"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Récit de voyage érudit, passionnant et dynamique. En 2016, Jean-Jacques Salgon nous entraine sur les pas de Soleillet et Rimbaud, deux baroudeurs qui ont bourlingué aux mêmes époques dans les mêmes endroits d’Afrique, du Golfe d’Aden au royaume du Choa et qui auraient pu se rencontrer dans cette région d’Abyssinie et particulièrement à Obock, ancienne colonie française, devenu port de la République de Djibouti dont il va nous faire découvrir l’Histoire.
Au-delà de mieux nous faire connaître le nîmois Soleillet plus ou moins tombé dans l’oubli de nos jours et nous dévoiler onze ans de la vie du célèbre Rimbaud alors loin de la poésie, il va aussi nous faire partager le goût, le désir, la vie et l’esprit du voyage que ce soit celui d’hier ou d’aujourd’hui.
« A l’origine de tout voyage, il y a le désir impérieux d’être ailleurs, comme un appel, une pulsion soudaine, un élan vigoureux qui nous pousse à partir et dont on ne sait pas vraiment ce qui l’a fait naître ou le motive sinon une nécessité intérieure ou vitale, la conscience d’une autre vie possible, d’un autre lieu où exister, ou bien, qui sait, et d’une manière plus souterraine, la réviviscence en soi d’un nomadisme atavique. »
Un excellent bouquin !
« Le Rimbaud d’Aden et plus généralement d’Afrique n’a plus grand-chose à voir avec le poète maudit de Paris ou l’époux infernal de Londres. Il aimerait devenir ingénieur, voudrait tout savoir sur la métallurgie, l’hydraulique, l’architecture navale, la maçonnerie, la charpente, la chimie des poudres et du salpêtre. Au gré des manuels qu’il se fait expédier depuis la France, il se rêve charron, tanneur, verrier, briquetier, potier, serrurier, métallurgiste, armurier, menuisier, télégraphiste (…) il forme le projet de se lancer dans les constructions à la mer ou le maniement des machines agricoles, (…) ; une encyclopédie à semelles de vent ; savant sauvage selon le mot juste de Michel Butor ; on a le sentiment que sa curiosité et sans bornes (…) que de manière confuse et velléitaire, se mêle à une volonté acharnée de gagner rapidement de l’argent le rêve démesuré de pouvoir exercer sans limite la puissance de son savoir et de son intelligence.»
Rimbaud va quitter l’écriture pour se lancer à corps perdu dans le négoce.
L’explorateur nîmois Soleillet va s’engager dans des combats en Pologne et contre les Prussiens. Il sillonnera le Maghreb pour vendre des tissus de ‘goût oriental, lamés d’or et d’argent’ que fabrique un manufacturier nîmois. A Tunis, il soignera des malades du choléra et fondera une ambulance.
Dès 1870, naissent les Sociétés de géographie.
« Depuis le percement du canal de Suez, en 1869, la ville de Marseille est au cœur du mouvement qui pousse les explorateurs vers l’Afrique, le Proche ou l’Extrême-Orient. (…) Paul Soleillet est l’un e ces explorateurs dont les expéditions lointaines sont fidèlement chroniquées au gré des livraisons trimestrielles du Bulletin e la Société de géographie de Marseille : le 23 octobre 1884, retour d’Aden et fraîchement débarqué du Yarra (…) il brandit des échantillons de café rapportés du Kaffa, pronostique le développement futur du port d’Obock, narre les péripéties de son périlleux voyage dans le Choa et de son séjour auprès du roi Ménélik II. »
Eblouissant aux yeux des notables français, Soleillet va facilement soulever des fonds et repartir à Obock, chargé de marchandises, de sucre, de verreries, de fusils et de 4 canons. Il envisage un dépôt de charbon qui permettra à la flotte française de s’y ravitailler, la création d’un comptoir d’import-export, et « rêve de train transsaharien » et surtout de se faire beaucoup d’argent…
Il mourra d’insolation à Aden en 1886.
En 1888, le port de Djibouti se révélera plus avantageux et Obock en désuétude tombera dans l’oubli.
Suivre les péripéties de ces deux aventuriers est absolument passionnant.
En 2016, Jean-Jacques Salgon va aller à Obock et sa région.
