"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
La transmission coopère, l’arbre généalogique intemporel. Jean-Pierre Otte marche dans les pas de son grand-père. Ce dernier épinglait dans l’entrée de son moulin d’une façon pavlovienne, des aphorismes pétillants, malicieux, des farandoles de maximes prénommées : La chronique du butoir ».
Jean-Pierre Otte saisit la balle au bond. Il est écrivain, remarqué et remarquable, aux multiples ouvrages, romans et récits plus intimes. Un homme de Lettres, un cerceau dans le sombre de nos nuits qui brille de mille feux.
Il est dans la même démarche d’une haute contemporanéité. Ses philosophies intérieures comprennent qu’un seul mot sera égal à l’existentialisme, à l’essentialisme et l’hédonisme. Il étire ses regards jusqu’à l’horizon révélateur. « Mes anticorps » comme du baume au cœur. Des pensées fidèles à Pascal, Montaigne, et lui-même. C’est dire combien Jean-Pierre Otte devine l’heure de rassembler l’épars.
Le temps des Petits Riens à l’instar de Philippe Delerme , marcher sur des aiguilles de pin. Ici, les entrelacs sont des aphorismes, des fragments comme du cristal, des passages comme un gué fleuri. Des phrases comme des carillons de cloches en haute montagne. Le réel comme interlude. Le temps comme le saisissement du monde. Le temps présent qui octroie l’écriture spéculative.
« Une exhortation : ne pas être n’importe qui dans un monde où les gens sont n’importe quoi. Marchons par défi pour provoquer d’autres occasions. Ceux qui discutent ne discernent jamais qu’eux-mêmes. Une femme ne va pas sans coexistence ».
Les papillons de nuit s’envolent. La nuit retient le velours des mots. Les pas dans la neige craquante. Retenir l’empreinte et lire les formes qui résistent au temps qui passe.
Les aphorismes sont des souffles. Des forces et des prières entendues. Des points fixes et le départ vers l’entendement et ce qui est immuable. Retenir la sagesse d’un poète, d’un homme de rectitude. L’observateur du temps présent et qui offre des clefs. Pas celles des champs mais des citadelles alphabétiques.
« On ne devrait jamais vivre assez longtemps pour être chose qu’un amateur éclairé. L’amateur a toutefois nécessité, non pas d’une morale, mais d’une discipline. »
Ce recueil Babel, Alcazar, est perpétuel. On peut grappiller un adage, une maxime, comme un grain de raisin sucré. Le regain des évidences pour un homme éclairé et avisé. La confrontation entre le regard contemplatif et la folie de notre monde.
Avec un avant-propos de Manuel Schmitz : « … Car il ne s’agit pas d’un statut acquis une fois pour toutes ni même d’une simple progression linéaire, mais d’une traversée des miroirs sur une spirale mouvante que dessine un point d’équilibre en perpétuelle métamorphose. »
Voyez comme « Mes anticorps » est précieux. C’est une déambulation au plus près des êtres et de la vie. Un grand livre !
Publié par les majeures Éditions Le temps qu’il fait.
Somptueux « Sur les chemins de non-retour » sauve le monde. Il souffle sur les braises encore vives et signifiantes. L’effusion attise les réponses. Ombres se miroitant sur les murs. Jean-Pierre Otte délivre le passage, octroie la voie. La capacité d’un poète assigné à la rémanence . Que c’est beau, voluptueux et théologal !
« Celui qui disparaît en lui-même se retrouve. » « C’est un droit d’asile en toi-même qu’il va falloir obtenir. »
« En nous délestant par degrés, de celui que l’on fut. »
L’empathie libellule, le regard altier. Comprendre les définitions mêmes des métamorphoses plausibles. Femme blessée dans sa chair, brouillard opaque, la mémoire qui dérive et se cogne sur les rochers immanquablement. Les mots étincellent, illuminent. Le seuil d’un labyrinthe vertueux, où le premier pas déforme les apparences malencontreuses et sournoises. Les poèmes résolument précieux, attentifs sont salvateurs. Mappemonde d’un jour universel, celui de l’hédonisme, du temps présent. Une farandole altruiste, un alphabet magnanime, ici on pleure tant les réponses se forment lettre après lettre. « Et se relever seul / d’une solitude pleine de résonance / dans la nuit épaisse et presque palpable / où les échos s’estompent en creux / tels les bruits blancs des cannes d’aveugle. »
Jean-Pierre Otte rassemble l’épars. Glaneur et assoiffé. L’ivresse de collecter la rédemption, étoile décrochée du ciel des amertumes. Figer le temps d’un confinement, ne prendre que sa part, celle d’un roi des mots. « Sosies des autres et sosie que l’on est pour soi-même. / On ne se méfie jamais assez des sociétés d’acclimatation. »
Écrire ainsi, « Il arrive alors que l’on laisse couler / sous le plafond des eaux opaques, sans plus / pouvoir refluer en surface, en ayant à l’esprit / la dernière image d’une fillette qui saute à la corde / traçant autour d’elle la sphère où elle s’enferme. »
Marelle entre ciel et terre, regain et battements d’ailes d’un macrocosme à flanc de colline. Retenir cette sève et rendre hommage au poète, au veilleur, à l’homme écrivain et passeur. Entendez-vous le crissement du crayon papier sur la feuille, bousculée par le diktat de nos mirages ? Il certifie le passage du gué, les murmures de nos cœurs. Tout va changer par sa grâce et sa haute intelligence.
