"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Comme l’a déjà fait Jean-Claude Pirotte, il écrit son journal qui commence ici en mars 2010 par une violente vindicte sur Sarkozy, et se termine le 16 juin 2011.
Journal plein de références littéraires mais emprunt d’une grande tristesse et d’une certaine amertume.
Dans sa maison de douane désaffectée au cœur du Jura, il s’exprime avec poésie et nostalgie.
Vieillissant et malade, il est comme désabusé de tout : sa sante, la société, la politique, les poètes d’aujourd’hui, la télévision, ses écrits et ses peintures.
Outre sa grosse colère contre Sarkozy, qu’il ne ménage pas, on sent l’homme dépressif qui n’a plus grand espoir en la vie.
Un livre enrichissant mais pas bien gai.
Le silence ou comment un tout petit livre va vous emporter dès les premières lignes ! Chaque phrase écrite par Jean-Claude Pirotte est une perle à faire tourner longuement en bouche et j'aurais pu choisir, sur ses (seulement !!) 80 pages, au moins 100 citations tant ce livre est évocateur de sensations et de souvenirs.
La préface de Philippe Claudel, douce et lumineuse, nous plonge immédiatement dans une poésie délicate que confirme cette ode de Pirotte au bon vin, à l'enfance, à l'indicible, au rêve et à la réalité si intimement mêlés.
Le vin, donc, dans toutes ses métaphores viticoles, d'un vignoble à l'autre... Pirotte évoque ses expériences d’œnologue averti (la preuve, il parle des vins du Jura, l'or jaune !!), ses souvenirs de vendange, les paysages de vignes, les balades en vélo vers le revermont, la guerre d'Algérie. L'occasion finalement d'évoquer ses rencontres, les amitiés qui marquent, les personnages qui peuplent sa vie, et les livres.
http://www.leslecturesdumouton.com/archives/2016/01/24/33260612.html
« Il est notable qu'un des derniers textes écrits par Jean-Claude Pirotte ait pour titre Le silence. Après tout, n'est-ce pas là le lieu extrême du langage que nous aspirons tous un jour à atteindre quand, dépouillés des mots laissés au fil des pages, nous pressentons que le livre suivant ne sera que blancheur et paroles dissoutes. »
C'est avec ce paragraphe que Philippe Claudel débute son hommage en préface de ce dernier roman de Jean-Claude Pirotte, décédé en 2014. Ce court roman écrit en 2011, par un homme de poésie, est une sorte de recueil, de témoignage de vie, de jeunesse, de mort un peu aussi. Jean-Claude y raconte ses expériences, son travail dans les vendanges et décrit superbement les paysages. Le vin et la littérature sont les maîtres de ce récit construit en courts chapitres et laissant libre court aux pensées de l'auteur. Le travail ciselé des phrases, la construction du roman, la finesse de l'écriture trahissent le grand poète qu'était Pirotte. Je me suis laissée bercer par ce récit mélancolique, simple et exigeant qui réunit les deux passions de l'auteur :
« Mes amis lisent peu, sinon des romans de gare, les jours de pluie. Ce que je dois à la lecture, le trouvent-ils dans le vin ? Je n'ai pas leur expérience atavique de la vigne. Ce paysage, il a beau m'être le décor d'une vie, me reste justement assez étrange pour m'inspirer le songe d'un ailleurs qui serait ici. Je me sens en quelque sorte dépositaire de nombreux ailleurs possibles, dont la perfection me satisfait en me torturant parfois comme une douleur dentaire. Je m'éprouve vivant dans la mesure où ces ailleurs me protègent de je ne sais quelle débâcle de l'âme. Et les mots qui me viennent, je le soupçonne, ne disent hélas que trop peu ce qu'ils seraient affectés à dire Le démon du vin – j'entends l'être familier, intime, qui habite la vigne – a-t-il quelque parenté avec celui de la littérature ?»
