon (créateur de Strip-Tease), de Geluck ou encore de Vizorek, des personnalités que j’apprécie beaucoup. le livre se finit sur des entretiens avec des Belges qui ont réussi dont Michaël Gillon, astrophysicien liégeois qui a découvert le système exoplanétaire Trappist. J’ai eu la chance de côtoyer ce dernier durant mes études à Liège, où je vis et c’était très sympa de découvrir quelques pages sur lui dans ce livre.
Bref, je suis très mitigée sur cette lecture… Je suis très embêtée par la première partie dans laquelle je ne me suis pas du tout retrouvée en tant que Belge. Nous n’avons peut-être pas une identité forte mais nous avons nos particularités, surréalistes devant l’éternel et nous cohabitons en bonne entente sans nous connaître vraiment et nous le déplorons. J’ai en revanche apprécié la deuxième partie qui reflète parfaitement la culture belge !
Chronique à lire aussi sur https://thetwinbooks.wordpress.com/2020/03/28/belges-jeremy-audouard/
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