"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Au pays des Mille et une nuits
Swann est étudiant en philo à La Sorbonne et s’imagine déjà en célèbre penseur sollicité dans les médias. En attendant il est agent RATP à mi-temps pour financer ses études et c’est ainsi qu’il commence à s’intéresser aux stations désaffectées du métro parisien. Au cours d’une exploration dans la station fantôme Haxo, il se retrouve projeté à Samarra, en Irak, au Moyen-Âge, dans la peau d’un conseiller du calife qui lui pose la question : Existe-t-il une vie après la mort ?
Un métro pour Samarra est un mélange entre roman initiatique et conte philosophique. Chaque chapitre débute par une sentence philosophique (de quoi réviser mes vieux souvenirs de cours). Et l’on suit le jeune Swann qui rêve de briller dans la société, non pas en tant que candidat de télé-réalité mais philosophe. Mais pour aspirant philosophe qu’il soit, il paraît bien arrogant et peu ouvert. Je ne me suis pas arrêtée à ce caractère borné, j’ai bien aimé ce personnage, peu commun dans les romans et qui nous pousse à nous questionner sur nos propres préjugés. Une introspection intéressante au cœur du métro parisien, servie par une écriture fluide.
« Le fameux « Que faites-vous dans la vie ? »…Par cette formule figée, on ne cherche à connaître ni les passions ni les aspirations de notre nouvel interlocuteur, mais l’activité qui finance son quotidien, le rôle qu’il endosse dans la société. On s’intéresse à ce que les autres font et pas à ce qu’ils sont. »
Passionné par la philosophie qu'il étudie, Swann doit tout de même gagner sa vie. Pour subsister, il travaille dans le métro parisien où il consigne ses observations et découvertes dans un petit carnet. Mais de découvertes en curiosité, alors même qu'on lui fait visiter les arrêts et lignes "fantômes", l'une d'elles attire son attention : la station Haxo. Débute alors pour Swann un périple auquel il ne s'attendait pas, se réveillant dans une ville d'Irak, à Samarra où il est conduit auprès du calife. Malgré la situation, l'étonnement, débute une interrogation, un voyage initiatique : y a-t-il une vie après la mort ? Le voyage qui débute n'est pas que géographique, mais spirituel et intérieur.
Pour être honnête, les débuts de ma lecture ont été assez fastidieux. Cela n'a pas duré très longtemps, mais je me suis surprise à reposer le livre assez vite après une dizaine de pages, le laisser reposer entre deux lectures, et y revenir. Et à un moment donné, je n'ai plus lâché l'histoire et cette capacité de l'auteur à nous faire voyager et réfléchir. Je ne saurai expliquer ce début de lecture hormis un état personnel non en lien avec le livre. Mais cela veut aussi dire beaucoup sur notre capacité à entrer dans une histoire au moment où on se sent capable de le faire… Cette lecture apaise.
Le style d'Isabelle de Lassence est à la fois poétique, philosophique, très centré sur la pensée et pourtant pleine d'humanité. J'ai aimé ces contrastes parfois saisissant entre l'obscurité et l'enfermement du métro mis en parallèle à cette soif de liberté et cette lumière au combien intense lors des voyages de Swann à Samarra. J'ai été séduite par le rythme qui était changeant. Passé mes premières difficultés, je suis entrée avec facilité dans l'histoire, son sens. Il y a eu des passages parfois trop longs et pesant, mais l'enchaînement des chapitres étaient bien construit également : les journées de Swann s'égrènent et l'intrigue s'intensifie.
Le personnage de Swann Delva est attachant, imparfait. Il a soif de reconnaissance, mais ne trouvera pas forcément ce qu'il cherche dans la "réalité" temporelle. Il est entier, imparfait, humain, il nous fait réagir et il est plaisant de voir un personnage entier : qualités et défauts. Certains passages nous font bondir, d'autres abreuvent notre propre réflexion. Ce que je peux décrire par les mots "moi, je" définis assez bien Swann : porté sur lui-même et mettant en avant et en position préférentielle sa pensée et son avis. Il n'a pas été pour autant antipathique. Agaçant, mais comme je l'ai souligné plus haut : humain avec ce qu'il peut y avoir de positif ou d'irritant. Assez paradoxal, car d'habitude, ce style de personnage a tendance à me rebuter.
L'ensemble est réussi : un voyage initiatique, un voyage personnel pour Swann, des rencontres atypiques et une aventure qu'on aimerait parfois ne pas voir se terminer. Certains passages sont assez contemplatifs, d'autres, en particulier avec la mère de Swann, sont remplie de bienveillance.
J'aime beaucoup certains films du cinéma contemplatif : certaines scènes peuvent durer quelques minutes alors que très peu de choses se jouent à l'écran. J'ai ressenti quelque chose d'assez similaire : certains passages manquaient de rythme, mais en même temps, ils sont là pour habiller la réflexion.
En bref :
Un voyage initiatique où la réflexion traverse les pages et nous permet de nous questionner nous-même. Des personnages entiers, imparfaits servis par une écriture pleine de poésie et de délicatesse.
https://lecturedaydora.blogspot.com/2019/04/un-metro-pour-samarra-isabelle-de.html
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