« Une impression de misère m’assaillait, les rues alentour étaient jonchées d’immondices, parsemées de sacs en plastique multicolores, et sur un mur en parpaings cimenté on pouvait lire ce graffiti : ’37 années de pauvreté pour Obock’.
De tout cela émanait une profonde tristesse et je n’étais pas loin de me dire, après Bruce Chatwin, ‘qu’est-ce que je fais là ?’ Pourtant ces doutes ne parvenaient pas à altérer en moi le sentiment très vif de m’être mis en mouvement, la conscience aigüe de me trouver dans un lieu désiré et voulu, un lieu tout à la fois inimaginable parce que réel et actuel et parfaitement imaginaire parce que surgi de ma mythologie personnelle et tout imprégné d’histoire. Même dans ces conditions difficiles, voyager prenait soudain le sens d’un rajeunissement, d’une immersion dans une mémoire vivante. (…) L’idée de cet acte gratuit, de cette quête sans véritable objet me portait. »
Un travail de recherche et d’enquête magistral à saluer. Une œuvre généreuse qui sait transmettre le goût de la culture, de la littérature, des voyages et ce, avec une belle écriture vivifiante.
Un délectable moment de lecture et d’évasion !
L'auteur a fait cet extraordinaire voyage dans les entrailles de la terre où il a eu le privilège de découvrir les sublimes fresques pariétales de nos lointains ancêtres, les Aurignaciens. «Après deux heures de plongée dans les tréfonds d'une lointaine mémoire... quelque chose là, me fut donné».
Ce récit parle de ce «quelque chose» d'inouï reçu dans la Grotte Chauvet d'Ardèche. Un récit érudit sur les traces de ces hommes modernes dans un environnement hostile et inhumain. Froid, lions, ours des cavernes, mégacéros et autres gigantesques mammouths laineux. Une confrontation quotidienne dont dépend la survie. Ils sont chasseurs, tueurs. Quels rapports ont-ils à l'animal ? Ces représentations pariétales conscientisent une perte, la perte de cette part animale d'eux-mêmes (de nous-mêmes ?) qui les soudait à l'organisation initiale mais aussi une accession à l'Humanité. Ils sont «les représentants d'un monde perdu», l'émergence d'un monde à venir et cette parade sauvage, en un fabuleux bestiaire de plus de 425 animaux, est un fragile et précieux message qu'ils semblent nous adresser depuis trente six mille ans.
Vraiment formidable !
A travers ce récit intime, Jean-Jacques Salgon nous invite dans un lieu qui lui est très cher, sa maison. Une visite littéraire dans laquelle chaque pièce minutieusement décrite raconte une histoire, la sienne, familiale, affective, amicale, voyageuse et surtout, d'écrivain. Une belle allégorie du temps, depuis la naissance (le Big Bang) à la mort (les Etoiles). Dans cet espace, la vie est là avec ses incomplétudes. On pose les pieds sur des tomettes ou un parquet monté à l'envers, on grimpe un escalier à vis d'époque lointaine symboliquement gradué, on découvre rayonnages de livres, cadres de photos, tableaux, musiques...On y croise un monumental Hugo, Rimbaud, Musil, Duras et bien d'autres dont le fameux Tintin. On voyage dans les meubles si proches et de si loin. On regarde un film. On s'assied sur une terrasse tropézienne au delà du vertige. On traverse un miroir qui renvoie notre image inversée, sans le savoir. On descend, à la cave comme dans la grotte Chauvet et l'on essaie, comme lui, "d'approfondir le douloureux secret qui le faisait languir".
Place de l'Oie, un beau voyage intérieur ouvert sur le dehors.
Le récit de J.J. Salgon débute comme un conte, en territoire d'Afrique, Royaume d'Allada, berceau du prince Déguénou, capturé puis vendu comme esclave en 1724 au Comte de Breda à Saint Domingue, père de François Dominique Toussaint Breda dit Fatras-Bâton celui qui deviendra Toussaint Louverture.
Suivant des chemins de traverse personnels, l'auteur nous mêle intimement au voyage dans des temps troublés, chaotiques souvent violents sur les traces de ce Héros charismatique d'un noble lignage, fin stratège, Libérateur des Esclaves noirs, qui finira ses jours misérablement emprisonné au Fort de Joux.
Un récit original, captivant, fourmillant de détails et vraiment formidable.
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