Je vous recommande la lecture de ce petit condensé de poésie.
http://alombredunoyer.com/2016/01/02/le-silence-jean-claude-pirotte/
Récit posthume, le silence a été écrit entre Janvier et Mars 2011. Disparu en mai 2014, à l’âge de 74 ans, Jean-Claude Pirotte est l’auteur d’une œuvre abondante, notamment de la poésie. Il fut récompensé en 2012 par le Grand Prix de poésie de l’Académie française et le Goncourt de la poésie pour l’ensemble de son œuvre.
« Il n'y a que le silence qui puisse présider aux métamorphoses. »
Cet ouvrage est préfacé par Philippe Claudel qui le définit comme "Un grand frère des lettres" et lui rend dans ces premières pages un vibrant hommage. Comme le dit parfaitement celui-ci, cet ouvrage porte bien mal son nom car l'écrivain véritable est un parleur. En sa compagnie, la conversation prend le tour amical d'une immédiate intimité.
Il est très court, 80 pages, et découpé en mini-chapitres, souvenirs de la vie de l'auteur, de ses amis, des paysages, de son travail dans les vignes... tout ce qui lui aura été cher. La brièveté de l'ouvrage est une volonté assumée de l'écrivain "Je n'ai simplement pas l'âge romanesque" et qui, au détour d'un paragraphe, reprend à son compte une citation des Carnets de Joseph Joubert:
« Les petits livres, écrit-il, sont plus durables que les gros; ils vont plus loin. Les marchands révèrent les gros livres; les lecteurs aiment les petits. Ce qui est exquis vaut mieux que ce qui est ample... Un livre qui montre un esprit vaut mieux que celui qui ne montre que son sujet. »
Comment lui donner tort? On ne peut qu'être d'accord avec ces belles phrases. Pour ma part, je ne sais pas si j'aurais apprécié autant le silence s'il avait été plus long.
Le vin est omniprésent dans l'opus, comme dans l'intégralité de son œuvre. On trouve de nombreuses allégories et on se régale avec toutes ces métaphores viticoles.
« De ce que nous ferons de notre vie, nous ne voulons rien savoir. Notre indifférence au réel n'a d'égale que notre attention passionnée aux images entrevues dans une lumière soudaine, qui est peut-être celle que diffusent les éclats troubles du vin bourru. »
Jean-Claude Pirotte était un œnophile pour qui le vin était bien plus qu'un simple assemblage de cépages...
« J'aime le vin que je bois, lorsqu'il mérite son nom. Dans ma cave, il n'y a pas de vin. Il n'y a que d'heureuses espérances. De troublantes expériences. »
« Le vin, c'est le ferment de l'émeute. Le comble de l'esprit d'insurrection, de civilisation. L'alcool de vin, marc, fine, c'est le sommet de l'expérience mystique. Comment pouvons-nous oublier que l'eau se change en vin? Oublier que la rose et la vigne sont les ornements du jardin d'Allah? »
L'écriture est belle, mélancolique mais jamais plaintive. La mort plane pourtant souvent... Le style est riche et travaillé. La lecture n'est pas toujours fluide (souvent le cas quand un poète fait de la prose) mais tellement agréable. Il ne faut pas plus d'une heure pour arriver à la dernière page. J'ai eu l'impression par moment de m'évader, d'être hors du temps. C'est une douce et sereine sensation.
Je vous recommande la lecture de ce récit roman et laisse le dernier mot à l'auteur qui, en 5 phrases, résume et conclut magnifiquement ce qu'aura été sa vie.
« Je n'ai pas trouvé la poésie dans le vin, mais le vin dans la poésie. Je lis et relis mon exemplaire d'un choix de pensées de Joubert. Je vendange la vigne de savagnin et le jaune mûrit en silence dans ses fûts obscurs. Mes amis sont morts en Algérie, ou se sont suicidés. Nous avons perdu l'espoir en une Lotharingie excessive et exemplaire. Il me reste le silence. »
4/5
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