« On passe à la trappe de l’instant, le dehors vole / en éclats puis se recompose ainsi qu’une verroterie, / et quand la chance décroît, il faut s’en remettre / à l’arc-en-ciel tombé sans bruit par-delà la clôture. » « Lever l’ancre, lâcher-prise, larguer les amarres. »
Myriades en plein vol, les migrations-signes. Mot de passe,/pour ceux qui deviennent invisibles à nos yeux/ mendiants sous l’imposte d’une porte aux pastorales d’opéra... »
Fuir, disparaître, nager en pleine mer, l’oublieuse vénérée. Étreindre les fragments, mimétisme loyal et assumé, renaître dans l’aube d’une trame solfège. Jean-Pierre Otte, virtuose, humaniste, pur comme du cristal. Dans la perfectionniste revue poétique NUNC.
Publié par les majeures Éditions de Corlevour. À noter une magnifique première de couverture , illustrée à la craie par Jean-Pierre Otte.
Ces fragments sont des myriades d’oiseaux migrateurs en plein vol.
Des ballets magnifiquement intuitifs et souverains. Des fruits prêts à la cueillette. L’annonce belle du mot qui murmure le passage-gué. Ici, rayonne l’ère des petits riens à l’instar de Philippe Delerm et d’Amélie Poulain. Les grandes importances, majuscules d’un cahier du jour, certitudes et résistances.
On devine la voix de Jean-Pierre Otte. Chaque jour, présente dans l’orée qui s’élève. Les dires regain et rien qui ne se risque au passé nostalgique.
Le temps présent, Carpe Diem, est une vigne gorgée de raisins. L’ampleur, la mer et l’horizon plénitude. La vie qui retourne le sablier pour nous surprendre encore longtemps. L’Alcazar littéraire, la Babel décennie, le regard franc et la justesse verbale, de rectitude vêtue et qui assigne la plus touchante des épiphanies.
Écoutez : « Cette curiosité est notre contribution à la beauté tantôt merveilleuse, tantôt monstrueuse du monde. »
Déambulation, entrelacs, Les Ardennes ne sont pas des cartes postales figées mais des piaillements d’oiseaux à peine nés. Tout advient dans cette grâce verbale infinie. Le chant existentialiste est une jachère fabuleuse, parfumée et renaissante. Pas de pathos, mais un macrocosme pictural spéculatif et magnétique. On ressent la tiédeur d’un champ parfumé et enivré de chaleur estivale. Les regards qui retiennent tels des grelots l’écho d’une seconde même d’un rappel pavlovien.
Les confidences sont des outils pour un lendemain plus fructueux. Marelle entre ciel et terre, plénitude et le mouvement même de la vie qui fait la courte-échelle pour nous surprendre longtemps encore.
« L’éternité n’est que la possession émerveillée de soi. »
La sagesse d’un homme hédoniste qui rassemble l’épars, les monts et merveilles des géographies qui sont les maîtres de sa destinée.
Ces chroniques sont des papillons de nuit, des lucioles, une veillée en pleine clairière. La littérature est diapason, alliée et consentante à la virgule placée au plus juste de ce que Jean-Pierre Otte délivre subrepticement, avec pudeur et clairvoyance.
Quête initiatique, s’abreuver à la source altière de ces chroniques résolument épicuriennes. Draps bordés sans pli aucun, linge frais battu en plein vent. Les pensées comme des étoiles au bord des yeux. Le temps est une rivière, un berceau, la première lettre. Jean-Pierre Otte dresse un tableau : « Présence au monde plaisir d’exister », beau à couper le souffle. Guide de la vie, ici, on marche dans ses pas. Haut les cœurs ! Magistral. Publié par les majeures éditions Le Temps qu’il fait.
