"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
À cours de nourriture, Ulysse et ses compagnons font escale sur une île habitée par un cyclope, géant carnivore doté d’un unique œil au milieu du front. Ulysse doit user de toute sa finesse et de toute sa rouerie pour être épargné par le monstre… Edouard Personne passe en jugement. Il est accusé d’avoir trucidé au couteau le directeur des docks de Californie. Il a même été blessé dans la bagarre. Sera-t-il exécuté ?… Aveugle-né, Polyte Rigolet exerce son métier de mendiant toujours au même endroit, l’extrémité du pont des Arts. Son ami Nénesse Langoury, cul-de-jatte, lui propose d’aller s’installer au Palais-Royal, histoire de changer de décor. Polyte refuse, car il ne veut pas faire d’infidélité à sa clientèle attitrée. Et c’est là que ses ennuis commencent… L’amant de la femme de Sherlock Holmes sort à peine de chez sa maîtresse quand il tombe pile sur le célèbre détective à casquette qui trouve ça louche et le bombarde de questions avant d’arriver à une conclusion surprenante…
« Les contes d’un matin » est un charmant recueil de douze contes et nouvelles qui parurent à l’origine dans les colonnes de deux journaux, « Le Matin » et « Paris-Journal » de 1908 à 1912 et dont certaines furent signées de pseudonymes. Le jeune Giraudoux n’avait alors que 26 ans. Il avait débuté comme écrivain quatre années plus tôt. Et pourtant, tous les textes sont de qualité, agréables à lire, pétillants, parfois surprenants et toujours pleins d’humour. Le lecteur y retrouvera l’ambiance joyeuse, insouciante et bon enfant de la « Belle époque ». L’auteur s’y essaie à toutes sortes de styles et de registres. En premier, l’amour juvénile, plein de rêves et d’illusions, mais aussi de légèreté et de truculence, et puis l’antiquité et la mythologie avec « Le cyclope », sans doute la meilleure des douze, sans oublier la fantaisie et l’étrange avec « L’ombre sur les joues », la plus sombre et la plus triste du lot. Le lecteur appréciera aussi les contes mettant en scène les petites gens et les petits métiers de Paris. Les thèmes du temps et de la destinée sont toujours présents derrière la légèreté et le charme de ce jeune auteur déjà chevronné.
Écrite durant l'occupation par Jean Giraudoux, "La folle de Chaillot" a été jouée pour la première fois le 19 décembre 1945 au Théâtre de l'Athénée dans une mise en scène de Louis Jouvet. L'auteur étant décédé en 1944, il n'a pu assister à la première de sa pièce et il y a fort à parier qu'il n'imaginait pas non plus que son œuvre traverserait le temps et accueillerait en son sein la dimension prophétique qu'on lui prête aujourd'hui.
"La folle de Chaillot" est une pièce en deux actes portée par le personnage loufoque, imprévisible, mais ô combien charismatique d'Aurélie, comtesse de je-ne-sais-quel comté qui "règne" sur Chaillot comme d'autres règnent sur Passy, Saint-Sulpice ou La Concorde.
Lorsqu'Aurélie découvre qu'un complot fomenté par des industriels véreux vise à s'approprier Paris en mettant à sac ses sous-sols supposément emplis d'or noir, elle réunit ses suivantes, ses appuis, ses équivalentes, bref ceux qui errent de l'autre côté de l'argent, pour leur tendre un piège. De cette rencontre, découle un second acte truculent aux dialogues incisifs, aux échanges succulents dans lequel cohabitent allègrement la folie des personnages et leur lucidité sur le monde des affaires, l'argent, le danger du pétrole.
De façon sous-jacente, Giraudoux dénonce la marchandisation galopante du monde et c'est de là que vient, sans doute, la vision prophétique qu'on lui accorde. le faux-procès dans lequel le chiffonnier se voit contraint de défendre les condamnés est à ce titre une merveille de dialogue à l'image de cette tirade que je ne peux m'empêcher de partager : "L'argent, c'est le vol, la combine, je les déteste, je ne mange pas de ce pain-là, mais c'est lui qui m'aime. Il n'aime pas la distinction, je suis vulgaire. Il n'aime pas l'intelligence, je suis idiot. Il n'aime pas les passionnés, je suis égoïste. Aussi, il ne m'a pas lâché jusqu'à mes quarante milliards. Il ne me lâchera plus jamais. Je suis le riche idéal."
La qualité de la pièce tient également à la diversité des deux actes, aussi différents que complémentaires. Il y a plus de mouvement dans le premier acte, l'attention du lecteur est souvent détourné du sujet principal par des apparitions fugaces. le deuxième acte a, quant à lui, presque des allures de huis-clos et offre un dénouement attendu, mais néanmoins surprenant.
"La folle de Chaillot" est de manière générale une pièce qui bouscule, surprend, pousse à la réflexion en tout en étant absurdement drôle. Il me tarde d'en voir une représentation.
J'ai encore passé un merveilleux moment avec une pièce de théâtre de M. Giraudoux. Cette fois-ci, on situe après "La guerre de Troie n'aura lieu" (je vous invite à voir ma chronique ), et même une dizaine d'année après le retour et la mort d'Agamemnon en son royaume. Ces deux pièces sont "fabriquées", pensées de la même façon : reprendre un mythe antique grecque pour dénoncer des événements, des façons d'être, de penser très contemporains.
J'ai particulièrement aimé la métaphore avec le sort des hérissons qui ne peuvent s'empêcher de traverser la route pour trouver un idéal, l'amour en l’occurrence, au risque de se faire écraser. C'est clairement une revendication sur le fait de retourner vers une 2eme guerre mondiale.
Il dénonce également les mauvaises intentions et/ou gestion des puissants (représentés par Egisthe, le Président) et la clairvoyance et la rationalisme du peuple (le jardinier, le mendiant).
De nombreuses allusions sont également faites à la croyance chrétienne, aux "pouvoirs" des Dieux, et à leurs conséquences.
Et encore une fois, il met en avant la condition féminine au travers du discours de Clytemnestre notamment.
J'ai trouvé détestable le personne d'Electre : réac, égocentrique, limite psychopathe tout de même. Elle n'a pas dépassé son complexe d'Oedipe (on pourrait appelé le pendant féminin le complexe d'Electre) :elle n'entend rien au mariage arrangé de sa mère, du besoin d'amour nécessaire pour l'accomplissement d'une femme, du meurtre orchestré de sa fille par son propre père (pour les "beaux yeux d'Hélène"). Elle reste dans son petit monde, dans l'amour de père qu'elle idolâtre alors qu'elle l'a vu cinq minutes au retour de la guerre, et au delà de ça, à l'entendre, elle aurait enfanter son frère, elle est dans cette toute puissance relative à ce stade œdipien, et ne l'a pas dépassé.
Alors qu'Electre représente le passé, Clytemnestre serait plutôt la femme moderne qui dénonce les mariages sans amour, et la quête d'une reconnaissance de soi en tant que femme d'exister autre que par son mari. Pour cette différence, la scène 5, acte II est vraiment superbement orchestrée.
Et Orestre, me direz-vous, dans tout ça ? Eh bien, ce pauvre Orestre, dès le départ il a les Euménides sur lui qui le poursuivent tout au long de la pièce puisqu'elles connaissent l'issue tragique. Lui, il est content de revenir dans son pays, de voir sa sœur, et essaye de renouer avec sa mère mais Electre qui tient les ficelles le conduira à sa perte, à ce matricide. Mais tout comme "Le guerre de Troie n'aura pas lieu", il est plutôt attentiste et manipulé par une femme.
Pour aller plus loin : http://chezsabisab.blogspot.fr/2016/01/electre-jean-giraudoux.html
La guerre de Troie n'aura pas lieu ? eh bien, si, l'Histoire ou (et?) le Destin veut qu'elle ait eu lieu, mais comment en est-on arrivé là ?
Petit rappel de l'histoire : Tout à commencé un jour de banquet où la déesse de la Discorde qui n'était pas invitée (un peu comme Maléfique à la naissance d'Aurore ...) décide de lancer la Pomme de la discorde où il est écrit "pour la plus belle". Bien sûr, les déesses toutes aussi superficielles et orgueilleuses les unes que les autres demandent à Zeus (mâle dominant mais plutôt pleutre sur ce coup) de désigner LA plus belle. Celui-ci décide de confier cette tâche (si existentielle) à Pâris, un troyen (le plus beau de tous les humains) qui choisit la belle Aphrodite qui lui promis l'Amour de la plus belle des mortelles .... la fameuse Hélène. Sauf que Hélène, grecque d'origine, est mariée à Ménélas ... et c'est là que commence le drame : ils partent vers Troie rejoindre le père et roi de Troie, Priam. Ménélas, quant à lui rameute tous les rois des états grecs, qui en pinçaient tous pour la belle Hélène et lui avaient juré protection (Ulysse, Achille, .. pour les plus connu).
La pièce de Giraudoux, commence donc quand Hector, fils de Priam et frère de Pâris, rentre de guerre, en se disant qu'il a bien mérité un peu de repos et qu'il va enfin profiter de sa femme Andromaque (la célèbre Andromaque, bien connu des "raciniens") qui de surcroit, attend un petit (la fameuse pièce d'échange au cœur de l'ouvre de Racine). Et là, il apprend que son frère, Pâris n'est pas rentré seul et qu'Hélène est tellement bêeelle que personne ne veut qu'elle parte et puis tant pis s'il y a une guerre après tout ...
Le pauvre Hector ! Il tente tout pour éviter cette guerre, la persuasion auprès des hommes et d'Hélène, l'humiliation (en passant outre les gifles de Oiax et même la cour qu'il fait à sa propre femme) et la démonstration, avec Ulysse. Il est épaulé de sa sœur Cassandre, qui prédit tous les malheurs que cela engendrera sur Troie, mais comme Apollon a bien fait son boulot, personne ne la croit (je rappelle, qu'elle a le don de divination mais Apollon, furieux d'avoir été éconduit par la demoiselle, lui a retiré le don de persuasion) et de sa femme Andromaque (qui sent bien que c'est elle qui va perdre beaucoup dans l'histoire ...) qui essaye elle aussi de dire à Hélène de repartir en Grèce, en vain ...à la fin elle lui demande au moins d'aimer Pâris pour que les hommes ne meurent pas pour rien ...
De l'autre côté, chez les grecs, Oiax qui au départ, est très virulent et veut tuer Pâris pour l'affront fait à Ménélas et aux Grecs, ressort, après sa discussion avec Hector, plutôt raisonné et est prêt à repartir. Reste plus qu'à décider Ulysse, messager des grecs, qui lui n'est ni pour ni contre, ils s'en remet au Destin.
Le pire personnage est donc Demokos, le poète "guerrier", il trouve tous les faux prétextes pour que les autres aillent au combat (pas fou le gars, c'est pas lui sur le front ...): la fierté troyenne, les valeurs à défendre, les femmes à protéger, et enfin le mensonge.
Le destin fait que ...
Mais éloignons-nous un peu de la guerre de Troie car comme dans l'Histoire, cette pièce sert de cheval de Troie à Giraudoux pour nous dire ce qu'il pense de la guerre, des décideurs, de la vanité des hommes et de la future guerre qui se prépare.
Nous sommes en 1935, aux prémisses de la 2nde guerre mondiale et Giraudoux, qui a combattu à la 1ère a bien senti dans l'atmosphère qui règne qu'une 2eme n'est pas loin de se déclarer. Et donc, clairement, les causes, ce ne sont pas pour une belle femme ou pour suivre un quelconque destin mais à cause des hommes et principalement ceux qui ne sont pas sur le terrain, les décideurs, les chefs (représenté par Priam) et les intellectuels, les patriotes sur le papier (Demokos, dans la pièce).
Un petit mot sur le style d'écriture, il use du mélange des genres entre la tragédie, la comédie et l'absurde (voire burlesque) : voir les citations. Il a su rester dans l'histoire grecque tout en parsemant des faits d'histoire contemporaine (a savoir sur la 1ère et la 2nde guerre mondiale) très habilement et intelligemment. Un grand auteur !!
Pour aller plus loin : http://chezsabisab.blogspot.fr/2015/12/note-presentation-de-lediteur-le-livre.html
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