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... Le livre que j'ai choisi, c'est un beau petit volume de cent vingt pages sobrement édité, d'un auteur peu connu et qui passe sans doute inaperçu dans le déferlement des éditions. C'est L'écluse des inutiles de Jean-François Pocentek, qui est paru aux éditions Lettres vives au mois de septembre. L'auteur avait déjà publié aux éditions Pleinchamp Les mangeurs de pommes de terre ; aux Lettres vives, Café des immobiles. Il est né en 1958 dans le nord de la France et d'abord enseignant, il a vite choisi de travailler auprès des adultes qu'on dit en difficulté. Actuellement, il consacre une partie de son temps à animer des ateliers d'écriture, et plusieurs textes de ses ateliers sont publiés. Dans L'écluse des inutiles, le narrateur qui s'occupe d'un vague bureau des objets trouvés dans une gare près du canal rend souvent visite aux habitants de quatre petites maisons au bord de l'eau. C'est un récit dans lequel il se passe peu de choses : la mort d'un chien, un repas, une promenade. Mais l'intérêt du livre à mon avis consiste surtout dans l'atmosphère de ce que l'auteur appelle «ce pays immobile», le canal, et auquel il finira par s'identifier, et surtout dans la description des pauvres vies de ses habitants. Il y a quatre personnages qui habitent quatre petites maisons au bord du canal. En fait, le narrateur visite ces quatre petites maisons ; les personnages qui les habitent deviennent ses amis. C'est un livre dans lequel il n'y a aucun misérabilisme parce qu'il s'agit évidemment de la vie de ces personnes, de leurs malheurs. On apprend de-ci, de-là des bribes de ce qu'ils ont vécu. Aucun misérabilisme, dis-je, mais la chaleur de l'amitié et de l'amour. Il y a par exemple, un tout petit passage que je peux vous lire de suite ; c'est à propos du personnage principal Mathilde : «... Elle me dit aussi qu'il ne fallait pas avoir peur d'aimer : les hommes, la bière, les chiennes, l'agneau, les infirmes, les souvenirs, les femmes trolls, les vieux livres, les vieilles dames, le bois qui brûle dans la cheminée, les collections de collections, les enfants debout et sans vie, ses larmes, ses rires, et les anges et les démons, la boue sous nos chaussures, la figure des morts, l'odeur des sentiers, les roues d'un chariot, et même soi-même.» Bref, c'est un livre que j'ai trouvé vraiment lumineux malgré son amertume...
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