Certains auteurs, irrésistiblement, donnent envie de les connaître, pour de vrai. Jean-Pierre Otte fait partie de ceux-là. Amoureux de la vie et de tous ses bienfaits, esprit curieux intéressé par les êtres qui sont en eux-mêmes toute une histoire et ne ressemblent à personne, il nous raconte aujourd'hui une de ses belles rencontres, celle de Mehdi Mansour : «un visage fascinant, de conciliation et d'ouverture (...), un de ces êtres fluides capables de se jouer de toutes les serrures.»
A Lespinas, un hameau dans le Haut Quercy, en bordure du Cantal, ce dernier a créé un cercle des lecteurs - une quinzaine de personnes environ - qui se réunissent pour débattre autour de thèmes variés - la présence au monde, la philosophie, le bonheur ou l'écriture - de livres aimés, échangés, partagés - une centaine d'ouvrages à travers les siècles et mentionnés en fin de volume - conviant notre auteur «dans cette oasis, un petit monde oublié du monde, une ambiance faite de quiétude, d'entrain et de camaraderie dans la proximité du feu.»
Si Jean-Pierre, Mehdi et les autres ont en commun la passion de l'écrit, le refus du piétinement et de la stagnation, c'est sous le signe de l'amitié, de mets savoureux et de vins délicats que s'opère la magie. Si vous suivez un régime, ce livre sera une torture pour vous, car au fil des lieux et des saisons, vous humerez la tarte au citron de Maylis, le tiramisu de Bella, le quatre-quarts au chocolat d'Eliane, le vin chaud à la muscade et aux bâtons de cannelle de Mehdi, les crêpes au pommes flambées au kirsch de Petite Ourse... La fête, tout simplement !
Truffé d'anecdotes sur l'histoire de ces compagnons singuliers, souvent drôles et pas conventionnels pour un sou, ce récit nous délivre aussi quelques pensées merveilleuses. Sur la philosophie : «Philosopher, c'est dans une volonté d'allégresse, apprendre à vivre au mieux la vie qui nous est échue en partage quand apprendre à mourir n'est pas nécessaire, puisqu'on y réussit fort bien la première fois. Sur l'importance des livres : Certains livres sont d'une telle fertilité que lorsqu'on y plonge la tête la première, ils remplissent le vide, délivrent, détruisent insensiblement toute impression d'isolement. On se croyait séparé de tout, en rade, laissé pour compte, et on se retrouve réuni, accordé à tout, au diapason même de l'univers. C'est cela, le plaisir par excellence.»
Sur l'écriture, Jean-Pierre Otte nous partage une jolie image : «Si tous les livres lus sont autant d'échappées belles sur les routes du monde, écrire, c'est s'inventer des chemins vierges.» Alliance spontanée de la maturité et de la jeunesse, c'est de cette dernière, à propos de l'éducation, que jaillit peut-être le plus beau passage de ce livre : «Nous les avons éduquées à baptiser les rêves de noms d'oiseaux, à construire des rires avec le sable, à semer le trouble dans l'obscur, à chanter avec l'eau, à ne jamais écouter leurs parents; nous leur avons tout appris, sauf à devenir. Grandir, j'espère que ce ne sera jamais le projet de nos filles.»
Et si c'était cela, le bonheur ?
Minna vous le dira bien mieux que moi, à la fin de Un cercle de lecteurs autour d'une poêlée de châtaignes : «Au bout du jardin de mon enfance, il y avait une rivière. Les cailloux chatoyants au fond du courant me fascinaient : leurs formes fluides, leurs formes indéfinies. Un jour, j'ai retiré des cailloux et les ai posés sur l'herbe de la berge. En séchant au soleil, ils devenaient ternes, terreux, avaient perdu leur caractère enchanté. Et pourtant, il suffisait de les rendre à la rivière, de les rentrer dans le courant pour qu'ils recouvrent instantanément leur magie...»
Jean-Pierre Otte est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages, parmi lesquels L'amour au jardin (coll. Libretto/Phébus, 2002), L'épopée amoureuse du papillon (Julliard, 2007) et La vie amoureuse des fleurs dont on fait les parfums (Julliard, 2009), déjà évoqué sur La scie rêveuse
Il n'y a pas encore de discussion sur cet auteur
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !